Les plantations industrielles de palmiers à huile se multiplient dans de nombreux pays du Sud, et de plus en plus en Afrique et en Amérique latine, en envahissant les territoires des populations rurales, des peuples indigènes et des communautés traditionnelles afin de produire de l’huile de palme pour l’exportation ou des agrocarburants pour les marchés étrangers.
Tandis que les gros des bénéfices revient aux usines de traitement, aux banques étatiques et privées, aux fonds d’investissement et aux entreprises nationales et transnationales, pour des centaines de milliers de personnes l’expansion des grandes plantations de palmiers à huile implique la destruction des économies locales et des conditions naturelles dont ces économies dépendent.
Quand les communautés résistent et essaient d’expulser les entreprises de leurs territoires, elles se heurtent souvent à la répression policière, elles voient les institutions d’État se ranger du côté des entreprises, et il est fréquent qu’elles subissent des violations des droits de l’homme.
Les grandes entreprises planteuses de palmiers à huile savent que leurs activités ont des répercussions négatives. Le fait que des mouvements sociaux, des ONG et la presse aient révélé et dénoncé ces impacts a terni leur image et mis parfois en péril leurs projets d’expansion de leurs affaires dans certains pays et régions. Il n’est donc pas surprenant qu’elles réagissent à leur tour pour lutter contre la mauvaise publicité qui pourrait avoir des effets négatifs sur leurs ventes et leurs bénéfices. Depuis la fin des années 1980, la notion de « développement durable » a permis de continuer sur la voie de la production et des bénéfices toujours plus grands, mais en même temps est apparue la « responsabilité d’entreprise » appliquée aux domaines social et environnemental. En s’inspirant de ce discours sur la durabilité, les entreprises de plantation ont commencé à se tourner vers les plans de certification volontaires, un nouvel outil qui leur permettait de présenter des activités destructrices comme « durables », comme une innovation « écologique » des mêmes méthodes de production et des mêmes produits, à l’intention des marchés de consommation qui, au cours des deux dernières décennies, ont commencé à demander aux entreprises un peu plus que « les mêmes choses de toujours ».
La Table Ronde pour l’huile de palme durable ou RSPO fut annoncée en 2004 comme un système de certification des plantations industrielles de palmiers à huile. Pour la RSPO, ces plantations sont « durables » quand elles sont « économiquement viables », « appropriées pour l’environnement » et « bénéfiques pour la société ».
La RSPO, qui a déjà certifié 1,45 million d’hectares et qui est de plus en plus connue du public consommateur, fut très critiquée dès le début par de nombreux mouvements sociaux, ONG et communautés. La critique la plus forte porte sur une fausse promesse : la « durabilité » des produits des plantations industrielles de palmiers à huile qui ont été certifiées. En effet, du fait d’être de grandes dimensions et en régime de monoculture, elles ont besoin de grands volumes d’eau, de produits agricoles toxiques, de fertilisants chimiques et d’énergie fossile ; par conséquent, ces plantations ne peuvent jamais devenir une forme d’exploitation de la terre qui justifie le label « durable ». Elles occupent d’énormes étendues où beaucoup de personnes vivaient ou pourraient vivre aujourd’hui avec plus de dignité que dans des zones urbaines surpeuplées. Les critiques signalent aussi que la certification n’a pas évité qu’une minorité de la population du monde continue de faire une consommation excessive de produits à base d’huile de palme. Pourtant, cette consommation excessive et le besoin des sociétés transnationales de croître sans cesse pour augmenter leurs bénéfices sont en train d’encourager l’expansion permanente des plantations industrielles de palmiers à huile.
L’objectif de la RSPO est d’améliorer les activités des entreprises, de les rendre plus « responsables à l’égard de la société et de l’environnement », peut-être même de faire en sorte que les communautés y gagnent un peu plus, mais non de freiner l’expansion des plantations ni de combattre la surconsommation. En définitive, en apposant un « label vert » aux plantations industrielles de palmiers à huile et en renforçant ainsi leur image d’activité « durable », la RSPO facilite leur expansion et affaiblit en même temps les communautés qui essaient de défendre leurs terres et leurs moyens d’existence.
Le présent bulletin porte sur les fausses promesses du système de certification de la RSPO. En ce moment où le palmier à huile se propage à toute vitesse dans les pays du Sud, nous devons continuer de montrer ce qui se cache derrière ce système.