La République centrafricaine ratifie la Convention 169 de l’OIT

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En avril dernier, la République centrafricaine est devenue le premier pays africain à avoir ratifié la Convention de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux (Convention nº 169).

La Convention nº 169 de l’OIT, adoptée en 1989, est un instrument juridiquement contraignant par lequel les gouvernements contractent certaines obligations. De même que la Déclaration de l’ONU sur les peuples autochtones, il s’agit d’un instrument international qui concerne spécifiquement les droits de ces peuples et prévoit de nombreuses mesures pour la protection de ces droits. La convention est fondée sur la reconnaissance de la diversité culturelle et ethnique et met l’accent sur les principes de la consultation et de l’autodétermination.

Dans le cas de la RCA, la ratification de la Convention engage le gouvernement à prendre des mesures systématiques pour protéger les droits des peuples de cueilleurs-chasseurs des forêts tropicales humides et des bergers nomades mbororos, à garantir le respect de leur intégrité et à créer des mécanismes appropriés et efficaces qui permettent leur consultation et leur participation aux affaires qui les concernent.

Les cueilleurs-chasseurs autochtones des forêts tropicales humides, que l’on appelle en général « pygmées », mènent une vie semi-nomade au cœur de la forêt à laquelle ils sont inextricablement liés. Il s’agit de 3,8 millions d’hectares de forêt dense, situés dans le sud-ouest de la RCA (Ombella-M’Poko, Lobaye, Sangha-Mbaéré et Mambere-Kadei).

Un rapport exhaustif de la Rainforest Foundation UK [1] dépeint leur vie de chasseurs et leurs activités agricoles et d’élevage dont ils tirent leur nourriture. Ils chassent avec des filets, des lances, des arcs et des flèches, ou en enfumant des terriers. Ils pratiquent l’agriculture sur brûlis, qui consiste à défricher une zone de la forêt, et à rassembler et brûler la biomasse qui en résulte, pour y cultiver du manioc, des bananes, du taro, de l’igname, du maïs, des cacahuètes, des palmiers à huile, du café et des arbres fruitiers, comme par exemple le manguier et le mandarinier.

« La forêt est notre foyer (ndima) » ; « nous en sommes les propriétaires et nous la préservons », disent les peuples autochtones des forêts de la RCA. Pour eux, la notion de propriété individuelle n’existe pas ; la forêt appartient à toutes les communautés.

Pourtant, la presque totalité des 3,8 millions d’hectares de forêt dense du sud-ouest du pays appartient légalement à l’État, seul propriétaire de la terre. L’État cède des portions de forêt à des fins d’exploitation, « pour une période égale à la durée de vie de l’entreprise », ou à des organisations et projets de conservation, limitant de ce fait l’accès des peuples autochtones à de grandes étendues de leurs terres ancestrales et à leurs ressources.

Les peuples autochtones affirment en général, par exemple, que « l’abattage d’arbres à chenilles et l’ouverture de pistes que font les travailleurs des entreprises forestières, ce qui encourage le braconnage, et la demande toujours plus grande de produits forestiers, tout cela influe sur la disponibilité de gibier et des produits que nous cueillons ». « Les chenilles se raréfient, de même que le gibier ».

À Bayanga, les peuples de Mossapoula, qui vivent à un kilomètre du parc national de Dsangha-Sangha, ont déclaré qu’ils avaient des difficultés pour trouver de la viande d’animaux sauvages.

En vertu de la loi coutumière, qui continue de jouer un rôle important, les terres où habitent les peuples autochtones sont souvent les jachères des Bantous ; cela provoque des conflits parce que la jachère appartient à la personne qui l’a défrichée (suivant la « loi de la hache »).

Pour les peuples autochtones de la RCA, qui ont toujours été marginalisés de la société centrafricaine, la ratification de la Convention 169 de l’OIT pourrait bien être le tremplin qui leur permettrait de revendiquer la possibilité d’exercer leurs droits, surtout en ce qui concerne l’accès à la terre et aux ressources naturelles dont ils dépendent, mais aussi leurs droits civiques, sociaux et économiques.

Article fondé sur “The Situation Of The Forest Peoples Of The Central African Republic”, janvier 2009, The Rainforest Foundation UK,http://www.rainforestfoundationuk.org/files/The%
20Situation%20of%20Forest%20Peoples%20of%20CAR.pdf
, The Rainforest Foundation UK, http://www.rainforestfoundationuk.org/CAR_ILO_Convention.