Considérant que l’aspiration à la dignité humaine constitue un idéal commun à tous les hommes, la Charte des Nations Unies en son préambule le proclame et que la Déclaration Universelle des droits de l’Homme élucide les principes ;
Considérant le rôle moteur joué par la femme dans l’économie mondiale, rôle inscrit dans les objectifs du Millénaire pour le développement ;
Considérant le rôle que jouent les femmes dans les économies locales dans chaque pays ;
Considérant la place prépondérante qu’occupe la femme dans l’équilibre de la cellule familiale au sein de toutes les sociétés humaines ;
Consciente du fait que la femme est toujours à l’avant-garde de la lutte contre la pauvreté par ses multiples interventions, surtout dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture ;
Nous, femmes leaders des associations féminines riveraines des plantations industrielles de monoculture, affectées par l’expansion de ces dernières et surtout celles du palmier à huile ;
Nous, organisations nationales et internationales engagées dans la lutte pour la défense des droits des femmes et des communautés locales en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie, ci-dessous signataires de la présente, réunies les 27 et 28 janvier 2016 à Mundemba dans la Région du Sud-Ouest au Cameroun.
Après avoir :
*partagé des témoignages du douloureux vécu quotidien des femmes vivant autour et dans des plantations de monocultures de palmier à huile de Mundemba et du Cameroun, et fait une analyse profonde des conséquences sur la femme et la famille de l’expansion rapide et brutale des monocultures promues par les multinationales dans les différentes communautés locales et nationales ;
*fait le tour des avantages sur les plans sociaux, économiques, environnementaux, culturels, culinaires du palmier à huile traditionnel ; et
*parcouru les stratégies et les solutions que les femmes victimes des accaparements de terres et particulièrement celles riveraines des plantations industrielles du palmier à huile ont mis en place en vue de la défense de leurs intérêts.
Ayant constaté que :
*les exploitations de monoculture et particulièrement celles du palmier à huile :
*plongent la femme riveraine de ces plantations dans un système de paupérisation croissante et par elle, la famille toute entière ;
- spolient les femmes des terres agricoles fertiles jadis utilisées pour l’agriculture familiale avec laquelle elle nourrit la famille et la communauté toute entière menaçant ainsi la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations concernées ;
- sont une cause de la disparition de nombreuses pratiques culturales et culturelles de ce fait contribuent à la disparition de nombreux acquis traditionnels et artisanaux, réduisant des communautés entières à se soumettre à la dictature de la société de consommation faute d’autonomie de production ;
- ne peuvent pas nourrir les familles comme le font les exploitations familiales des femmes;
- sont une menace pour l’utilisation durable de la biodiversité et contribue à la disparition des produits forestiers non ligneux qui sont une source de revenus principale pour les femmes, du fait de la destruction massive et effrénée des forêts, amplifiant ainsi le phénomène de l’effet de serre et des changements climatiques ; et
*entrainent la disparition du palmier à huile traditionnel dont les vertus traditionnelles, médicinales, nutritionnelles, culturelles sont valorisées par la femme pour le bien être de sa famille et de la société.
*la définition des politiques foncières et les cessions des terres s’opèrent souvent sans une véritable implication des femmes concernées ; et
*les champs d’arbres plantés ne pourront jamais remplacer la forêt naturelle.
Réaffirmons notre engagement à s’investir dans :
*la recherche et la capitalisation de l’information sur les cas d’abus et de frustration subis par les femmes autour et dans les grandes plantations industrielles, et particulièrement celles du palmier à huile afin de faire une étude amplement diffusée ;
*la mise en place d’un cadre d’actions et d’échanges des femmes engagées dans les luttes pour la défense de leurs intérêts autour et dans les monocultures d’arbres et particulièrement de palmier à huile ;
*la mise en place d’un cadre de concertation multi acteurs (administration, /secteur privé, communautés locales avec une représentativité des femmes leaders ;
*la création d’un fonds de soutien aux femmes victimes d’abus dans et autour des plantations agro-industrielles ;
*le développement des alternatives économiques avec les femmes spoliées ;
*le plaidoyer pour une plus grande implication des femmes dans les sphères de décision sur les questions foncières
*la promotion du palmier à huile traditionnel ; La création d’un observatoire des femmes autour des cessions de terre à grande échelle et l’impact de la monoculture sur l’agriculture familiale ;
*le renforcement des capacités des femmes dans la défense de leurs intérêts pour les outiller afin qu’elles soient capables de résister aux abus de toutes sortes dus à l’implantation des agro industries ; et
*la réalisation des études du cadre légal en vue de mener des plaidoyers destinés à influencer les réformes législatives et règlementaires dans les secteurs connexes.
RECOMMANDONS
Aux pouvoirs publics :
*de placer la problématique de l’expansion du palmier à huile industriel au cœur des priorités nationales au Cameroun et dans les autres pays du monde où cet arbre pousse naturellement ;
*de définir des politiques multisectoriels adaptées à la situation de la femme rurale affectée par l’expansion du palmier à huile industriel;
*de faire des réformes législatives et règlementaires dans les domaines impliqués dans l’expansion du palmier à huile industriel ;
Aux partenaires financiers et techniques :
*d’apporter un appui multiforme aux actions menées dans le cadre de la lutte contre l’expansion du palmier à huile industriel ;
*de saisir chaque opportunité de collaboration avec les pouvoirs publics pour introduire la question de l’expansion du palmier à huile industriel ; et
*de soutenir toute initiative de femmes visant la promotion du palmier à huile traditionnel en vue d’assurer la subsistance dans les familles en milieu rural.
Aux ONG et organisations paysannes locales et internationales :
*de prendre le relais de la lutte contre l’expansion du palmier à huile industriel entreprise par les femmes ;
*faire le plaidoyer pour que des solutions claires, efficaces et adaptées soient trouvées au problème de l’expansion du palmier à huile industriel au cœur des priorités nationales ; et
*renforcer les capacités des femmes pour les rendre plus aptes à mener ce combat lié à l’expansion du palmier à huile industriel.
Aux femmes :
* d’être proactives pour mener le combat lié à l’expansion du palmier à huile industriel ;
* de s’organiser en associations et réseaux à tous les niveaux, local, national, sous – régional, régional et international, afin d’être plus fortes ; et
* de dénoncer toute forme de violation de leurs droits liée à l’expansion du palmier à huile industriel.
Fait à Mundemba le 28 janvier 2016
Signataires
RELUFA, Yaoundé-Cameroun
BACUDA, Kribi-Cameroun
ERA/FOE-Nigeria
FERAFCAM, Cameroun
CAFIFEL, Cameroun
OCDH, Congo
Brainforest-Gabon
Pain pour le prochain, Suisse
SEFE, Cameroun
Green Development Advocates, Cameroun
Struggle to Economize Future Environment-SEFE, Cameroun
Social Centre, Mundemba, Cameroun
CED-CAMEROUN
SFDD, Cameroun
ADAPE, Guinée Konakry
GRAIN
JJFE, Cameroun
Université de Buéa, Cameroun
World Rainforest Movement (WRM)
FUFEDA, Cameroun
Alliance Dame Active de Batschenga (DABA)