Cameroun : l’opposition au projet d’Herakles Farms de planter des palmiers à huile en territoire indigène

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Trois décrets ont accordé à Herakles Farms des terres indigènes pour la création de plantations industrielles de palmier à huile, en plein cœur de quatre zones à forte diversité biologique. L’opposition locale et les avertissements de chercheurs et d’écologistes sur les impacts irréversibles du projet ont été ignorés.

Le 25 novembre 2013, le Président du Cameroun a promulgué trois décrets qui accordent à SG Sustainable Oils Cameroon / Herakles Farms 19 843 hectares de terres indigènes situées dans le sud-ouest du pays, pour la réalisation d’une plantation de palmiers à huile à grande échelle.

La population et les organisations locales affirment que les décrets présidentiels, truffés d’irrégularités, rappellent les temps du colonialisme et de l’esclavage et violent le code foncier camerounais de 1976, ainsi que les lois internationales concernant le changement climatique, qui exigent de ne pas accroître les émissions en transformant des forêts tropicales en plantations en régime de monoculture telles que, en l’occurrence, les plantations industrielles de palmiers à huile.

Le décret présidentiel qui accorde une concession à Herakles dans une zone très vulnérable a ignoré l’opposition de la population au projet, ainsi que les mises en garde de scientifiques et d’écologistes éminents qui affirment que le projet aura partout des effets irréversibles.

L’ONG camerounaise SEFE dénonce que cette décision viole le principe suivant lequel un projet ne peut être durable que si toutes les parties se mettent d’accord pour le mettre en œuvre en respectant strictement les principes et les critères pertinents, en application des lois conventionnelles en vigueur.

SEFE dirige depuis 2010 une campagne contre Herakles Farms en organisant la résistance populaire contre l’établissement de plantations de palmiers à huile à grande échelle en plein milieu de quatre zones protégées très importantes, dont l’emblématique Parc National de Korup. La région comprend aussi un bassin versant complexe (la Réserve forestière de Rumpi Hills), qui approvisionne en eau potable les communautés des environs et d’autres très éloignées, au Cameroun comme au Nigeria, et qui est considéré comme un point de grande valeur pour la conservation de la biodiversité. Ainsi, le projet aura des conséquences négatives pour les populations proches, mais aussi pour celles qui vivent dans des zones lointaines du littoral du Cameroun et du Nigeria (État de Cross River). Elles seront toutes gravement atteintes par la pollution, par les inondations, par les changements hydrologiques et par la diminution de la biodiversité. D’autres systèmes essentiels, comme les mangroves situées au sud de la zone prévue, seront touchés également.

Depuis la signature du décret, l’atmosphère est tendue dans la zone de la concession et des conflits pourraient éclater entre des villages qui ont toujours coexisté en paix et qui profitent de la vie communale depuis des siècles.

La compagnie a dit à plusieurs reprises que la zone est une forêt secondaire et dégradée, mais la plupart des terres comprises dans la concession sont couvertes de forêts intactes, aussi bien à Fabe, à Masake, à Sikam et à Talangaye qu’à d’autres endroits.

SEFE exige que le décret soit annulé en raison des renseignements incorrects qui figurent dans les soi-disant documents techniques, et du fait qu’il ne contient pas d’information ni d’apports des communautés. L’ONG pense aussi que l’octroi d’une concession pour la création d’une plantation industrielle de palmier à huile non durable du point de vue social, économique et environnemental contredit les obligations du Cameroun à l’égard d’instruments internationaux tels que les Objectifs de développement pour le millénaire, la Convention sur la diversité biologique, la Convention de RAMSAR, les déclarations sur les droits de l’homme de l’ONU et d’autres encore, qui exigent d’adhérer pleinement aux idées de paix et de stabilité dont font partie la préservation de l’environnement et la protection de l’ensemble des citoyens.

SEFE déclare qu’elle « poursuivra sa campagne jusqu’à ce que justice soit faite, car jamais un décret n’a pu abattre la justice et jamais il ne le pourra ».

Article fondé sur le communiqué de presse de SEFE : « SEFE qualifie l’accord foncier passé par le Président du Cameroun avec l’entreprise américaine Herakles Farms d’injustice grave et d’entrave aux valeurs conventionnelles », http://farmlandgrab.org/22941#sthash.sdZ1XvLS.dpuf.