Changement climatique, géo-ingénierie et biodiversité

Image
WRM default image

Résumé

Les rapports de la diversité biologique et du climat reçoivent de plus en plus d’attention au moment de définir les politiques concernant le changement climatique : la diminution de la diversité biologique aggrave le dérèglement du climat, de sorte que la protection de la première doit être au centre de toute stratégie efficace pour atténuer le dernier ou s’y adapter. Les Parties doivent faire en sorte que les principes de la CDB (par exemple, le principe de précaution, l’approche par écosystème, les droits des peuples autochtones) soient respectés et appliqués dans toutes les politiques qu’on adoptera pour combattre le changement climatique. Les mécanismes du marché et les solutions technologiques qui dominent à l’heure actuelle parmi les options proposées n’assureront pas la conservation de la biodiversité ; au contraire, il existe le risque que le recours excessif à des approches commerciales et à des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves aggravent la situation.

Qu’est-ce qui est en jeu ?
La réponse mondiale au changement climatique va-t-elle protéger la biodiversité et accroître la résistance des communautés et des écosystèmes, ou aggravera-t-elle la situation en promouvant de fausses solutions ?

La géo-ingénierie nous laissera-t-elle sans planète ?

Faute d’adopter des mesures efficaces pour réduire les émissions, certains pays riches appuient des options technologiques extrémistes qui visent à manipuler le climat sur une grande échelle et qui auront des conséquences dévastatrices pour la diversité biologique :

  1. La fertilisation des océans, destinée à stimuler la croissance des algues pour qu’elles absorbent l’excès de CO2 de l’atmosphère, met en danger les écosystèmes marins et les moyens d’existence des pêcheurs et des populations côtières.
  2. Le lancement de sulfates dans la stratosphère, pour diminuer le réchauffement planétaire en reflétant la lumière du soleil vers l’espace, causera des ravages dans la couche d’ozone et dans les tendances des précipitations mondiales.
  3. Le biochar (biomasse brûlée qui serait censée piéger du carbone dans le sol et améliorer sa fertilité) est présenté comme une solution pour le climat, la sécurité alimentaire et l’énergie, mais il provoquera en fait des pressions supplémentaires sur les terres et les aliments de personnes qui sont déjà affamées et sans terre.

Dans tous les cas, les effets prétendus (piégeage de carbone, refroidissement) sont scientifiquement contestables et comportent de forts risques, tandis que les dangers qu’ils comportent pour la biodiversité et les moyens d’existence associés sont réels et tangibles. La géo-ingénierie représente une menace sans précédent pour la biodiversité et pour la capacité des communautés locales et des peuples autochtones de profiter équitablement de ses bénéfices. La CDB devrait renforcer le rôle qu’elle a déjà joué dans ce domaine.

Pour atténuer le changement climatique on accepte n’importe quoi, sauf réduire les émissions.

Afin de changer rapidement de combustibles (en abandonnant les combustibles fossiles), de nouvelles technologies et sources d’énergie discutables prolifèrent à l’heure actuelle. Par exemple :

  1. Les plantations industrielles d’agrocarburants (canne à sucre, soja, jatropha, palmier à huile...) qui appartiennent à des sociétés transnationales sont en train de détruire des écosystèmes riches en diversité biologique et de priver les populations autochtones et locales de leurs moyens d’existence, tout en augmentant l’utilisation de produits pétrochimiques et de fertilisants, deux des principaux responsables du réchauffement planétaire (voir le document nº 6 sur la bioénergie).
  2. L’industrie biotechnologique voit dans le changement climatique une excellente occasion de « contribuer » à l’atténuation et à l’adaptation au moyen de technologies dangereuses pour la diversité biologique et les communautés (les arbres GM, la biologie synthétique).
  3. La construction de grands barrages détruit la biodiversité aquatique et terrestre sur de grandes étendues et expulse les populations locales de leurs territoires. D’autre part, les barrages et les réservoirs, surtout dans les régions tropicales, sont des sources de quantités considérables de méthane, un gaz à effet de serre puissant.

La CCNUCC n’est pas la bonne voie

Pour l’instant, les impératifs commerciaux de la CCNUCC ont dominé dans les mesures pour l’atténuation du changement climatique. Or, ces mesures ont échoué à réduire les émissions de CO2 et à atteindre le saint graal du développement durable. Non seulement la CCNUCC n’a pas réussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre (les concentrations actuelles sont d’environ 390 ppm, alors qu’elles étaient de 350 ppm en 1990), elle a même adopté certaines politiques qui bouleversent les fonctions des écosystèmes sans apporter aucun avantage climatique tangible. Cela est particulièrement vrai dans le cas du Mécanisme de développement propre, qui n’a pas abouti à réduire les émissions de façon significative et qui n’a pas contribué non plus au développement durable.

À présent, les systèmes REDD et REDD+, absolument centrés sur le marché (c’est-à-dire sur le commerce du carbone) risquent de provoquer le plus grand accaparement de terres jamais vu de la part des grandes entreprises, et de devenir un moyen original de « privatiser l’air ». L’expérience du MDP et les résultats décevants d’autres systèmes de paiement des services environnementaux devraient justifier largement que l’on s’arrête à considérer des mesures d’un genre différent (voir le document nº 5 sur REDD et le document nº 2 sur les ressources financières).

Propositions pour la CdP 10 et au-delà

Du moment que l’approche axée sur le marché de la CCNUCC est en train de s’infiltrer dans la CDB, les Parties doivent prendre une voie différente, car rien ne prouve que cette approche puisse fonctionner (voir le document nº 2 sur les ressources financières). La protection de la biodiversité et de ceux qui la préservent et l’entretiennent sont des éléments clés dans la lutte contre le changement climatique.

Les Parties doivent :

  1. Approuver la suspension de la géo-ingénierie et de la biologie synthétique, comme proposé à l’OSASTT 14.
  2. Veiller à ce que toute mesure adoptée par la CCNUCC (ou par d’autres organisations internationales) respecte la conservation de la biodiversité et les moyens d’existence associés qui la maintiennent, et à ce qu’on approuve d’urgence toutes les mesures nécessaires pour éviter la diminution de la biodiversité et de la diversité culturelle. Cela inclut de réaffirmer l’importance de la déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP).
  3. Rejeter les approches qui réduisent les forêts à des réservoirs (et des échanges) de carbone, y compris les compensations de biodiversité et les systèmes REDD fondés sur le marché (comme le MDP), qui manquent de sauvegardes appropriées pour la biodiversité et les droits des autochtones et qui n’ont pas démontré leur capacité de réduire les émissions de carbone.
  4. Rejeter l’accaparement de terres et les plantations en régime de monoculture pour la production de biocarburants et de biochar (voir l’article sur la bioénergie).
  5. Promouvoir et soutenir le rôle que jouent dans l’atténuation du climat les terres conservées par les communautés et les peuples autochtones.
  6. Maintenir les moratoires préalables, puisque les dangers qu’ils reconnaissaient n’ont pas diminué. En particulier, maintenir le moratoire sur les GURT (technologie Terminator) et les arbres GM.