Le Forum communautaire forestier est une organisation qui regroupe des villages habités par des locataires et des travailleurs des plantations d’arbres, dans la région de Boland, province du Cap occidental, Afrique du Sud. Le but du Forum est d’obtenir la réforme agraire et des possibilités économiques pour des moyens d’existence durables. Constitué en 2011, lorsque les villageois ont commencé à s’organiser et à se mobiliser, le Forum compte quatorze villages membres. Sa mission est d’organiser et de mobiliser les villageois pour la justice et l’égalité, d’obtenir réparation et une transformation du secteur des plantations industrielles d’arbres, qui continue de bénéficier à une poignée de personnes aux dépens des villageois, travailleurs des plantations ou locataires.
Antécédents
Les travailleurs des plantations d’arbres ont toujours été hébergés dans des villages établis dans les plantations, parce que celles-ci sont souvent situées très loin des zones résidentielles et qu’en plus, il est nécessaire que les travailleurs soient sur place pour combattre les incendies de forêt. De nombreux villages de travailleurs des plantations furent construits dans la province du Cap occidental dans les années 1960 et 1970 ; ils devinrent le foyer permanent de plusieurs générations de familles concernées, à l’époque ou depuis longtemps, par le travail dans le secteur des plantations. Autrefois, ces villages avaient des logements familiaux, des cuisines communautaires qui servaient des repas préparés deux fois par jour, des cliniques, des écoles, des crèches et des équipements de loisirs.
Au cours des années 1990, les conditions de ces villages, le niveau des services et les équipements commencèrent à se dégrader. Les repas préparés furent supprimés et les cliniques fermées. Le recours à des sous-traitants à la place de l’embauche directe eut une forte répercussion sur les villages. À présent, certains villages, entiers ou en partie, sont loués à des sous-traitants, qui devraient se charger de leur entretien mais, dans bien des cas, cela a conduit à la détérioration de l’infrastructure et des services.
Tous les villages des plantations d’arbres du Cap étaient établis sur des terres boisées domaniales et placés sous l’autorité du ministère des Forêts. Après la première étape de restructuration du ministère, les villages commencèrent à être divisés et, à présent, ils dépendent de plusieurs autorités administratives différentes. La composition des résidents a changé aussi au fil des ans : autrefois, ils hébergeaient des communautés intergénérationnelles qui étaient très unies du fait de leur éloignement et de leurs liens de longue date avec l’emploi dans les entreprises de plantation ; à présent, les travailleurs des plantations représentent une minorité, et le reste est composé de familles et de descendants des anciens travailleurs, de retraités et de locataires privés.
Parmi les facteurs contextuels qui affectent les villageois figurent :
- les séquelles de l’apartheid et l’absence de réparation ;
- l’impact des stratégies unilatérales de restructuration, de privatisation et de retrait du secteur des plantations d’arbres sur les membres des communautés installées dans les zones de plantation ;
- la planification de l’utilisation des sols reste unilatérale et basée sur des critères de race et de classe. Le cadre de la planification manque souvent d’une participation et d’une consultation appropriées de la communauté, et il est marqué par la manière de percevoir et de traiter les pauvres ;
- le manque de volonté politique et l’impact des politiques partisanes ;
- l’information et la transparence concernant la restructuration et la privatisation du secteur des plantations d’arbres continuent d’être centralisées et difficiles à atteindre. Les communautés ont besoin de cette information pour comprendre la situation locale, c’est-à-dire les arrangements institutionnels, les responsabilités, les plans, etc. Cette information serait cruciale au cas où ils devraient prendre une initiative concernant leur propre développement. Les communautés continuent à se colleter avec toute une série de questions, car la restructuration les touche directement.
Problèmes manifestés par les résidents des villages
Les villageois des zones des plantations se heurtent à de nombreux problèmes et défis. Le manque de sécurité foncière en est un. Les habitants ne sont pas propriétaires de leur terre ou leur maison. Malgré les promesses que le gouvernement leur a faites au moment de construire les villages, il arrive que les résidents soient expulsés ou menacés. Comme ils n’ont pas d’autre terre, ils dépendent du soutien et de l’intervention du gouvernement. Les maisons en bois se détériorent vite quand elles ne sont pas entretenues ; dans certains cas, il devient dangereux d’y habiter. Les résidents sont disposés à s’occuper des maisons mal entretenues, à condition que la propriété leur soit transférée. D’autre part, les services sont mauvais, voire inexistants. Les résidents sont renvoyés d’un organisme gouvernemental à l’autre. Certaines familles paient des factures d’électricité énormes. La hausse des prix du combustible et de la nourriture est un problème supplémentaire qui aggrave la pauvreté et la dégradation sociale. La qualité de l’eau est mauvaise et les résidents craignent une épidémie de maladies d’origine hydrique.
En outre, beaucoup d’emplois ont été supprimés en application du programme de restructuration du secteur des plantations d’arbres. Aujourd’hui, de nombreux travailleurs sont au chômage, bien qu’ils aient les compétences, les connaissances, l’expérience et la capacité physique nécessaires pour travailler. Une bonne partie du travail – dans les activités de plantation, de conservation et de prévention des incendies, etc. – est réalisée par le biais de contrats. En général, les communautés locales n’y ont pas accès parce qu’elles n’en sont pas informées ou ne disposent pas de moyens (économiques) pour faire le travail.
Les institutions gouvernementales locales n’intègrent pas les communautés de travailleurs des plantations à leurs cadres de planification, et les villages doivent s’adresser à d’autres services et agences du gouvernement. Cela continue de marginaliser et de discriminer ces communautés. Des programmes de développement économique comme le BBBEE (programme d’autonomisation économique des populations noires), qui inclut les plantations communautaires, la gestion participative des plantations et la gestion communautaire des ressources naturelles, ne sont pas en train d’avantager ces communautés. En dépit d’un vaste programme gouvernemental de sensibilisation et d’information, ces opportunités économiques continuent d’échapper aux communautés locales.
L’organisation et la mobilisation des communautés
Les habitants des villages de travailleurs forestier de la province du Cap occidental ont unis leurs forces et se sont mobilisés pour réclamer l’intervention et le soutien du gouvernement, face à la situation de vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent en raison de la privatisation et de la stratégie de repli des entreprises de plantation d’arbres. Une liste d’inquiétudes et de réclamations a déjà été communiquée aux divers départements gouvernementaux au cours de manifestations et d’assemblées des parties prenantes. Parmi leurs réclamations figurent la participation à la prise de toutes les décisions qui les concernent ; la fin des expulsions ; l’information, la transparence et l’accès aux appels d’offres ; l’accès à la propriété de suffisamment de terre pour la production des aliments nécessaires à la famille ; des services de qualité et abordables, etc.
Chaque village est représenté par un leader ; la proportion des femmes qui jouent ce rôle est importante. Le Forum possède des statuts qui régissent les décisions et les opérations, et il dirige et coordonne ses propres initiatives et activités. De nombreux villages du Forum ont adhéré aussi à la Campagne sur le droit à la réforme agraire pour la souveraineté alimentaire, un mouvement social qui vise à mobiliser un nombre important de personnes et à pousser le gouvernement à introduire des réformes.
Le Forum propose que la question des villages des plantations d’arbres fasse l’objet d’une planification intégrée de toutes les agences concernées, l’une d’entre elles devant coordonner, mettre en œuvre et surveiller les activités. Le processus doit être dirigé par la communauté, celle-ci ayant une participation réelle à la prise de décisions ; l’approche doit être holistique pour prendre en compte les divers besoins des communautés locales en matière de sécurité foncière, logement, revenus, transport, éducation, compétences et connaissances, en fonction du contexte historique.
Forestry Community Forum
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