Chili: le discrédité label FSC continue de légitimer les plantations industrielles

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Les entreprises Forestal Mininco et Forestal Arauco concentrent la grande majorité des activités forestières du Chili, avec presque deux millions d’hectares affectés à la monoculture d’espèces exotiques, dont surtout le pin et l’eucalyptus. Malgré la résistance, les plaintes et les fortes critiques de diverses organisations et communautés indigènes mapuche, les deux entreprises ont reçu le label FSC par l’intermédiaire de sociétés de certification étrangères.

Le Conseil de soutien de la forêt (FSC, Forest Stewardship Council), a pour but de promouvoir «une gestion [des forêts du monde] écologiquement appropriée, socialement bénéfique et économiquement viable». Le FSC certifie des produits de bois, de papier ou d’autres dérivés de la forêt pour garantir, en théorie, une gestion forestière ‘durable’. Pour recevoir cette certification, les opérateurs et fournisseurs forestiers doivent adhérer à 10 principes et critères de gestion des forêts, parmi lesquels figure le respect des droits des peuples autochtones. Le processus de certification se fait par l’intermédiaire de consultants extérieurs. Dans bien des cas, comme au Chili par exemple, ces sociétés conseil ont accordé le label FSC à des entreprises fortement critiquées en raison de leurs comportements écologiques et sociaux.

Ces dernières années, la certification FSC est devenue une norme pour la régulation du marché international du bois et de ses dérivés. Bien qu’elle soit volontaire, dans les faits elle est devenue obligatoire pour l’exportation: par exemple, depuis que les pays de l’Union européenne exigent le label FSC, les entreprises chiliennes sont obligées de s’y soumettre.

Un label que ignore les peuples et les forêts: Forestal Mininco et Forestal Arauco

Les plantations des entreprises Forestal Mininco et Forestal Arauco et leurs usines de pâte se trouvent dans le centre-sud du Chili. Toutes ces usines ont été dénoncées pour de graves affaires de contamination. Quant aux plantations, elles ont eu de nombreux effets négatifs sur la société et l’environnement; elles ont pollué les sources d’eau et créé des conflits avec les communautés mapuche qui réclament leurs terres ancestrales occupées par ces entreprises et se plaignent de la profanation de leurs sites sacrés.

En janvier 2011, l’Alliance territoriale mapuche, accompagnée de plusieurs communautés, avait dénoncé que la zone certifiée de Forestal Mininco se superposait en grande partie au territoire ancestral mapuche. L’Alliance avait souligné que l’entreprise ne respectait ni les communautés ni leurs territoires, et dénoncé une série de faits violents et de conflits provoqués par l’entreprise. De son côté, en septembre 2011 le Groupe de travail pour les droits collectifs avait présenté aux sociétés de certification du FSC – SmartWood Program, Rainforest Alliance et Woodmark, des antécédents sur les mauvaises pratiques des deux entreprises. Le Groupe avait recommandé à ces sociétés de ne pas se rendre complices des violations des droits de l’homme et des graves atteintes et conflits sociaux, écologiques et économiques que ces entreprises étaient en train de provoquer. Forestal Arauco avait entamé le processus de certification en 2009, avec la société Woodmark. Le Groupe d’ingénieurs pour la forêt indigène avait déclaré aussi que, d’après les renseignements recueillis, Forestal Arauco n’avait pas respecté les principes du FSC.

Néanmoins, les deux entreprises ont été certifiées. La Rainforest Alliance s’est chargée de certifier en 2012 les plantations de pins et d’eucalyptus de Forestal Mininco, en ignorant la longue liste de conflits fonciers avec les communautés mapuche, les nombreuses plaintes dues à des actes de violence et même la perte des sites sacrés du peuple mapuche. La Rainforest Alliance a même inspecté certains sites. Quant à la Woodmark, après avoir refusé la certification à l’entreprise Arauco en 2013, elle a fini par la lui accorder en septembre de la même année.

En janvier 2014, plusieurs groupes, organisations et comités de la société civile, ainsi que des communautés paysannes et indigènes, ont demandé l’annulation du certificat FSC accordé à Forestal Arauco. En août 2014, la communauté mapuche Eugenio Araya Huiliñir de Renaico a présenté un recours contre Forestal Mininco pour obliger l’entreprise à suspendre les travaux qu’elle effectuait dans des terres qui faisaient l’objet d’un processus de récupération territoriale. En décembre 2014, la communauté mapuche Juan Bautista Jineo a dénoncé à nouveau les dégâts causés par l’entreprise sur les terres de la communauté par suite des activités de plantation qui avaient lieu sur un terrain limitrophe. Le même mois, l’entreprise Arauco a été dénoncée par des autorités mapuche et des spécialistes de la culture pour ses graves atteintes à des sites sacrés et des endroits d’importante spirituelle des Mapuches.

Les deux entreprises font pression sur l’appareil de l’État pour que les communautés soient militarisées et criminalisées en application de la loi antiterroriste.

Les impacts des entreprises forestières et la mise en question des sociétés de certification

Le FSC contribue à l’expansion mondiale des plantations industrielles d’arbres. De nombreux peuples et organisations dénoncent avec insistance les impacts de cette expansion: la substitution de la forêt indigène, la perte des ressources hydriques superficielles et souterraines, l’utilisation incontrôlée de pesticides et la pollution qui en découle, l’encerclement des communautés rurales, la destruction des routes et la pollution provoquées par la circulation de machines lourdes, la disparition de la flore et de la faune, la perte de la souveraineté alimentaire due au remplacement de l’agriculture et l’élevage par des plantations industrielles, l’usurpation de sites sacrés et la pauvreté.

Il est inacceptable de certifier des plantations industrielles en régime de monoculture. Le FSC présente au monde son label comme le plus fiable et respecté dans le domaine des produits de bois, et se vante de compter plusieurs ONG parmi ses membres. Les critiques renvoient, une fois de plus, au débat fondamental sur la consommation excessive. À moins de freiner la consommation de papier et de ses dérivés, il sera difficile d’arrêter l’expansion des plantations d’arbres. Au Chili, le label FSC s’impose de plus en plus. Il est urgent d’exposer les contradictions et les mensonges que comportent les processus de certification, et de révéler les objectifs des labels eux-mêmes, car ils sont complices de transgressions des droits de l’homme et de graves impacts sur la société et l’environnement.

Extrait de “El desacreditado sello FSC en Chile a causa de las certificaciones a empresas forestales”, Alfredo Seguel, éditeur de l’agence d’information Mapuexpress,http://www.mapuexpress.org/2014/12/30/el-desacreditado-sello-fsc-en-chile-a-causa-de-las-certificaciones-a-empresas-forestales#sthash.OtGD9Kkj.lqzykeIA.dpuf.