Les Penan ont vécu dans la forêt tropicale du Sarawak depuis des temps immémoriaux. Ils y ont pratiqué la chasse et la cueillette d’aliments et se sont nourris de sagou, une fécule que l’on extrait de la moelle des palmiers sagoutiers, jusqu’aux années 1950 où ils ont décidé de s’installer dans les villages qu’ils habitent aujourd’hui. [1]
Dans les années 1980, l’exploitation forestière industrielle a démarré au Sarawak. Les entreprises sont entrées sans autorisation dans le territoire ancestral des Penan. De nombreux Penan qui ont lutté pour défendre leurs droits territoriaux ont subi des intimidations et des violences aux mains de la police malaise et des forces de sécurité payées par les entreprises forestières. Un chef penan a même été assassiné en 2008, apparemment pour s’être opposé à l’abattage. L’exploitation a été suivie de plantations en régime de monoculture et d’autres projets de « développement », au mépris des droits fonciers des Penan.
L’invasion se poursuit toujours. Les opérations forestières des trois conglomérats malais du bois (Samling, Interhill et Timberplus) dans les concessions accordées à Damai Cove Resorts, Samling Plywood, Samling Reforestation et Timberplus ont affecté les villages penan situés dans la forêt de la région de Middle Baram, en particulier Ba Abang, Long Pakan, Long Item, Long Lilim et Long Kawi. Pendant plus de dix ans, plusieurs opérateurs forestiers ont pénétré dans leurs terres ancestrales avec des bulldozers, des excavatrices, des pelles, et des poids lourds, détruisant une étendue considérable de leur forêt, leurs arbres fruitiers, leurs récoltes, des tombeaux et des sites historiques appartenant à leur patrimoine culturel.
Les communautés réclament des titres de propriété sur une étendue de 80 000 hectares, l’annulation des permis de coupe et de plantation d’arbres illégalement délivrés, et des indemnités pour les dégâts commis par les entreprises forestières au cours de leurs activités passées. Les Penan ont demandé au tribunal une ordonnance « contre les concessionnaires, leurs entrepreneurs et leurs sous-traitants, pour qu’ils retirent toutes les structures, équipements et machines qui se trouvent dans les territoires coutumiers des plaignants ». Ils considèrent que les permis de coupe et de plantation d’arbres octroyés par le gouvernement sont « oppressifs, arbitraires, illégaux et inconstitutionnels ».
Les travailleurs des entreprises forestières venus de l’extérieur (surtout des hommes) qui se sont installés à proximité des villages indigènes ont tragiquement bouleversé la vie des communautés penan. En septembre 2009, un rapport du gouvernement malais confirmait les déclarations des Penan du Moyen Baram, suivant lesquelles plusieurs femmes et filles indigènes avaient été violées par des employés des entreprises forestières.
Destruction, bouleversement, violence. Les Penan témoignent de ce que le « développement » en question leur a apporté : « Interhill ne respecte aucunement le fait que nous vivons de la forêt ». « Depuis qu’Interhill est entrée dans notre zone en 1988, nous n’avons vu que la destruction et aucun résultat positif. » « Interhill est en train de polluer nos sources d’eau potable avec de l’huile de graissage et de vieilles batteries de camion. Ils jettent toutes leurs saloperies dans notre fleuve. » [2]
[1] “Penan to sue Sarawak gov't over logging, plantations”, 10 décembre 2009,http://www.borneoproject.org/article.php?id=790.
[2] Tong Tana, mars 2009, « Pas d’hôtel de luxe au mépris de la forêt pluviale », Fondation Bruno Manser, http://www.bmf.ch/files/tongtana/TT_mars_2009_f.pdf