Les arbres GM à la réunion de Vitória

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L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a rapporté qu’il existe des essais de terrain d’arbres GM dans 16 pays. La plupart se trouvent aux États-Unis ; les autres pays de la liste sont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Portugal, la Finlande, la Suède, le Canada, l’Australie, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, le Chili, le Brésil et la Chine. La Chine est le seul pays dont on sait qu’il a développé des plantations commerciales d’arbres GM ; plus d’un million de ces arbres ont été plantés dans dix provinces.

La plupart des recherches portent sur les peupliers (47%), les pins (19%) et les eucalyptus (7%). Les caractéristiques étudiées sont surtout la tolérance aux herbicides, la résistance aux insectes, la chimie du bois (y compris la réduction du taux de lignine) et la fertilité.

Les impacts sociaux et environnementaux que la diffusion commerciale des arbres GM risque d’avoir incluent l’augmentation de la transformation des forêts indigènes en plantations, l’utilisation accrue d’herbicides et de pesticides toxiques, et la disparition de la faune et des réserves d’eau. En outre, la contamination des forêts indigènes par le pollen des arbres transgéniques aurait des effets additionnels : l’augmentation de la vulnérabilité de ces forêts aux maladies, aux insectes et aux pressions environnementales telles que le vent et le froid, la perturbation des écosystèmes de forêt qui dépendent des insectes, l’exacerbation du réchauffement planétaire due à une plus forte mortalité des forêts, et la perte des aliments, des médicaments, des combustibles et des cultures traditionnelles qui ont leur base dans ces écosystèmes. Les chercheurs de la Duke University de North Carolina, aux États-Unis, ont créé des modèles qui prouvent que le pollen des arbres parcourt des distances de plus de 1 000 km. Les chercheurs ayant admis qu’il est impossible de garantir à 100% la stérilité des arbres GM, si la plantation de ces arbres est autorisée la contamination généralisée des forêts indigènes sera inévitable.

Sans compter la Chine, les pays qui semblent avancer le plus vite vers la commercialisation des arbres GM se trouvent dans les Amériques : les États-Unis, le Chili et le Brésil.

Au Chili, les recherches portent sur le pin radiata, que l’on essaie de rendre résistant aux insectes par l’ajout du gène producteur de Bt. Les pins représentent 80% des plantations du pays, et la superficie de celles-ci ne cesse de s’élargir. L’industrie chilienne prévoit de commercialiser le pinus radiata Bt à partir de 2008. La société Monsanto avait prédit que le Chili serait le premier pays à commercialiser des arbres GM, mais la Chine l’a devancé. Du fait que nombre des plantations chiliennes sont concentrées dans les territoires traditionnels des Mapuche, ces collectivités subissent des problèmes de santé en raison des produits chimiques utilisés mais aussi de la très forte production de pollen de ces plantations qui, dans certains cas, entourent complètement leurs villages. L’introduction de pins Bt dans ces plantations aggravera considérablement la situation sanitaire.

Au Brésil, Aracruz Celulose et Suzano font des recherches sur les arbres GM. Suzano, qui gère dans ce pays plus de 3 000 kilomètres carrés de plantations d’arbres, participe avec la société israélienne CBD Technologies à un projet destiné à accélérer le rythme de croissance des eucalyptus. « Habituellement, les eucalyptus courants sont coupés au bout de sept ans, quand ils ont atteint une taille de 20 mètres. Les arbres traités par CBD peuvent atteindre cette même taille en trois ans ou moins », a déclaré Seymour Hirsch, directeur général de CBD Technologies. CBD et Suzano prévoient de créer une co-entreprise pour la commercialisation de leurs eucalyptus GM, une fois complétés leurs essais de terrain. CBD insiste que les arbres GM de croissance rapide contribueront à enrayer le réchauffement de la planète. « Une forêt d’un hectare consomme par an 10 tonnes de carbone du CO2 que les arbres respirent. Il est évident qu’une forêt qui poussera deux fois plus vite consommera le double et contribuera à réduire le trou de la couche d’ozone. » [sic]

International Paper, qui possède 200 000 hectares de terres au Brésil, fait elle aussi des expérimentations avec des arbres GM. D’autre part, IP est associée à Arborgen, la société leader en biotechnologie des arbres. Les deux autres partenaires d’Arborgen sont Rubicon, de la Nouvelle-Zélande, et MeadWestvaco, des États-Unis. Arborgen vient d’annoncer qu’elle allait changer d’orientation, pour passer de la recherche à la commercialisation. Le porte-parole d’Arborgen, Dawn Parks, a dit spécifiquement que l’entreprise allait embaucher quelques ingénieurs et travailleurs de la production pour concevoir et mettre en fonctionnement des équipements susceptibles de produire en grande quantité les plants modifiés développés au laboratoire.

Arborgen, dont le quartier général est à Summerville, North Carolina, dans le Sud-Est des États-Unis, s’intéresse particulièrement aux eucalyptus du Brésil, pays que l’entreprise considère comme son « emplacement géographique le plus important ». Arborgen y a installé des bureaux ; à l’époque, la société prévoyait qu’en 2005 elle aurait des essais de terrain pleinement établis sur les terres de ses clients.

En 2002, Arborgen a embauché Barbara H. Wells, ancien cadre de Monsanto, comme nouvelle directrice. Auparavant, elle avait été vice-présidente pour l’Amérique latine d’Emergent Genetics et, avant cela, directrice commerciale de la biotechnologie au Brésil, ce qui explique peut-être pourquoi Arborgen a déplacé ses essais de terrain de la Nouvelle-Zélande au Brésil après qu’elle a rejoint l’entreprise.

Arborgen travaille au développement d’eucalyptus « améliorés pour la production de pâte » [c’est-à-dire à faible taux de lignine] et d’eucalyptus tolérant le froid, ces derniers pour les plantations du Chili et du Sud-Est des États-Unis.

Dans son discours aux actionnaires en juillet 2005, le directeur général de Rubicon, Luke Moriarty, a souligné le rôle de choix que joue le Brésil dans la commercialisation des arbres GM. Il a souligné le potentiel des plantations d’eucalyptus GM à faible taux de lignine dans ce pays : « En réduisant la quantité de lignine produite par l’arbre lui-même, on peut obtenir une forte réduction des coûts de production de pâte. On peut supposer que les producteurs de pâte seront très intéressés par l’obtention de grumes à faible taux de lignine ».

Il a calculé ensuite les profits qui pourraient en découler : « le fournisseur de grumes obtiendrait environ 38 millions USD après l’impôt. Si ce niveau de ventes se répète d’année en année, sans supposer de développement du marché ni de pénétration dans d’autres marchés, le résultat est, pour ce seul produit, d’environ 475 millions USD après l’impôt ».

Toujours sur la même ligne, il a ajouté : « pourtant, quand on commence à regarder les possibilités de plus près, on voit que la valeur potentielle est vraiment énorme. Comme dans le secteur de la santé humaine, mais à un niveau beaucoup plus faible, les ventes annuelles de plants à usage forestier représentent des milliards, se répètent chaque année et parcourent le monde. Et, à la différence de la santé humaine, où il existe une forte concurrence, ArborGen n’a pas de concurrents dans ce créneau. Bien entendu, il faudra attendre encore quelques années avant qu’ArborGen ne vende ce produit commercialement, donc, naturellement, la valeur actuelle des actions en est diminuée, mais, comme l’illustre le diagramme qui est derrière moi, si ArborGen continue d’avancer avec succès sur la route de la commercialisation – comme jusqu’à présent – nous pouvons supposer que ce retard diminuera et que la valeur d’ArborGen montera par conséquent ».

Pour conclure, il a dit : « Donc, j’espère que ceci vous a donné une idée de la nature de cette affaire et de son énorme potentiel. Comme on dit, ce n’est qu’une question de temps. »

Les chercheurs qui travaillent à la manipulation génétique des arbres, interrogés sur les risques que comportent les arbres GM, mentionnent le plus souvent deux problèmes : d’une part, le danger que représente la dissémination de pollen ou de plantes GM dans les écosystèmes et les forêts indigènes, avec les impacts que cette dissémination peut avoir sur les espèces non ciblées ; d’autre part, l’attitude négative du public à l’égard des arbres GM. Cette inquiétude bien fondée sur la réaction du public est une opportunité stratégique importante pour les campagnes contre les arbres transgéniques.

Aux États-Unis et au Canada, treize organisations nationales, régionales et locales se sont réunies pour lancer ensemble la campagne ‘STOP aux arbres GM’, dont l’objectif est l’interdiction des arbres transgéniques. Pour y parvenir, le groupe fait appel à des dissuasions économiques, des pressions sociales et des barrières légales. Leurs activités incluent la formation du public, l’organisation des communautés, l’information dans les médias et la distribution d’un nouveau documentaire vidéo sur les arbres GM, dont le narrateur est David Suzuki, intitulé A Silent Forest : The Growing Threat, Genetically Engineered Trees (Une forêt silencieuse : les arbres génétiquement modifiés, une menace qui croît).

De son côté, l’organisation Global Justice Ecologoy Project (GJEP) s’adresse à des organisations et des mouvements du monde entier qui combattent les plantations dans des régions où ont lieu des recherches et des développement en manipulation génétique ; elle leur fournit des informations sur cette menace imminente et leur offre son soutien pour éviter l’introduction d’arbres GM dans les plantations. GJEP a lancé son premier programme pilote au Chili, avec le groupe mapuche Konapewman, qui coordonne les revendications des terres traditionnelles de ce peuple et s’oppose autant aux plantations industrielles d’arbres qu’aux arbres transgéniques. GJEP prévoit d’utiliser l’expérience tirée de ce programme pilote pour contacter les groupes et collectivités d’autres régions menacées par les arbres GM.

Au plan international, ceux qui sont contre les arbres GM et pour la protection des forêts ont parlé des dangers que comportent ces arbres aux réunions des Nations unies partout dans le monde. Des groupes tels que le Peoples Forest Forum de la Finlande, le Global Justice Ecology Project des États-Unis, le Mouvement mondial pour les forêts tropicales et les Amis de la Terre International ont pris la parole au Forum de l’ONU sur les forêts, à Genève et à New York, pour informer les délégués des dangers que comportent les arbres GM pour les forêts indigènes du monde entier.

Pourtant, ni le Forum de l’ONU sur les forêts ni la Convention cadre de l’ONU sur le changement climatique n’ont donné signe de vouloir y contribuer ; ainsi, la campagne internationale contre les arbres GM se tourne maintenant vers la Convention sur la diversité biologique des Nations unies (CDB) pour voir quel type de réglementation internationale on peut obtenir à travers cet organe.

Même la FAO semble favorable à l’adoption de réglementations internationales à ce sujet. Son rapport sur les arbres GM, publié en juillet 2005, arrive à la conclusion suivante :

« Les nouvelles biotechnologies, et la modification génétique en particulier, soulèvent des inquiétudes. Il faut reconnaître que de nombreuses questions restent posées au sujet des cultures vivrières et des arbres, en particulier au sujet des impacts des cultures GM sur l’environnement. Étant donné que la modification génétique des arbres entre déjà dans la phase commerciale avec le peuplier GM en Chine, il est fondamental de conduire des études d'évaluation des risques pour l'environnement avec des protocoles et des méthodologies convenus au niveau national et international. Il faut, en outre, diffuser amplement les résultats de ces recherches. »

Le généticien de renom international, David Suzuki, signale :

« Nous n’avons aucun contrôle sur le mouvement des insectes, des oiseaux, des mammifères, du vent et de la pluie qui transportent le pollen. Les arbres GM, qui ont la possibilité de transférer à des centaines de miles de distance du pollen contenant des gènes qui incluent des traits tels que la résistance aux insectes et aux herbicides, la stérilité et un taux réduit de lignine, ont ainsi le potentiel de perturber sérieusement les forêts indigènes du monde entier. Les arbres GM pourraient aussi affecter la faune et les collectivités autochtones qui ont besoin de forêts indigènes intactes pour la nourriture, le refuge, l’eau, les moyens de subsistance et les pratiques culturelles.
En tant que généticien, je suis persuadé qu’il y a bien trop d’inconnues et de questions sans réponse pour faire pousser en plein champ des plantes génétiquement modifiées, qu’il s’agisse de cultures vivrières ou d’arbres. Les arbres GM ne devraient pas être utilisés dans des plantations commerciales et, en outre, il faudrait éliminer tout essai à ciel ouvert et toute plantation existante. »

Orin Langelle et Anne Petermann, Global Justice Ecology Project, adresse électronique : globalecology@gmavt.net