Chine : l'éternelle discussion sur les plantations d'eucalyptus et l'eau

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Les eucalyptus furent introduits en Chine aux alentours de 1890 ; au départ, ils étaient plantés à des fins d'ornement ou pour ombrager les bords des routes. La première invasion de plantations d'eucalyptus destinées surtout à la production de bois vint après la création de la République populaire de Chine. Ce ne fut que dans les années 1950 que de vastes étendues furent plantées par les établissements forestiers étatiques dans le but de produire du bois pour les mines, du bois d'oeuvre et du combustible. Grâce aux programmes de plantation promus par le gouvernement au cours des années 1970 et 1980, la surface des plantations atteignit près de 600 000 ha. En 1954, de vastes étendues de plantations furent établies à la péninsule de Leizhou, dans la province de Guangdong. L'introduction des eucalyptus commença dans les ports et les villes littorales du Sud et du Sud-Est, qui étaient des endroits convenables pour le trafic international.

À présent, l'accent est mis sur l'établissement de plantations de courte durée, d'eucalyptus surtout, par des méthodes de production intensives ; les divers départements sont encouragés, à tous les niveaux, à les gérer, à favoriser l'exportation, à installer des usines de production de particules et de pâte d'eucalyptus. Ainsi, presque 1,5 million d'hectares ont déjà été plantés d'arbres dans le pays (chiffres de 2004).

Dans la province de Guangdong, les eucalyptus couvrent plus de 677 300 hectares. Comme par coïncidence, les sécheresses s'y sont aggravées ces dernières années. Les représentants locaux au congrès provincial populaire et les membres de la conférence consultative politique de Guangdong ont formulé des observations sur les dégâts que les eucalyptus ont infligé à l'environnement écologique de la province.

Des voix d'alerte sont parvenues aussi du monde universitaire. Li Sidong, professeur de la Guangdong Ocean University (et membre de la conférence consultative politique de la province) a exhorté le département forestier à améliorer la gestion des plantations d'eucalyptus. Il a dit qu'il craignait que la plantation à grande échelle de ces arbres ne réduise la qualité du sol et le degré d'humidité, créant ainsi « un désert vert ».

D'après le journal China Daily, le gouvernement de la ville de Yunfu a interdit en mars de cette année la plantation d'eucalyptus, et Zengcheng, une ville suburbaine de Guangzhou, a décidé d'en faire autant.

Or, comme d'habitude, de nombreux experts forestiers ont refusé de croire que les eucalyptus avaient épuisé l'eau souterraine et contribué à la sécheresse. Xu Daping, par exemple, a nié la possibilité que les eucalyptus aient porté atteinte à l'écologie locale et qu'ils soient dangereux pour la faune, en prétextant que, « en Australie, les forêts d'eucalyptus sont le foyer de beaucoup de petit kangourous et d'opossums ». L'argument de cet expert forestier part d'une idée absolument fausse : que les grandes plantations d'arbres peuvent être comparées aux forêts !

Les diverses considérations académiques mises à part, cette erreur d'appréciation – que, soit dit en passant, les promoteurs des grandes monocultures d'arbres répètent partout – contredit toute considération élémentaire sur les écosystèmes et la diversité biologique. L'eucalyptus – qui existe depuis 35 à 50 millions d'années – est l'essence dominante de la flore des forêts australiennes. Beaucoup d'eucalyptus poussent au-dessus d'un sous-étage de banksias (des fleurs sauvages indigènes) et de grevilleas (des arbustes à belles fleurs), et il en existe près de 600 espèces que l'on trouve un peu partout et qui s'adaptent à tous les climats du continent. Comment peut-on comparer ce tableau aux plantations intensives, de haut rendement, au cycle de rotation court, composées seulement de 4 ou 5 variétés d'eucalyptus ?

Tandis que les experts forestiers chinois, sous prétexte qu'il n'y a pas suffisamment de preuves que ces arbres consomment de grands volumes d'eau, organisent une recherche pour déterminer si les eucalyptus ont endommagé ou non l'environnement, les gens qui en subissent les effets sur le terrain ont les idées très claires à ce sujet. Ils ont déjà constaté et dénoncé que le nombre croissant d'eucalyptus a contribué à aggraver la sécheresse dans la province chinoise de Guangdong.

Ils ont appris par leur propre expérience ce que les experts forestiers rechignent à accepter : que les grandes plantations d'eucalyptus ont une incidence directe sur les réserves d'eau. Il existe déjà dans le monde entier suffisamment de cas pour le prouver. Que leur faut-il d'autre ?

Article fondé sur des informations tirées de : “eucalypts blamed for worsening drought”, Zheng Caixiong, China Daily, http://www.chinadaily.com.cn/cndy/2006-04/10/content_563658.htm ; Eucalypt tree improvement in China, Martin van Bueren, Centre for International Economics, décembre 2004, http://www.aciar.gov.au/web.nsf/att/JFRN-6BN9E8/$file/ias30.pdf .