De l’énergie durable pour tous, ou encore un plan pour accroître les profits des compagnies énergétiques ?

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Énergie durable pour tous (SEFA d’après l’anglais) est une initiative lancée par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en octobre 2011, qui a gagné du terrain à l’approche de Rio+20. Ban Ki-moon a précisé qu’à son avis, elle occupera le devant de la scène à Rio+20 et qu’elle suivra son cours, quel que soit le résultat des négociations de l’ONU.

Les objectifs officiels de SEFA pour 2030 sont : a) de doubler le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique ; b) de doubler la part de l’énergie renouvelable ; c) d’assurer l’accès universel aux services énergétiques modernes.

En eux-mêmes, ces objectifs sont très problématiques : « l’énergie renouvelable » n’est pas définie mais les documents montrent que les grands barrages hydroélectriques, les agrocombustibles et les plantations de biomasse entrent dans cette catégorie. Le fait d’accroître la part de l’énergie renouvelable ne va pas forcément réduire la consommation de combustibles fossiles, puisque l’utilisation d’énergie augmentera considérablement dans le monde : SEFA vise à augmenter « l’accès » à l’énergie dans le Sud, mais ne dit rien sur le besoin de diminuer la surconsommation d’énergie dans le Nord. Finalement, les trois objectifs sont entièrement indépendants les uns des autres. « L’accès à l’énergie » dans le Sud ne signifie pas que cette énergie sera renouvelable, efficace ou « durable » ; cela peut signifier tout simplement qu’il y aura davantage de centrales électriques au charbon ou une plus forte exploitation des sables bitumineux.

Pourtant, le plus inquiétant est peut-être la nature même de l’initiative SEFA : elle est dirigée par un Groupe de haut niveau dont les membres ont été triés sur le volet par Ban Ki-moon et qui inclut des représentants de grandes entreprises telles que Siemens, Statoil, Eskom, Riverstone Holdings, Bloomberg New Energy Finance et d’autres encore. Les seuls gouvernements représentés sont ceux des États-Unis, de l’UE, de l’Inde et du Brésil. Charles Holliday, président de la Banque d’Amérique, est un des deux présidents du Groupe de haut niveau de SEFA. Le programme d’action de SEFA, c’est-à-dire son programme de travail, a été produit par ce groupe en secret, sans le moindre semblant de consultation.

Le message-clé qui parcourt tout le programme d’action et d’autres documents de SEFA est le « besoin » de « catalyser l’investissement » en éliminant toute « barrière ». Plutôt que de réglementer les investissements des entreprises, SEFA cherche à les faciliter, quels qu’en soient les effets sur la société, l’environnement et le climat. Les entreprises devront aider les gouvernements à concevoir et à mettre en œuvre des politiques énergétiques favorables aux affaires. À leur tour, les gouvernements devront engager des fonds publics pour aider les entreprises à couvrir les frais de démarrage et pour les assurer contre les risques financiers. Cela inclut de financer la recherche et le développement, des projets pilotes, l’assistance technique, des subsides, des cautions d’emprunt et d’autres moyens de « minimiser les risques » pour les investissements du secteur privé. La société civile est reléguée aux fonctions de soutien et de facilitation : le programme d’action suggère que les organisations de la société civile pourraient travailler en partenariat avec les compagnies, « éduquer » les communautés du Sud, mettre en œuvre des projets, etc.

SEFA n’est pas un nouvel organe de financement mais un « bureau central » pour des engagements et des partenariats volontaires. Les gouvernements et les entreprises sont encouragés à lui présenter leurs engagements politiques. Le Ghana a été le premier pays à le faire formellement. La clé de voûte de son engagement est l’augmentation de l’utilisation de gaz naturel, accompagnée de soutien pour la construction de nouveaux gazoducs et usines de traitement. Il inclut aussi le Plan d’action renouvelable, déjà approuvé, qui appuie l’expansion des plantations industrielles pour la production d’agrocombustibles. Jusqu’ici, n’importe quel investissement en énergie, du moins dans le Sud, peut être présenté comme un engagement, en arguant qu’une augmentation de la génération d’énergie se traduira par une augmentation de « l’accès à l’énergie ». Le secrétariat de SEFA a confirmé que les gouvernements seront libres de choisir quels types d’énergie ils souhaitent inclure dans les engagements de leurs pays, sans même prétendre de se soucier de leur « durabilité », malgré le titre de l’initiative.

À beaucoup d’égards, l’initiative SEFA peut donc être perçue comme une suite et un développement possible du financement d’énergies polluantes et destructives comme, par exemple, celui de la Banque mondiale (membre du Groupe de haut niveau). Cependant, SEFA s’insère dans une tendance beaucoup plus récente et dangereuse : en tant qu’initiative de l’ONU, elle représente une tentative de remplacer les négociations multilatérales et les conventions par des partenariats entre plusieurs parties publiques et privées. Il s’agit donc d’un exemple particulièrement fort de ce que beaucoup d’organisations de la société civile ont décrit comme la « capture de l’ONU par les grandes entreprises ».

Vous êtes invités à signer la lettre ouverte où les gouvernements sont appelés à rejeter l’initiative Énergie durable pour tous (SEFA). Vous trouverez cette lettre à l’adresse :http://www.wrm.org.uy/actors/CCC/reject_SEFA.html

Pour la signer, veuillez envoyer un courrier électronique, indiquant le nom de votre organisation et celui de votre pays, à biofuelwatch@gmail.com

Almuth Ernsting, Biofuelwatch, adresse électronique : info@biofuelwatch.org.uk

Pour en savoir plus veuillez visiter : http://www.biofuelwatch.org.uk/2012/sefa/