Discours verts et déforestation

Image
Misiones, Argentina.

Tandis que la destruction des territoires forestiers se poursuit, de plus en plus de promesses et d’accords sont mis en œuvre au nom de « la lutte contre la déforestation et le changement climatique ». Ce bulletin montre, entre autres choses, comment la déforestation est dissimulée derrière des discours « verts ».

Alors que les communautés dépendant des forêts dans le monde entier font toujours face aux menaces croissantes et à la destruction de leurs territoires, de plus en plus de promesses, d’accords, de projets et de programmes sont lancés et mis en œuvre au nom de « la lutte contre la déforestation et le changement climatique ». Des multinationales, des gouvernements, des banques multilatérales, des agences des Nations Unies, des ONG de conservation et leurs bailleurs de fonds continuent d’affirmer qu’ils peuvent apporter « la solution » alors que ce sont ces mêmes acteurs qui déterminent en fait les causes directes et profondes de la déforestation.

Ce bulletin rassemble sept articles provenant du monde entier qui montrent comment les processus de déforestation sont le plus souvent dissimulés derrière des discours « verts » et une propagande tapageuse. Les auteurs nous rappellent également que les communautés forestières – bien qu’elles soient criminalisées et souvent commodément accusées de déforestation et expulsées de leurs territoires – continuent de résister à cette destruction et aux fausses solutions qui leur sont imposées alors qu’elles assurent la bonne gestion de leurs forêts, de leurs cultures et de leurs vies.

Un article d’Indonésie alerte sur le fait que, tandis que les effets dévastateurs de la crise climatique ont des conséquences graves sur des milliers de communautés de pêcheurs, un mécanisme de compensation appelé « Carbone bleu », présenté par les Nations Unies comme une « solution » à la crise, transforme les territoires côtiers en actifs négociables. Tandis que le développement hôtelier, les élevages industriels de crevettes, l’expansion des plantations de palmiers à huile et l’extraction minière massive infligent des dommages aux mangroves, l’initiative Blue Carbon vise à un écoblanchiment de la destruction croissante et dévastatrice de ces acteurs polluants.

Un article du Mozambique décrit les dangers du développement des fonds d’affectation spéciale pour la conservation, comme dans le cas de BIOFUND. Ce fonds a été créé pour financer le système d’aires protégées du Mozambique, avec le soutien de la Banque mondiale, d’agences de coopération internationale et d’ONG de conservation. Il vise à recueillir d’importantes contributions, notamment les revenus générés par les projets de compensation de la biodiversité dans le pays, et à spéculer avec cet argent sur les marchés financiers.

Un autre article montre que malgré les promesses du gouvernement de Malaisie de maintenir une couverture forestière de 50% dans le pays, au moins 3,4 millions d’hectares de zones essentiellement boisées ont été affectés au développement de plantations en monoculture depuis les années 1990, notamment à des plantations de palmiers à huile et destinées à du bois d’œuvre. L’ambition des 50 % semble donc reposer sur des statistiques qui considèrent que les plantations en monoculture font partie du « couvert forestier ».

Un autre article expose comment le Fonds vert pour le climat, qui a pour but d’aider les pays du Sud à lutter contre les changements climatiques, a récemment approuvé, pour la première fois, un paiement REDD+ soi-disant « fondé sur les résultats » en Amazonie brésilienne. Il alerte également sur le fait que la Société financière internationale, l’agence de financement de la Banque mondiale, s’apprête à demander un financement pour subventionner des projets REDD+ du secteur privé susceptibles de créer des conflits avec les communautés dépendant de la forêt.

Un article provenant d’Inde met en lumière les nouvelles tentatives du gouvernement, en collaboration avec des entreprises et des ONG de défense de la nature, de s’emparer de forêts et d’expulser les communautés forestières. Après de nombreuses tentatives, une récente proposition de modification de la loi coloniale indienne sur les forêts (Indian Forest Act) mettrait de facto fin à la loi sur les droits forestiers (Forest Rights Act), une loi fondamentale qui reconnaît de nombreux droits aux Adivasis (peuples autochtones) et autres communautés traditionnelles vivant dans les forêts. Les amendements prévoient que toutes les utilisations possibles des forêts par les communautés (à moins d’être autorisées par des responsables forestiers) soient criminalisées et créent une nouvelle catégorie juridique appelée « forêts de production » qui ouvre la voie à une privatisation à grande échelle.

Le cas de la communauté de Wimbí en Équateur met en évidence les effets néfastes de l’expansion des plantations de palmiers à huile, parallèlement au trafic de terres et aux plantations de bois d’œuvre. Outre la destruction des forêts et des sols dans la région, la perte de leurs cultures par les membres de la communauté les contraint à chercher du travail salarié ailleurs, y compris auprès de la société de plantations de palmiers qui les a expulsés. Mais les habitants de Wimbí n’ont pas cessé de se battre pour leurs terres et leurs moyens de subsistance.

Enfin, le dernier article met en évidence les violences et les abus horribles perpétrés par le modèle de conservation qui vise à « préserver une nature sans être humain ». Des rapports des organisations Rainforest Foundation UK et Buzzfeed News ont révélé les actes de cruauté perpétrés contre des peuples autochtones vivant à l’intérieur et autour des aires protégées soutenues par le WWF. Cette affaire est clairement révélatrice d’un profond problème de violations des droits de l’homme et d’interventions coloniales dans les forêts tropicales. Les organisations de conservation se retrouvent trop souvent au centre de ces graves violations.