Chili: il est urgent de réorienter la politique forestière - axée sur les monocultures - vers les forêts

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A l'époque actuelle où les processus en général se font de plus en plus vite, stimulés par le développement technologique, les ressources naturelles se perdent, elles aussi, à un rythme vertigineux à cause de leur surexploitation destinée à faire possible un modèle de production, de consommation et de vie qui complète le cercle vicieux.

Dans ce cadre, la perte progressive des forêts natives n'est pas d'une importance moindre car elle est irréparable. Dans un environnement urbain, il peut s'avérer difficile pour le citoyen en général, éloigné des cycles et des rythmes de la nature ainsi que de l'observation de cette nature et de son vécu, de prendre conscience de ce qui est train de se passer dans la région sud du Chili. Et, peut-être que lorsqu'il s'en rendra compte, il sera déjà trop tard.

Avant d'entrer dans les détails, il est important de signaler que ce qui se passe au Chili ne constitue aucunement un cas isolé. Beaucoup d'autres pays vivent une situation semblable: les monocultures d'arbres sont encouragées tandis que les forêts sont détruites et souvent remplacées par des monocultures d'espèces exotiques. Mais il est incontournable de souligner ce qui ce passe au Chili car le "modèle chilien" est actuellement promu en Amérique latine et présenté comme un exemple de réussite que les autres gouvernements devraient imiter. Pourtant, il s'agit là d'un modèle qui s'est avéré socialement et environnementalement inviable.

Le Chili a signé et ratifié une série de conventions, de protocoles et de traités internationaux: sur la biodiversité, sur la désertification, sur les changements climatiques, sur la protection de la couche d'ozone, l'Agenda XXI, le Protocole de Montréal et sa Déclaration de Santiago, etc. qui seront inutiles sans une institutionnalisation de la politique forestière capable de les mettre en application.

Par ailleurs, des processus tels que les Traités de libre commerce signés récemment, ne feront que contribuer à la dégradation croissante et accélérée des forêts (ou à leur disparition), étant donné l'absence d'une réglementation de protection ce qui encourage les plantations forestières. Celles-ci fournissent aujourd'hui le deuxième produit d'exportation du Chili, mais au dépens de sa population et de son environnement.

Deux entreprises concentrent plus d'un million trois cent mille hectares, dont de vastes monocultures. La surface totale occupée par des monocultures d'arbres atteint les deux millions deux cent mille hectares et les impacts sociaux et environnementaux de celles-ci ont été énormes suite à la migration des communautés dans de vastes secteurs ruraux et à l'appauvrissement des paysans. Des problèmes socio-économiques délicats ont surgit dans la région d'Araucane où les graves conflits entre les exploitants forestiers, les communautés indigènes et les petits agriculteurs subsistent encore.

Les plantations d'espèces exotiques sont toujours promues, au détriment des forêts natives. Le Décret-Loi 701 bonifie la mal dénommée "reforestation" et accorde des bénéfices économiques qui peuvent atteindre - nominalement - jusqu'à 90% des coûts de plantation dans le cas des petits propriétaires de sols non agricoles ou dégradés, sans établir presque aucune différence entre l'afforestation avec des espèces natives et la plantation d'espèces exotiques. Et encore plus d'avantages sont accordés aujourd'hui. Cette année, treize millions de dollars ont été affectés aux Bons de sécurisation forestière (plantations de pins et d'eucalyptus sur les terres de petits propriétaires),un instrument créé par la Fondation Chili, la Corporation du bois, la Corporation pour le développement et le ministère de l'Agriculture.

Entre-temps, le projet de loi de développement des forêts natives, qui sera peut-être discuté prochainement au Parlement, ne prévoit que cinq millions de dollars en apports de l'Etat au cours de la première année. La région des lacs, où se trouvent les forêts les plus riches en biodiversité, est en train de faire place rapidement à un paysage monotone de pins et d'eucalyptus destinés à approvisionner l'immense usine de cellulose que la société Arauco construit actuellement à San José de la Mariquina.

Ceux qui dénoncent cet état des choses considèrent qu'il est nécessaire d'améliorer l'accès aux informations, la diffusion et l'éducation concernant la forêt native afin de donner naissance à une culture de la conservation et de l'utilisation durable. Ils soutiennent également que pour soutenir la Stratégie nationale de conservation de la biodiversité vouée à la préservation des écosystèmes, il faudrait établir de façon urgente une liste de sites prioritaires qui devront respecter les lois nationales et les traités internationaux ratifiés par le Chili en ce qui concerne la protection des ressources naturelles ainsi qu'une définition de forêt suivant un critère écologique.

Il semblerait qu'au Chili il n'existe pas de politique forestière (dans le sens de l'utilisation durable des forêts) et ce qui existe en réalité est une politique presque exclusivement vouée à la promotion des monocultures forestières. Et le plus grave est que cette politique a eu tellement de succès que de vastes zones de forêts ont disparu et ont été remplacées par des rangées interminables de pins et d'eucalyptus que quelqu'un a justement défini comme des "militaires plantés": verts, en rang et avançant.

Cette absence de politique de défense des forêts a été confirmée par de nombreux rapports, le dernier desquels est le Rapport Pays 2000, réalisé par l'Université du Chili pour la Commission nationale de l'environnement (http://www.elbosquechileno.cl/infpais34.html).

Il est temps d'en finir avec les mensonges qui prétendent assimiler les plantations de pins et d'eucalyptus à des "forêts". Les plantations sont des plantations et les forêts sont des forêts. Aussi simple que ça. Aucune monoculture d'arbres ne peut remplir aucune des fonctions sociales et environnementales remplies par la forêt chilienne; il donc urgent de mettre en place une véritable législation forestière assurant l'utilisation durable et la restauration de la seule ressource forestière chilienne: la forêt native.

Article basé sur des informations tirées de: "Chile necesita una política forestal", Voces del Bosque, été 2003, Nº 34, Defensores del Bosque Chileno, http://www.elbosquechileno.cl/politica34.html ; "DL 701: Aprovechar la herramienta que hay", http://www.elbosquechileno.cl/701.html , Defensores del Bosque Chileno.