Pérou : résistance en Amazonie contre le groupe Romero, cultivateur de palmiers

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La forêt n’est pas à vendre ! La forêt est à défendre ! Telle est la clameur qu’on entend dans le district de Barranquita, province de Lamas, région de San Martín. Les habitants des hameaux du bassin du fleuve Caynarachi, dans l’Amazonie péruvienne, ont toujours été les véritables gardiens de la forêt ; ils ont préservé dans leurs propres parcelles son immense richesse hydrique, floristique et faunique. Or, le droit de propriété qu’ils ont acquis sur la terre qu’ils travaillent a été violé.

En effet, vers la mi-2006 l’État a adjugé près de 7 000 hectares à l’entreprise Agropecuaria del Shanusi, membre du groupe Romero, pour l’établissement de plantations de palmiers à huile qui avaient été déclarées d’intérêt national. La concession est occupée par des centaines de paysans qui attendent depuis des années de recevoir leurs titres de propriété, qu’on leur refuse sous prétexte que l’entreprise a demandé cette terre et que la surface qu’ils exploitent est réduite... parce qu’ils maintiennent trop de forêt primaire !

L’entreprise a commencé à préparer le terrain pour la plantation de palmiers en défrichant presque toute la zone. D’après l’agence d’information Servindi [1], à la fin 2009 l’entreprise s’est dépêchée de construire « un chemin carrossable qui traverse la propriété dénommée Palmas del Oriente, d’extraire des minerais non métalliques dans le mont Lorocache, de détourner des ruisseaux et d’en assécher quelques autres qui prenaient leur source au mont Lorocache, de s’approprier un lac immense dénommé Cocha Muerta et d’y mettre un panneau qui dit ‘Propriété privée’, le tout sans avoir obtenu les autorisations nécessaires des organismes correspondants. À cela s’ajoute l’extraction de bois en abondance ».

Des centaines de travailleurs y sont à l’œuvre avec des tronçonneuses, des machettes, des haches et des tracteurs ; des hélicoptères survolent la zone, qui est surveillée par du personnel de sécurité. « Il y a plus de 50 opérateurs de tronçonneuses et hommes de main qui font ce qu’ils veulent dans la forêt. Barranquita va se soulever et cela pourrait aboutir à un nouvel affrontement comme celui de Bagua », a dit César Soria, maire du district de la région San Martín ; il a dénoncé en outre que les propriétaires des entreprises n’avaient laissé que des centaines d’hectares de terres dévastées et des cours d’eau bouchés par le passage de tracteurs et d’autres machines lourdes, déplaçant les communautés et entravant leur circulation [2].

Profitant de la nouvelle loi sur l’arrestation de citoyens, l’entreprise a rasé les cultures et les logements des paysans, en plus de maltraiter et de faire arrêter quelques-uns d’entre eux. Servindi a rapporté qu’un des paysans avait passé un mois en prison et qu’il est encore tenu de comparaître en justice.

Toutes ces manœuvres ont forcé quelques-uns à vendre leurs terres et à partir, mais elles ont provoqué aussi des protestations massives. En 2008, les habitants de Barranquita ont pris des mesures conservatoires pour éviter qu’une entreprise du groupe Romero, Agrícola del Caynarachi S.A., puisse entrer dans la zone. Invoquant la loi nº 653 sur la promotion des investissements et sans avoir consulté les communautés, le gouvernement avait adjugé à l’entreprise, en 2007, la propriété de 3 000 hectares dénommée ‘Palma del Oriente’, pour la production industrielle de palmiers à huile. Cette mesure a paralysé les plans de développement de la Table de concertation de lutte contre la pauvreté à Barranquita, en plus d’affecter la forêt primaire et les terres voisines de plusieurs annexes de Barranquita situées sur les marges du fleuve Caynarachi [3].

Les activités de l’entreprise ont dévasté les forêts communales et porté atteinte aux droits des paysans du district de Barranquita. La population de Barranquita exige que les propriétés soient titularisées et que le contrat d’achat de la surface adjugée à l’entreprise ne soit pas autorisé.

Le 7 janvier, l’indignation des paysans de la zone face à la violation de leurs droits et à la destruction de la forêt primaire du district, l’une des rares qui restent dans la région, a donné lieu à une marche et à une grande mobilisation. Le Comité de lutte du district de Barranquita a manifesté son opposition au groupe Romero et aux concessions du gouvernement central ; il a réaffirmé « sa décision de défendre les droits des citoyens et l’environnement avec toute sa diversité biologique, et qu’aucune entreprise ne s’installera dans son territoire sans son consentement préalable » [4].

[1] “Perú: Denuncian crimen ecológico del Grupo Romero en Barranquita, bajo Huallaga, San Martín”, Barranquita Resiste, 23 décembre 2009, Servindi,http://www.servindi.org/actualidad/20681.
[2] “Autoridades y dirigentes de Barranquita anuncian protestas para proteger sus bosques”, Inforegión, 4 janvier 2010, http://www.inforegion.pe/portada/45514/autoridades-y-dirigentes-de-barranquita-anuncian-radicalizacion-de-protestas-para-proteger-sus-bosques/.
[3] http://barranquitaperu.blogspot.com/2008_09_01_archive.html.
[4] “Movilización de dirigentes en San Martín”, 7 janvier 2010,Gu7SQBwc-lQ&feature=youtube_gdata">