Lors d'un processus de participation publique par moments très discutable et suscitant souvent des réactions d'opposition fermes, le projet de loi des Aires protégées a été mis en délibération. L'opposition est généralisée quant à légaliser l'installation d'exploitants pétroliers et miniers dans des aires protégées telles que la Réserve de la Biosphère et le Territoire indigène Pilón Lajas, les Parcs Amboró et Madidi. Les organisations paysannes de Cochabamba ont exprimé que si les aires protégées sont là pour les sociétés pétrolières ou les exploitants forestiers, il vaudrait mieux qu'elles n'existaient pas.
Les sociétés pétrolières ont recours aux plus hautes sphères du gouvernement pour obtenir l'approbation de projets de prospection sismique, d'installation de conduites et de prospection pétrolière, à l'intérieur des aires protégées et des territoires indigènes, elles essaient de contourner au maximum le respect des exigences environnementales et sociales et ne respectent pas les plans d'aménagement ni la délimitation zonale. Et tout ceci, cumulé aux concessions minières accordées avec le soutien du pouvoir politique. D'après le Service national des aires protégées (Sernap), huit sociétés pétrolières ont obtenu 24 concessions leur permettant de prospecter et d'exploiter des hydrocarbures dans de nouvelles aires protégées de la Bolivie. Andina, Total, Chaco, Repsol, Maxus, Petrobras et Don Wong sont quelques-unes des entreprises qui se consacrent à ce genre d'activités dans des aires boliviennes de préservation.
Si le projet de loi en question est approuvé, plusieurs propositions d'utilisation durable de la biodiversité tomberaient à l'eau telles que la société d'écotourisme indigène Mapajos dans la Réserve et le Territoire indigène Pilón Lajas, les projets communautaires d'écotourisme du Parc Amboró (La Chonta, Mataracú, Villa Amboró) ainsi que d'autres dans la Réserve Eduardo Abaroa, dans le Parc Sajama et dans toutes les aires protégées de la Bolivie. D'après José Coello, du Sernap, les revenus provenant du tourisme dans les zones de préservation de la nature peuvent rapporter davantage que l'exploitation du pétrole. En Bolivie, l'activité touristique dans ces aires ne fait que commencer et elle rapporte déjà plus de quatre millions de dollars dans la seule région du Madidi.
Le projet de loi établit la réadequation et la recatégorisation de toutes les aires protégées en vue de leur homologation par la loi ce qui veut dire que les parcs nationaux visés par des intérêt pétroliers pourront être reclassifiés afin de permettre le développement de ces activités; ce serait le cas notamment des parcs Amboró et Madidi. Bien qu'une exception soit établie en ce qui concerne les zones noyau, les parcs et les sanctuaires, la protection ne concernerait que des petites îles de conservation, comme à Pilón Lajas, une des plus importantes aires protégées de la région andine et amazonienne de la Bolivie qui fait partie du couloir écologique Vilcabamba (Perou) – Amboró (Bolivie).
Il est clair que si le projet de loi venait à être approuvé, un des premiers effets serait l'approbation du projet de prospection sismique de la Petrobras qui est en attente au ministère de l'Environnement. Pour la réalisation de cette exploration sismique, des bandes rectilignes de 1,5 à 4 mètres de largeur sont tracées au travers des forêts, des fleuves, des cultures et des villages, la couverture végétale ou tout autre élément se trouvant à la surface sont enlevés afin de localiser des structures géologiques de stockage d'hydrocarbures en utilisant du matériel de détection. Par ailleurs, cela implique la construction de chemins, d'héliports, de campements, de zones d'entreposage de matériel et de machines, ce qui est à l'origine de la déforestation de vastes surfaces de forêts, du déversement de polluants dans les fleuves, l'air et de divers impacts sur la faune locale. Les habitants de ces territoires subissent l'invasion de travailleurs venant d'ailleurs et établis dans des campements qui bouleversent totalement la vie de la communauté.
La plupart des dispositions légales concernant les aires protégées interdisent expressément la réalisation de nouvelles activités d'exploitation d'hydrocarbures, d'exploitation minière ou du bois. Donc, même si les lois sectorielles sur les hydrocarbures et les exploitations minières ont établi que ces activités constituaient une priorité nationale, l'approbation des licences environnementales n'est pas assurée et a été fermement contestée par des organisations écologiques et sociales ainsi que par les communautés locales concernées. En 2001, le département de Santa Cruz, conjointement avec de nombreuses institutions nationales, a réussi à freiner l'approbation de la licence environnementale concernant la société pétrolière Andina (Amoco) qui prétendait rentrer dans le Parc Amboró où l'on trouve des projets d'écotourisme, des auberges, des projets de recherche et de formation, qui font de celui-ci une des aires de conservation les plus actives et importantes de Santa Cruz.
Le projet de loi en question, non seulement il légalise les activités pétrolières, minières et forestières au sein des aires protégées mais, de plus, il désigne les "usagers" de ces activités membres des Comités de gestion, en tant qu' "acteurs de la gestion des aires protégées", et oublie que ce sont précisément ces activités, ainsi que les sociétés qui les développent, les principales causes de la pollution et de la dégradation environnementale constatées dans les zones touchées par ces activités.
Un autre aspect fermement contesté du projet est la notion que ses auteurs ont de la biodiversité : une question de flore, de faune et de microorganismes. Ils ont oublié que les lois nationales en vigueur établissent que la biodiversité comprend un composant "intangible" qui fait référence aux connaissances collectives ou à la valeur culturelle associée. Ces mêmes lois reconnaissent la tutelle des communautés locales sur ce composant.
Article basé sur des informations obtenues dans : "Proyecto de ley de Areas Protegidas a la medida de las petroleras", 25 août 2003, communiqué de presse de Fobomade, adresse électronique : comunicacion@fobomade.org.uy ; "Las áreas protegidas afectadas por 24 concesiones petroleras", El Deber, 26 juin 2003, http://www.el-deber.net/20030626/nacional_6.html