Rwanda: Les Batwa ouvrent la voie à la coopération avec la conservation

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En 1925, le roi Albert 1er de Belgique avait créé une Zone de protection de volcans, qui s'étend sur ce que sont aujourd'hui le Rwanda et la République démocratique du Congo. Cette zone est devenue plus tard le Parc national Albert. En 1960, le Parc Albert a été divisé en deux: le Parc des Virunga, et le Parc des Volcans au Nord-Ouest du Rwanda. Les deux sont des sites très importants pour l'écotourisme en raison de leurs populations de gorilles des montagnes en danger d'extinction. De son côté, le Parc national Nyungwe, au Sud-Ouest du Rwanda, a été déclaré Réserve forestière en 1933 et, de même que la zone entourant le Parc des Volcans, c'est une région de grande diversité biologique, surtout par rapport à des zones adjacentes beaucoup plus vastes que la population rwandaise, fortement dense, a consacrées à l'agriculture.

Ces deux aires protégées se superposent aux territoires traditionnels des Batwa autochtones. Or, les Batwa n'ont pas été consultés lors de l'établissement des parcs, bien que ces forêts aient été à l'époque fondamentales pour leur subsistance. Au fil des ans, le déménagement des habitants des forêts protégées et l'application croissante de mesures de conservation de la part des autorités, joints à la demande d'une population en expansion et d'un nombre important de réfugiés sur le retour, dans un pays où la terre et les ressources forestières sont peu abondantes, ont conduit à exercer une pression extrême sur les moyens de vie des Batwa résidant dans la forêt. Les Batwa rwandais n'ont plus accès à leur mode de vie fondé sur la forêt. Leur incapacité à obtenir des terres à l'extérieur des forêts, et leur marginalisation sociale qui est due à leur pauvreté extrême et à un préjudice de longue date contre ceux que l'on appelle "Pygmées", sont des problèmes majeurs pour ces Batwa. Des recensements effectués en 1993 et 1997 ont révélé que seuls 1,6% et 1,5% des familles Batwa, respectivement, avaient des terres agricoles, par rapport à la moyenne nationale de 85%. L'accès des Batwa aux soins de santé et à l'éducation est lui aussi très faible. Le taux de scolarisation des Batwa est estimé à 28%, alors que la moyenne nationale est de 88%.

Au cours des dernières décennies, les communautés Batwa ont reçu très peu d'information sur l'administration autant du Parc des Volcans que du Parc Nyungwe, bien que beaucoup de Batwa soient restés dépendants pour leur subsistance des ressources de ces deux régions, en particulier autour de la Forêt Nyungwe, située dans le lointain Sud-Ouest. La chasse, la récolte de miel, la cueillette d'aliments et de matériels de la forêt sont toujours des éléments culturels importants pour les communautés Batwa qui résident ou résidaient dans les forêts. Cependant, les Batwa des deux zones étudiées sont conscients que "leurs" forêts sont maintenant sous la protection extérieure; le récit de leur éviction des aires protégées et des mesures de répression prises contre ceux qui essaient de continuer à trouver leur subsistance dans les forêts protégées est révélateur:

"Vous me parlez des parcs, et tout ce que je sais c'est que les autorités et les soldats sont venus de très loin pour nous chasser avec des armes et nous dire de ne jamais revenir dans les volcans, où on nous interdisait de chasser, de chercher du miel, de l'eau et du bois", a dit un Batwa.

Malgré cette attitude des administrateurs des parcs et la menace permanente de répression de la part des gardes forestiers près de leurs communautés rurales, beaucoup de Batwa habitant à proximité des deux aires protégées comptent toujours, en partie, sur les ressources de la forêt, en raison surtout du fait que peu d'options alternatives de subsistance leur sont ouvertes, à cause de leur marginalisation socio-économique et de leur manque de terres. En dépit de leur dépendance des ressources forestières, avant 2001 les services de conservation du gouvernement et les ONG rwandaises ne les avaient jamais consultés au sujet des projets d'aménagement des parcs, et les mesures appliquées pour faire respecter la législation nationale sur la conservation ont toujours été les mêmes. Ces mesures incluent l'interdiction de chasse et de cueillette et sont, dans leur forme actuelle, incompatibles avec la possibilité que les Batwa continuent à trouver leur subsistance dans la forêt:

"Notre objectif est de protéger l'environnement. Lorsque nous nous mettons au travail nous n'avons pas à savoir qui vivait ou ne vivait pas dans la forêt de la chasse et de la cueillette. Notre mission est d'interdire toute activité dans la forêt de la part des résidents, et ce n'est pas à nous d'identifier les Batwa dans les forêts", a dit l'administrateur rwandais de l'aire protégée.

Depuis 2001, le dialogue a été établi au Rwanda entre les Batwa et les organismes gouvernementaux, y compris l'Office rwandais pour le tourisme et les parcs nationaux (ORTPN), grâce aux efforts de CAURWA, l'ONG des Batwa rwandais. CAURWA a entrepris de faire comprendre aux ministères du gouvernement et aux organisations conservationnistes internationales l'importance des Parcs nationaux des Volcans et de Nyungwe pour les communautés Batwa, et a également facilité la réalisation d'ateliers de travail avec les Batwa et les responsables de la conservation dans les deux zones à l'étude. Ces consultations ont conduit à une coopération croissante entre les responsables de la conservation, CAURWA et les communautés Batwa locales, à propos de la mise en place de sources de revenus alternatives pour les Batwa habitant près des parcs. De même, des échanges sont en cours pour permettre aux Batwa d'obtenir au moins une partie de leur subsistance dans les réserves.

Par: John Nelson, Forest Peoples Programme, adresse électronique: johnnelson@blueyonder.co.uk, www.forestpeoples.org, article basé sur le travail effectué par Kalimba Zephyrin et CAURWA. Chiffres tirés de The Twa of Rwanda: 35-41; Visites et recensement des familles Twa. Association pour la promotion Batwa, 1997; Lewis and Knight - The Twa of Rwanda; Core Welfare Indicators Questionnaire (CWIQ), 2001. Cité dans Poverty Reduction Strategy Paper: Zero draft. p. 30. Kigali: MINECOFIN.