Cet article fait partie de la publication « 15 ans de REDD:
Un système fondamentalement vicié »
La compensation est une dangereuse diversion par rapport aux causes profondes de la crise climatique. Cette fausse solution est le pendant de la réaction initiale de l'industrie pétrolière face aux données scientifiques sur le climat : le déni. Les grands pollueurs n'ont pas inventé le marché du carbone. Mais ils l'ont soutenu, ont plaidé activement en sa faveur, et ils l'ont promu. Ils sont également d'importants acheteurs de crédits carbone. Ces dernières années, les achats de crédits carbone par les grands pollueurs sont passés d'un petit filet régulier à un déferlement, et les ONG de conservation figurent parmi les principaux fournisseurs et des plus fervents soutiens. Leur soutien au marché du carbone s'est également manifesté sous des formes moins visibles.
Le déni du changement climatique et la compensation carbone ont le même objectif : permettre aux grands pollueurs de continuer à profiter du statu quo aussi longtemps que possible.
Mais la compensation carbone est peut-être encore plus dangereuse que le déni du changement climatique, car elle semble reconnaître que la crise climatique est réelle et donne l'impression que les grands pollueurs prennent des mesures pour y remédier.
La compensation carbone est actuellement en plein essor. Pourtant, plus de trois décennies d'expérimentations du commerce du carbone révèlent que la compensation est un échec spectaculaire. Du moins, en matière de lutte contre la crise climatique. La compensation constitue une dangereuse diversion qui permet aux gros pollueurs de poursuivre leurs activités comme si de rien n'était.
Aujourd'hui, plus de 1 500 entreprises ont pris des engagements « net zéro ». Près des deux tiers des pays ont également des engagements « net zéro ». Mais ces engagements « ne sont rien de plus qu'une grande escroquerie », comme le souligne Sara Shaw des Amis de la Terre International. Les grands pollueurs prévoient de continuer à polluer, tout en espérant redorer leur blason avec des compensations et des programmes de plantation d'arbres.
Le secteur du transport aérien a développé son propre système d'échange de carbone appelé Régime de compensation et de réduction du carbone pour l'aviation internationale (CORSIA). Dans le cadre de ce système, les émissions augmenteront sans aucune limite et l'industrie aéronautique utilisera les compensations pour justifier la poursuite de la pollution.
Les compagnies pétrolières ont adopté avec enthousiasme les solutions climatiques naturelles (parfois appelées solutions fondées sur la nature), afin de donner l'impression qu'elles se soucient soudainement de l'environnement. Dans le même temps, elles continuent d'explorer de nouvelles sources de profit dans certains des écosystèmes les plus menacés de la planète.
En 2019, le PDG de Shell, Ben van Beurden, a annoncé qu'il fallait « un autre Brésil en termes de forêt tropicale » pour lutter contre le changement climatique grâce à ces solutions climatiques naturelles.
Total a acheté des compensations pour créer l'illusion d'un gaz naturel liquéfié « neutre en carbone » et prévoit de dépenser 100 millions de dollars par an pour la protection des forêts et la plantation d'arbres.
Pendant ce temps, Eni prévoit d'utiliser 8,1 millions d'hectares de terres en Afrique pour compenser la poursuite de ses émissions.
Les grandes entreprises technologiques ont également suivi le mouvement : Microsoft, Apple, Amazon et Facebook ont tous pris des engagements « net zéro ».
Exxon savait
Ces fausses solutions à la crise climatique sont le pendant de la réaction initiale des grands pollueurs aux données scientifiques sur le climat : le déni.
En 2015, Inside Climate News a réalisé une enquête de huit mois sur l'histoire des relations d'Exxon et d'autres compagnies pétrolières avec la science du climat depuis plus de 40 ans.
Les compagnies pétrolières ne connaissaient pas seulement les données scientifiques, elles participaient activement à la réalisation d'études de pointe sur les impacts de la combustion des combustibles fossiles sur le climat. Exxon, par exemple, a dépensé plus d'un million de dollars sur un projet de tanker visant à déterminer la quantité de CO2 absorbée par les océans.
Dès 1977, James Black, responsable scientifique à Exxon, a expliqué au comité de direction de l'entreprise :
« Tout d'abord, les scientifiques s'accordent à dire que la manière la plus probable dont l'humanité influence le climat mondial est le rejet de dioxyde de carbone à partir par la combustion de combustibles fossiles. »
Il a prévenu que le doublement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère augmenterait les températures mondiales moyennes de deux ou trois degrés. Il a exhorté Exxon à agir, affirmant que l'entreprise disposait d'« une fenêtre d'opportunité de cinq à 10 ans avant que la nécessité de prendre des décisions difficiles concernant les changements dans les stratégies énergétiques ne devienne critique ».
Au lieu d'agir, Exxon est devenu un leader du déni climatique. Environ dix ans après avoir commencé ses recherches sur le changement climatique, Exxon a soutenu des campagnes visant à mettre en doute les données scientifiques sur le climat et à retarder la réglementation de son secteur industriel. En 1989, Exxon a été l'un des membres fondateurs de la Global Climate Coalition. La GCC a dépensé environ 1 million de dollars par an pour faire du lobby contre les limites imposées aux émissions de gaz à effet de serre. Elle s'est opposée au Protocole de Kyoto.
Comme George Monbiot l'a exposé dans son livre intitulé « Heat » en 2006, Exxon a également financé un vaste groupe d'organisations qui soutenaient que la science du climat n'était pas établie, que les écologistes étaient des nazis, des communistes, des fous, des terroristes ou des imposteurs, et que si les gouvernements prenaient des mesures contre le changement climatique, l'économie mondiale s'effondrerait.
L'industrie pétrolière a utilisé les mêmes tactiques que celles auxquelles l'industrie du tabac avait eu recours pour nier que le tabagisme causait le cancer. Elle a même eu recours à certaines des mêmes personnes, comme Frederick Seitz, qui était président du George C. Marshall Institute. F. Seitz a fondé le George C. Marshall Institute en 1984, initialement pour soutenir l'initiative de défense stratégique du président Reagan, connue sous le nom de « Guerre des étoiles ». À la fin des années 1980, l'Institut est passé au déni du changement climatique - avec un généreux financement d'Exxon.
Avant cela, Seitz avait été consultant permanent pour la compagnie de tabac RJ Reynolds, où il finançait des recherches visant à « réfuter les critiques contre les cigarettes ».
GIEC
L'une des réponses des défenseurs du climat à la campagne niant l'existence des changements climatiques, en particulier dans les pays du Nord, a été d'élever les publications du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat à un statut qui échapperait à toute possibilité de critique. À leurs yeux, le GIEC est devenu la seule autorité sur tout ce qui touche à la science du climat.
Le GIEC est un organisme des Nations Unies, créé en 1988, dans le but d'évaluer les connaissances scientifiques liées aux changements climatiques. Il fournit aux gouvernements des informations scientifiques afin qu'ils puissent développer des politiques pour faire face à la crise climatique. Le GIEC a produit une série de rapports d'évaluation complets, dont le premier a été publié en 1992. Le rapport le plus récent a été publié en août 2021.
Les évaluations du GIEC ont pour le moins tendance à être prudentes. Comme George Monbiot le souligne, ce n'est pas surprenant, étant donné le nombre des personnes qui doivent approuver les évaluations du GIEC avant leur publication.
Cependant, comme le fait remarquer Larry Lohmann dans son livre « Carbon Trading: A critical conversation on climate change, privatisation and power », beaucoup de choses sont laissées de côté dans les rapports du GIEC. Le livre de Lohmann a été publié en 2006, mais il est plus pertinent que jamais aujourd'hui.
Lohmann note qu'avant que le GIEC ne publie son rapport sur « L'utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie » en 2000, plusieurs gouvernements, dont les États-Unis, le Japon, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Norvège, avaient fait pression pour être autorisés à comptabiliser le carbone stocké sur leurs terres forestières en déduction des émissions continues provenant de la combustion de combustibles fossiles. De nombreux gouvernements du Nord étaient également désireux d'acheter des crédits carbone provenant de projets visant à réduire la déforestation dans les pays tropicaux.
« Il ne devrait pas être totalement surprenant », écrit Lohmann, « que le rapport du GIEC ait fourni aux États-Unis et à leurs alliés exactement les conclusions dont ils avaient besoin ». Mais pour ce faire, écrit Lohmann, le rapport « a dû abandonner les critères normaux de rigueur technique ».
« Il manquait des milliers de références pertinentes évaluées par des pairs – sur la déforestation, l'histoire des projets de développement forestier, la résistance des paysans, les régimes de biens communs forestiers, le comportement des investisseurs, etc. »
Les auteurs du GIEC partent du principe que le carbone stocké temporairement dans les arbres et le sol est identique au carbone enfoui sous terre dans les combustibles fossiles. Mais en termes d'impact sur le climat, les deux sont complètement différents. Le carbone des combustibles fossiles reste stocké en toute sécurité sous terre et n'interagit avec l'atmosphère que lorsqu'il est extrait et brûlé.
Le carbone stocké dans les arbres et les sols n'est stocké que temporairement et est libéré dans l'atmosphère lorsque les arbres meurent, ou lorsque la forêt est abattue, ou défrichée pour faire place aux plantations de palmiers à huile, ou lorsque la forêt brûle (ce que nous voyons de plus en plus fréquemment à mesure que la crise climatique s'intensifie).
Dans un récent article publié dans la revue « Social Anthropology », Lohmann décrit comment les climatologues des Nations Unies se comportent comme si les combustibles fossiles et l'extractivisme n'étaient tout simplement pas pertinents pour la science du climat :
« En 2014, Sir John Houghton, membre fondateur du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, a accordé une interview expliquant que les climatologues de l'ONU n'étaient pas autorisés à mentionner le carbone séquestré dans les combustibles fossiles dans leur analyse des changements climatiques, mais uniquement le carbone qui était devenu plus mobile sous forme de CO2. Suivre ce qui se passe lorsque des atomes de carbone traversent l'une des frontières internes du système géophysique terrestre dans l'atmosphère relève de la ‘science’, a déclaré J. Houghton. Mais l'analyse de leurs mouvements vers cette frontière ‘n'est pas une question scientifique’. »
Et si la CCNUCC a discuté à plusieurs reprises des mécanismes de marché, la question de laisser les combustibles fossiles dans les sols reste clairement absente de l'ordre du jour. Les mots ‘combustibles fossiles’ n'apparaissent nulle part dans l'Accord de Paris.
Les grands pollueurs et les crédits carbone
Les grands pollueurs n'ont pas inventé le commerce du carbone. Mais ils ont soutenu et promu ce commerce du carbone, et ils sont les principaux acheteurs de compensations carbone. Ces dernières années, les achats de crédits carbone par les grands pollueurs sont passés d'un petit filet régulier à un déferlement.
Le premier projet de compensation carbone du monde était un projet d'agroforesterie au Guatemala. Le financement est venu d'Applied Energy Services (AES), une compagnie d'électricité basée aux États-Unis, à hauteur de 2 millions de dollars. Dès la fin des années 1980, AES a financé la plantation d'arbres dans le cadre d'un projet géré par CARE au Guatemala pour compenser les émissions d'une nouvelle centrale électrique au charbon de 181 MW qu'AES construisait dans le Connecticut.
Le projet au Guatemala a été un échec cuisant. Hannah Wittman, professeure au département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Simon Fraser en Colombie-Britannique, a étudié les impacts de ce projet de plantation d'arbres sur les moyens d'existence des agriculteurs. H. Wittman a constaté de fréquents conflits d'utilisation des terres. Lorsque les agriculteurs ont commencé à planter des arbres, il y avait moins de terres disponibles pour les cultures vivrières, ce qui a entraîné des pénuries alimentaires dans la région.
Des activités telles que la collecte de bois de chauffage pour la cuisine ont été criminalisées, ce qui a entraîné des conflits sur les droits d'accès aux arbres. Dix ans après le début du projet, une évaluation de Winrock International a révélé que les résultats du projet de plantation d'arbres restaient très en deçà de ce qui était nécessaire pour l'objectif de compensation d'AES. Les agriculteurs n'ont reçu aucun paiement direct pour la plantation d'arbres, et beaucoup ne savaient pas que les arbres stockaient du carbone pour compenser la centrale électrique au charbon d'AES.
Mais les grands pollueurs n'ont pas seulement financé des projets de compensation pour donner une image plus verte de leurs opérations destructrices.
En 1999, 11 hommes et une femme ont organisé une réunion au siège de Shell. Il s'agissait de la première réunion de l'International Emissions Trading Association. Depuis lors, l'IETA, fondée par les gros pollueurs, fait pression en faveur des systèmes d'échange du marché du carbone. L'IETA a placé ses membres dans les délégations nationales aux négociations des Nations Unies sur le climat.
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a également participé à la mise en place de l'IETA. De 1990 à 1999, Frank Joshua a dirigé le Groupe international des experts de l'ONU sur les échanges d'émissions. Après avoir aidé à la création de l'IETA, il en est devenu le premier directeur exécutif.
L'IETA est l'une des associations professionnelles les plus importantes et les plus influentes de la CCNUCC. Parmi les membres de l'IETA figurent des banques, des négociants de crédits carbone, des sociétés de conseil, des développeurs de projets, des sociétés pétrolières (y compris BP, Chevron, Eni, Equinor, Shell et Total), des sociétés minières, ainsi que des normes et des registres portant sur le carbone. L'IETA existe « pour s'assurer que les politiques sur le changement climatique n'aient pas d'impact négatif sur les profits des grands pollueurs », comme le souligne un rapport 2018 de Corporate Accountability.
De toute évidence, il n'est pas surprenant que les grands pollueurs fassent campagne en faveur de distractions dangereuses comme le commerce du carbone. Mais ils le font avec le soutien de plusieurs organisations dites environnementales.
Pour ne donner qu'un exemple, en 2019, l'IETA a lancé ses marchés pour les solutions climatiques naturelles lors des négociations des Nations Unies sur le climat à Madrid. (2) Les membres fondateurs sont quatre sociétés pétrolières et gazières (Shell, Chevron, BP et Woodside Energy, une société minière (BHP) et une organisation américaine de plantation d'arbres (l'Arbor Day Foundation).
Le groupe consultatif de l'IETA comprenait des représentants de Conservation International, de l'Environmental Defense Fund, de l'Earth Innovation Institute et de The Nature Conservancy.
L'arrivée des grands pollueurs norvégiens et de REDD
Le soutien d'ONG au commerce du carbone s'est également manifesté sous une forme moins directe.
Le 27 septembre 2007, deux hommes appelés Lars ont adressé une lettre à Jens Stoltenberg, alors Premier ministre de Norvège. Le titre était : « Il n'est pas trop tard. Sauvez la forêt tropicale – Sauvez le climat ! »
La lettre émanait de Lars Løvold, alors directeur de la Rainforest Foundation Norvège, et de Lars Haltbrekken, alors président de la Société norvégienne pour la conservation de la nature (Amis de la terre Norvège).
Lars et Lars ont demandé à Stoltenberg de dépenser 1 milliard de dollars chaque année pendant cinq ans pour protéger les forêts tropicales afin de lutter contre le changement climatique. Ils ont fait valoir que l'argent ne devrait pas être utilisé pour créer un mécanisme de compensation des émissions de carbone, mais devrait s'ajouter à la réduction des émissions.
Mais ensuite, ils ont invité Márcio Santilli de l'organisation brésilienne Instituto Socioambiental à rencontrer des politiciens norvégiens et à promouvoir leur idée. C'était un choix étrange. En 2005, M. Santilli avait écrit en faveur d'un « échange international des émissions de carbone pour la protection des forêts tropicales ».
Le 10 décembre 2007, le gouvernement norvégien a annoncé que le pays était « prêt à porter son soutien à la prévention de la déforestation dans les pays en développement à un montant d'environ trois milliards de couronnes [environ 550 millions de dollars] par an ».
Le Premier ministre Jens Stoltenberg a présenté la stratégie norvégienne de prévention de la déforestation lors d'une réunion à Oslo, en compagnie du ministre de l'Environnement, Erik Solheim, et de la ministre du Pétrole et de l'Énergie, Åslaug Haga. L'industrie pétrolière était à l'origine du soutien de la Norvège à REDD depuis le début.
Le gouvernement norvégien possède deux tiers des actions du géant pétrolier norvégien Equinor. Jusqu'en juillet 2021, les actions étaient gérées par le ministère du Pétrole et de l'Énergie – elles ont depuis été transférées au ministère du Commerce et de l'Industrie.
Au cours des 30 dernières années, Equinor a foré plus de 100 puits au nord du cercle polaire arctique. L'entreprise n'a pas l'intention de s'arrêter. « La production de pétrole et de gaz dans les régions nordiques », déclare la société sur son site Web, « contribuera de manière importante à garantir l'approvisionnement face à une demande énergétique mondiale croissante ».
Dès le début, l'industrie pétrolière norvégienne a été impliquée dans les plans de la Norvège pour sauver les forêts tropicales. C'est la face cachée de REDD : l'utilisation des forêts tropicales humides pour reverdir l'image de la poursuite des activités de forage et de la pollution.
Le 13 décembre 2007, J. Stoltenberg était à Bali pour les négociations de l'ONU sur le climat (COP 13). Dans son discours à la conférence sur le climat, J. Stoltenberg nous a dit que l'arrêt de la déforestation serait rapide et bon marché :
« Grâce à des mesures efficaces contre la déforestation, nous pouvons réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre – rapidement et à faible coût. La technologie est bien connue et est disponible depuis des milliers d'années. Tout le monde sait comment ne pas abattre un arbre. »
J. Stoltenberg n'a laissé aucun doute sur le fait qu'il proposait un mécanisme d'échange de carbone pour sauver les forêts tropicales :
« Pour mobiliser les ressources nécessaires, nous devons fixer un prix pour le carbone. Ensuite, nous créons des incitations à adopter un comportement respectueux du climat. Puis, nous faisons payer les pollueurs pour leurs émissions. Par conséquent, nous devons créer un système mondial de commerce du carbone et de taxes sur le CO2. »
La Banque mondiale a également lancé son Fonds de partenariat pour le carbone forestier lors de la COP 13 à Bali. Benoît Bosquet, spécialiste senior de la gestion des ressources naturelles à la Banque mondiale, a dirigé le développement du FCPF et a été le coordinateur du FCPF de 2008 à 2014. « L'objectif ultime de ce mécanisme est de lancer un marché du carbone forestier qui fait pencher la balance économique en faveur de la conservation des forêts », a déclaré Bosquet dans un communiqué de la Banque mondiale à propos du lancement du FCPF à Bali.
BP Technology Ventures Inc. a apporté un financement de 5 millions de dollars pour le FCPF, tout comme The Nature Conservancy. Au fil des ans, la plupart des financements du FCPF sont venus des gouvernements de Norvège, d'Allemagne et du Royaume-Uni.
Bien qu'il ait collecté plus d'un milliard de dollars, le FCPF s'est « avéré être un moyen incroyablement inefficace de réduire la déforestation, avec des coûts administratifs astronomiques et rien à montrer en matière de prévention de la déforestation », remarquait un commentaire anonyme en 2017 sur le site web de REDD-Monitor.
Légitimer les compensations carbone
Récemment, on a beaucoup parlé de la nécessité de « bien faire REDD ». Par exemple, la société de compensation finlandaise, Compensate, affirme que 91 % des projets qu'elle a examinés ont été recalés lors de son processus d'évaluation. Une start-up appelée Sylvera déclare que près de la moitié des projets REDD qu'elle a étudiés « ne répondaient pas aux attentes ». Et le portail d'information Bloomberg Green a expliqué comment les projets de compensation forestière de The Nature Conservancy aux États-Unis n'étaient en réalité pas menacés par la déforestation. The Nature Conservancy est devenu « un revendeur de compensations carbone dénuées de sens », a écrit Bloomberg Green.
Mais ces arguments légitiment la compensation carbone, car ils donnent l'impression que les 9 % ou 50 % restants sont en quelque sorte de « véritables compensations ». Bloomberg Green soutient que « scientifiquement, elles [les compensations de carbone] ont du sens. » On pourrait en déduire que la compensation a juste besoin de plus de réglementation (ou d'une meilleure réglementation).
Mais en réalité, aucune réglementation ne peut faire abstraction du fait que ce ne sont pas seulement certaines compensations (les mauvaises, celles qui n'ont aucun sens) qui retardent l'action climatique. Le problème réside dans le concept même de compensation qui, pendant des décennies, a réussi à retarder toute action significative contre la crise climatique. Les compagnies pétrolières achètent même des compensations carbone afin de créer des combustibles fossiles « neutres en carbone ». Ce qui est clairement absurde.
Les compensations, REDD et les solutions climatiques naturelles fournissent aux grands pollueurs les outils parfaits pour donner l'impression d'agir pour le climat, tout en permettant la poursuite de leur extractivisme destructeur.
Chris Lang
REDD-Monitor.org
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