Il y a quatre ans, neuf communautés de la République démocratique du Congo (RDC) ont déposé une plainte auprès du Mécanisme Indépendant de Plaintes (MIP) de trois banques de développement finançant l’entreprise de plantation de palmiers à huile - Plantations et Huileries du Congo (PHC). Les plaignants cherchaient à résoudre un conflit foncier de longue date avec l'entreprise et le MIP a accepté d'entamer un processus de médiation.
Depuis que la plainte a été déposée, les violences se sont accrues à l’encontre des communautés locales, entraînant un nombre toujours plus important de personnes emprisonnées, battues, violées et même tuées. Plus récemment, en septembre 2022, l’entreprise PHC a participé à une campagne de répression contre les communautés, avec l'aide d'un détachement de la police nationale et de l'armée.1 Des dizaines de membres des communautés locales ont été arrêtées et emprisonnées pour avoir prétendument volé des fruits de palmier dans les plantations de la société. Des rapports font état de violences (et de viols) de la part de gardes de la société, de policiers et de militaires, ainsi que de destruction de logements et d’ateliers de raffinage artisanal d'huile de palme.2
C'est dans ce contexte que le processus de médiation devrait finalement débuter en mars 2023.
Les neuf communautés qui ont déposé plainte auprès du mécanisme de plaintes (MIP) l'ont fait en pensant: (1) que le processus de médiation permettrait de garantir le respect de leurs droits et de récupérer leurs terres occupées par PHC, injustement confisquées sous l'occupation coloniale belge ; et (2) que le consortium des banques de développement, qui exerçait un contrôle sur l’entreprise PHC via la possession de parts, de créances et la participation au conseil d'administration de la société, garantirait la mise en œuvre des accords issus du processus de médiation, notamment en ce qui concerne la restitution des terres occupées par PHC.
Pourtant, en février 2022, lorsque les banques de développement ont annulé les dettes en cours et se sont totalement retirées de PHC, elles ont choisis de transférer le contrôle de l’entreprise à une société de capital-investissement basée à l'île Maurice. Ces nouveaux propriétaires de PHC ont clairement fait savoir que les revendications foncières des communautés n’étaient pas discutables et qu'ils utiliseraient la force contre toute personne contestant l’utilisation des terres par l’entreprise. Et, bien que les banques de développement aient toujours déclaré qu'elles soutiendraient le processus de médiation, elles n'ont jusqu'à présent pas respecté cet engagement.3
Il est impossible que le processus de médiation du MIP parvienne à résoudre le conflit foncier si les banques de développement et leurs gouvernements ne prennent pas des mesures urgentes pour garantir ce qui suit :
- la libération immédiate et inconditionnelle de tous les membres des communautés actuellement détenus en prison et l'arrêt de la répression, de la violence et des arrestations arbitraires;
- une enquête indépendante sur les allégations de violations de droits humains commises à l'encontre des communautés par les agents de sécurité de l'entreprise et les détachements de la police nationale et des forces militaires opérant dans les zones de plantation de PHC;
- un soutien financier pour permettre aux communautés de participer à la médiation en connaissance de cause de s’y préparer et d’être représenter légalement; et,
-un engagement public de la part de PHC de respecter les termes du processus de médiation, en ce compris la possibilité de restitution des terres aux communautés.
La responsabilité de cette situation incombe aux gouvernements du consortium de banques de développement qui ont dépensé plus de 150 millions de dollars pour financer PHC au nom du "développement" et se sont retirées de cet investissement sans avoir pris les mesures adéquates afin de résoudre les graves conflits fonciers hérités de l'entreprise. Ces dernières années, le conflit s'est intensifié, faisant quatre morts et des dizaines de personnes emprisonnées et violentées.
Nous appelons les Ministres concernés des gouvernements d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, du Royaume-Uni et de France à honorer leurs responsabilités envers les communautés affectées par leurs investissements en République Démocratique du Congo en garantissant que les actions décrites ci-dessus soient mises en œuvre immédiatement.
Signé par :
Entraide et Fraternité (Belgique)
FIAN Allemagne
FIAN Belgique
GRAIN
Milieudefensie
Mouvement Mondial pour les Forêts Tropicales (WRM)
Oakland Institute
Rettet den Regenwald
Struggle to Economize Future Environment (SEFE)
Synergie Nationale des Paysans et Riverains du Cameroun (SYNAPARCAM)
The Corner House
1 RIAO-RDC, "Palm oil company, police and military conduct massive, violent rampage against villagers in the DR Congo", 10 November 2022. See also this petition from the community of Yakoté from 14 November 2022.
2 RIAO-RDC, "RDC: 50 leaders communautaires emprisonnés depuis octobre 2022 dans les zones de Plantations et Huileries du Congo", 13 janvier 2023:
3 "La médiation des droits fonciers : Le compte-rendu frustrant ascendant de l'expérience en cours de neuf communautés en RDC ", Université d'Anvers, novembre 2022.