Panama : conflit territorial et violation des droits des Naso

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Les Naso, que l’on appelle aussi Teribe ou Tjër-Di, vivent dans le Nord-Est du Panama, dans la province de Bocas del Toro, sur un territoire de 1 300 km2 qui comprend la plupart du bassin des fleuves Teribe et San San.

Ce peuple autochtone, qui occupait déjà ces terres lorsque les premiers conquistadors sont arrivés dans la région, et qui s’est toujours défendu contre les colonisateurs, continue de pratiquer l’agriculture et la pêche de subsistance en étroite union avec la nature qui l’entoure et lui donne des aliments, de l’abri, la santé, des occupations et des loisirs.

Aujourd’hui il doit lutter pour sa survie : le groupe Ganadera Bocas, arborant un titre de propriété octroyé par l’État et piétinant les droits antérieurs des communautés naso de la région, est arrivé avec des agents de police et des gaz lacrymogènes pour expulser ce peuple originaire d’une étendue de moins de 200 hectares que les Naso revendiquent en tant que partie de leur territoire ancestral et qu’ils rêvent d’intégrer à leur Comarca Naso Tjër-Di.

L’élevage extensif de Ganadera Bocas menace de détruire l’économie traditionnelle des Naso et de les faire disparaître en tant qu’ethnie ; l’entreprise a entièrement déboisé les bassins des fleuves et inondé de coulées de bouse les chemins de la communauté.

Cela fait plusieurs mois que les Naso vivent dans des campements, pour s’y réfugier et pour protester, aussi bien dans la ville de Panamá (Plaza Catedral) qu’à San San Druy, et qu’ils cherchent une solution au conflit foncier. Ils ont été délogés arbitrairement de tous leurs campements.

Le 19 novembre, « sans ordre judiciaire et grâce à l’appui arbitraire du gouverneur de Bocas del Toro, Simón Becker, et à l’arrogance du ministre du Gouvernement et de la Justice, José Raúl Mulino, l’État a violé toutes les lois et laissé dans la rue, en pleine saison des pluies, deux centaines de personnes qui, d’après les témoignages recueillis dans la zone, n’ont presque rien à manger et ne peuvent s’abriter nulle part de la pluie » [1]. Le 20 novembre, la police anti-émeute a délogé au moyen de grenades lacrymogènes plus de 200 Naso qui vivent dans les villages de San San et San San Druy, en Changuinola, dans la province Bocas del Toro. Après l’expulsion, des employés de l’entreprise Ganadera Bocas sont arrivés avec des machines et ont démoli les logements des habitants.

Les Naso revendiquent leurs terres depuis les années soixante-dix et demandent surtout de créer leur propre Comarca. Pourtant, après tant d’années, ils n’ont pas encore obtenu la reconnaissance officielle de leurs terres traditionnelles.

Le Rapporteur spécial des Nations unies a condamné le délogement des communautés naso du Panama et il a précisé que « l’article 10 de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones prévoit que ‘[l]es peuples autochtones ne peuvent être séparés par la force de leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour.’ »

Il s’agit non seulement d’un conflit territorial mais d’une question de droits de l’homme. Ainsi, le Rapporteur spécial a déclaré : « En particulier, j’exhorte le gouvernement à reprendre immédiatement le dialogue avec les indigènes naso concernés pour parvenir à une solution pacifique de ce problème » [2].

Shi Nasoga Unkon – Nous sommes tous des Naso

[1] http://www.panamaprofundo.org/boletin/pueblosindigenas/gases-lacrimogenos-y-violencia-en-comunidades-naso.htm.
[2] Relator ONU condena desalojo de comunidades Naso en Panamá y exhorta al diálogo,
http://tiny.cc/0G2qt.