Ouganda : la promotion des plantations, une disgrâce pour l’humanité et pour l’environnement

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L’Ouganda, comme n’importe quel autre pays africain, est en train de promouvoir les plantations sous prétexte de créer des revenus et d’autres avantages pour les Ougandais, et détruisant au passage de nombreuses ressources naturelles comme les forêts, les zones humides et pentes des montagnes. Au cours des dix dernières années, des milliers d’hectares de forêts ont été détruites et remplacées par des plantations industrielles.

D’autre part, l’Ouganda s’est engagé à protéger les forêts et à réduire la déforestation en participant au système REDD+, comme d’autres pays africains. Après que sa proposition de préparation à REDD (R-PP) a été approuvée lors de la 9e réunion du Comité des participants (PC) au Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) de la Banque mondiale, sur la base de la situation des forêts ougandaises et des bénéfices qu’elles apportent aux communautés qui en dépendent et aux propriétaires de forêts, l’Ouganda recevra 3,4 millions USD pour préparer une stratégie REDD+, un scénario de référence et un système de mesure, de notification et de vérification (MRV). Or, cet engagement est démenti par l’expansion des plantations en régime de monoculture qui a lieu en ce moment dans le pays. À titre d’exemple, en août 2011 le gouvernement a décidé d’utiliser la pénurie de sucre comme prétexte pour proposer d’accorder 7 000 hectares de forêt à MEHTA, propriétaire de la Sugar Corporation of Uganda (SCOUL), pour qu’elle élargisse ses plantations de canne à sucre. Les médias, les leaders locaux et les organisations de la société civile s’y sont opposés ; la communauté internationale en a été informée et elle a amplifié les voix des Ougandais, de sorte que le gouvernement s’est vu obligé à annuler la cession de la forêt.

Un pays comme l’Ouganda, qui a signé plusieurs conventions comme la CDB et Ramsar (sur les zones humides), n’aurait pas dû penser à sacrifier la forêt pour obtenir à court terme un profit économique réduit, aux dépens de l’environnement et de la population, sans une évaluation appropriée des fonctions vitales de la forêt et sans connaître les diverses causes profondes qui mènent à l’échec les industries de traitement du sucre. Il convient de signaler que les machines utilisées pour extraire le sucre de la canne sont démodées : elles datent des années 1960, ce qui veut dire que leur efficacité a diminué. Autrement dit, la production de sucre pourrait augmenter en améliorant la technologie, au lieu de transformer davantage de terres boisées en terres arables pour faire davantage de plantations en régime de monoculture. En plus, les projets comme celui-ci encouragent la déforestation et la dégradation des forêts, alors que l’Ouganda s’est engagé à les freiner.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement ougandais est en train d’encourager la plantation de palmiers à huile au Kalangala, avec le soutien d’institutions financières internationales comme l’IFAD et la Banque mondiale et d’entreprises comme Wilmar et d’autres. De nombreuses contradictions et infractions ont été constatées, dont le non-respect de la CDB et la destruction de la flore et la faune. Dans ce cas aussi, le gouvernement se contredit lorsqu’il encourage le palmier à huile aux dépens des forêts naturelles, tout en proposant REDD+ pour conserver les forêts. Près de 10 000 hectares ont été plantés de palmier à huile. La population de Kalangala a été privée de ses droits à de l’eau propre et à un environnement en bon état ; elle est exposée à l’érosion de sa culture, ses moyens d’existence sont compromis, et elle se trouve confrontée à l’insécurité alimentaire, parmi bien d’autres problèmes.

Un autre exemple de projet de plantation qui porte atteinte aux communautés locales est celui de Kikonda, dans le district forestier de Kyankwanzi, où la société sud-africaine Global Woods a fait en 2002 une plantation de pins, en déplaçant les communautés indigènes qui, au départ, avaient utilisé la réserve forestière pour l’agriculture. Les effets de cette initiative se font sentir aujourd’hui.

Comme dans le cas des plantations, des initiatives REDD ont eu elles aussi des effets négatifs sur la population ougandaise qui dépend des forêts. Par exemple, pour mettre en œuvre un projet REDD, le gouvernement a expulsé des groupes indigènes. Les pygmées de la forêt de Semliki vivaient là depuis des temps immémoriaux, mais l’Autorité ougandaise de la Faune (UWA), en étroite collaboration avec l’Autorité nationale des Forêts, les a expulsés comme des intrus.

L’Ouganda doit mettre en place un mécanisme pour réglementer le développement des plantations de manière à éviter qu’elles détruisent les forêts naturelles et foulent aux pieds les droits de la population locale. Tout développement sérieux devrait accorder aux gens une place centrale et tenir compte des aspects sociaux. En outre, le cas de l’Ouganda met en lumière le besoin d’une approche commune, qui permette d’arrêter vraiment la destruction des forêts et de faire en sorte que les projets de développement tels que les plantations n’aient pas d’effets négatifs sur les gens et l’environnement, mais qu’ils soient formulés de manière à bénéficier à la population. Cela ne pourra se produire que si la population y participe vraiment et peut donner ou refuser son consentement aux plans de développement qui auront un fort impact sur leurs moyens d’existence.

David Kureeba, National Association of Professional Environmentalists (NAPE), Les Amis de la Terre Ouganda, adresse électronique : kureebamd@yahoo.com.