Équateur : la forêt du Pambilar et le long combat pour la défendre

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El Pambilar est entré dans les annales de l’Équateur parce qu’il s’agit d’une forêt indigène de 3 123 hectares que les paysans et l’entreprise forestière Bosques Tropicales S.A. Botrosa, du groupe Peña Durini, se disputent depuis 1997.

El Pambilar fait partie du Chocó équatorien déjà presque inexistant et considéré comme l’un des 10 ‘hotspots’ de diversité biologique du monde. Néanmoins, en 1997 l’Institut du développement agricole a adjugé illégalement El Pambilar à l’entreprise forestière Endesa Botrosa. Cette décision n’a pas tenu compte des habitants de la zone, des paysans et des colons qui utilisaient la forêt et dont l’économie était basée en partie sur cet écosystème. L’Institut n’a pas considéré non plus qu’il s’agissait d’une forêt domaniale, propriété de l’État, et qu’il ne pouvait donc pas en disposer de cette façon. Or, les illégalités de ce genre en faveur des grandes entreprises ont toujours été courantes dans le pays et dans toute l’Amérique latine.

Le conflit a commencé lorsque les paysans de la paroisse Malimpia de la province d’Esmeraldas n’ont pas cédé aux pressions de l’entreprise forestière Botrosa. Ils habitaient El Pambilar depuis 20-24 ans, dans de petits établissements épars constitués de 10 à 25 familles d’agriculteurs qui venaient de diverses provinces du pays. C’est dans cette partie du patrimoine de l’État sur laquelle les familles avaient acquis des droits de possession que l’entreprise forestière est venue s’installer en 1997, dans le but d’extraire du bois.

Lorsque certains habitants ont refusé de vendre leurs terres, des travailleurs de l’entreprise, des gardes privés et des agents de police ont mis le feu à leurs maisons, ils ont détruit leurs cultures, leurs semences, leurs outils et l’équipement de leurs maisons, et ils ont jeté des gaz aux hommes, aux femmes et aux enfants.

La perte de leurs biens et les agressions physiques ont obligé quelques familles à quitter leurs terres, tandis que d’autres ont cédé leurs droits de possession à l’entreprise.

Après la destruction, l’entreprise a pris soin de semer de l’herbe sur les décombres pour faire disparaître les preuves. En une année, près de 35 maisons ont été brûlées.

Le climat de violence est devenu permanent. L’entreprise disposait d’un contingent armé (entre 10 et 50 personnes) pour dissuader, même par des menaces de mort, les habitants qui circulaient dans la zone.

Pourtant, la guerre pour la défense d’El Pambilar n’avait pas lieu sur place seulement, mais aussi dans les instances juridiques étatiques. Ainsi, plusieurs institutions gouvernementales se sont manifestées de diverses manières contre l’illégalité de l’adjudication en faveur de Botrosa et pour la conservation de la forêt.

En 2001, le Défenseur du Peuple adopte une décision où il déclare que l’adjudication en faveur de Botrosa est illégale et où il recommande que la forêt soit restituée à l’État. Dans des termes semblables se manifestent le Ministère de l’Environnement en 2000, le Congrès national en 2001, la Commission de contrôle civique de la corruption en 2001, le Tribunal constitutionnel en 2002, l’Inspection générale des Finances en 2003. Finalement, en 2008, le Tribunal constitutionnel laisse sans effet l’adjudication de 3 123 hectares de forêt humide tropicale et ordonne que cette étendue soit rendue à l’État. Pendant plus de DIX ANS, six institutions étatiques parmi les plus importantes ont statué en faveur de la conservation d’El Pambilar et de ses habitants mais l’entreprise, au moyen de subterfuges, de corruption et d’artifices a réussi à rester dans la forêt qu’elle s’était appropriée illégalement.

Il a fallu que la nouvelle Assemblée nationale intervienne directement pour que la décision du Tribunal constitutionnel soit appliquée et que, du moins sur le papier, l’Équateur puisse récupérer El Pambilar.

Entre-temps, José Antonio Aguilar et son épouse Yola Garófalo ont été assassinés le 24 février 2010. Quelques jours avant leur mort, une radio nationale avait transmis le témoignage de José Aguilar sur les agressions qu’il avait subies de la part de Botrosa pour l’obliger à vendre sa forêt.

Son meurtre est un précédent dangereux pour tous les défenseurs de la nature. Par la mort de ce couple, on chercherait à donner aux habitants de la zone le message qu’ils n’ont pas de défense, que le pouvoir économique et politique est intouchable et peut faire taire impunément tous ceux qui s’opposent à ses décisions. Si le bruit court qu’à Esmeraldas il est possible de s’emparer de terres et de forêts en tuant leurs propriétaires, dans cette province autrefois verte il ne restera plus de forêts ni d’habitants, rien que le désert et la désolation.

C’est pourquoi le classement d’El Pambilar comme forêt de protection nous laisse aux lèvres un goût aigre-doux. La tranquillité et la satisfaction viendront avec la justice, quand il y aura une enquête réelle pour découvrir les coupables, les instigateurs et les complices de ces crimes.

Il ne suffit pas que Botrosa ait quitté El Pambilar, il faut mettre en route un processus de justice sociale et environnementale pour réparer les dégâts et poursuivre les enquêtes recommandées dans son rapport par l’Inspection des finances dans le reste du Bloc 10 du Patrimoine forestier de l’État.

La famille Aguilar-Garófalo, sa communauté, ses compagnons, son pays, exigent que ce crime ne reste pas impuni. Nous exigeons que ceux qui, depuis plus de dix ans, se voient affectés par l’omission de l’État reçoivent réparation : que l’on reconnaisse les maisons brûlées, les cultures détruites, les familles détruites, la vie quotidienne sous la terreur de la violence, la justice partiale.

La déclaration de forêt de protection d’El Pambilar n’est guère qu’un demi-pas en avant. Le chemin est long et, pour notre bien, il est impératif de le parcourir.

Acción Ecológica, adresse électronique : info@accionecologica.org.