En février 2013, la Rainforest Foundation UK a lancé un nouveau rapport sur les effets déjà constatés, mais surtout sur les conséquences escomptées pour les forêts et pour la population locale des grandes plantations de palmier à huile dans le bassin du Congo. D’énormes projets auxquels participent des entreprises diverses et qui couvrent un demi-million d’hectares de plusieurs pays sont en cours d’exécution et aboutiront à quintupler ces plantations industrielles de la région.
Le rapport, intitulé Seeds of destruction (Les germes de la destruction), donne un aperçu des plans d’expansion des plantations de palmier à huile dans le bassin du Congo et présente en particulier les cas des entreprises huilières Herakles Farms, Olam et Atama Plantation.
Atama Plantations SARL, dont le principal propriétaire est la société malaise Wah Seong et qui se spécialise dans les « revêtements spéciaux de tuyaux », va faire des plantations de palmier à huile sur 180 000 ha grâce à un contrat de concession qui comprend 470 000 hectares de terres surtout boisées dans le nord du Congo. Tout semble indiquer que la zone à défricher est peuplée surtout de forêt tropicale intacte. Le défrichage a démarré sur une grande étendue de forêt, sans qu’il y ait trace d’évaluation environnementale ou sociale ni de consultation de la population pour obtenir son consentement préalable, libre et en connaissance de cause.
Olam, le géant singapourien des matières premières agricoles, a passé un accord avec le gouvernement du Gabon pour développer 130 000 hectares de palmier à huile dans ce pays riche en forêts ; ces plantations risquent d’avoir un impact considérable sur l’environnement et des conséquences sociales imprévisibles, en particulier pour les communautés forestières traditionnelles. La première étape du projet concerne Kango, dans la région de l’Estuaire, à environ 60 km de Libreville, et une autre zone à peine plus au sud, Mouila, qui a de grandes étendues de forêt de grande importance pour la conservation (voir aussi http://www.wrm.org.uy/bulletin/187/viewpoint.html#10).
L’entreprise new-yorkaise Herakles Farms, créée par la société d’investissement Herakles Capital, est en train de planter des palmiers à huile au Cameroun sur 60 000 hectares ; certaines plantations sont proches de plusieurs réserves de faune et de zones protégées importantes. Le développement, qui a reçu de généreux avantages fiscaux du gouvernement camerounais, a fait l’objet de controverses locales, nationales et internationales. Cette expansion s’est heurtée à une forte opposition ; des négociations secrètes entre l’entreprise et des fonctionnaires camerounais lorsque le contrat a été adjugé en 2009 ont été dénoncées, ainsi que la consultation tardive des communautés concernées, qui a été critiquée aussi pour avoir recouru à des cadeaux et à d’autres moyens d’incitation. Cette opposition vient de pousser Herakles à abandonner l’idée de faire certifier ces plantations par le système de la Table ronde pour l’huile de palme durable (RSPO). D’après les dernières nouvelles reçues par l’intermédiaire de Palm Watch Africa, l’avenir du projet semble compromis, puisque le ministère des Forêts et de la Faune du Cameroun MINFOF) a ordonné à la compagnie de cesser de préparer les terres proches de la pépinière de Talangaye, précisant que la reprise des activités « est soumise à une déclaration d’utilité publique pour la zone où tout votre projet est situé ».
Les gouvernements qui appliquent des politiques favorables aux plantations industrielles de palmier à huile se servent d’arguments tels que la création d’emplois et le développement du secteur agricole. Dans la réalité pourtant, il arrive trop souvent qu’après une relance initiale de l’emploi au moment de la préparation du site, on perde plus de revenus qu’on n’en gagne, à cause de la destruction et du déplacement de l’agriculture de subsistance et de l’agriculture à petite échelle. L’application de cette méthode pour le développement du secteur agricole comporte une déforestation très étendue, et toutes les conséquences qu’elle comporte pour la biodiversité forestière, la diversité culturelle, la diversité linguistique et le mode de vie des peuples des forêts.
Ce type de « développement » se caractérise toujours par une énorme asymétrie en matière de pouvoir politique : d’un côté, les grandes compagnies soutenues par le gouvernement ; de l’autre, les communautés dépendantes des forêts, qui manquent souvent de droits fonciers formels et d’influence politique.
Le rapport “Seeds of destruction” de la Rainforest Foundation est disponible à l’adressehttp://www.rainforestfoundationuk.org/files/Seeds%20of%20Destruction,%20February%202013.pdf