L’Organisation internationale du travail (OIT) est une agence de l’ONU qui supervise les questions concernant le travail et qui formule des politiques et des programmes relatifs aux normes à appliquer pour la protection des travailleurs.
Cependant, le droit au travail comprend plus que le simple droit à avoir du travail. Ainsi, l’OIT a adopté aussi la notion de travail décent, suivant laquelle « Le travail est un facteur clé du bien-être économique des individus. Plus qu’une source de revenus, le travail contribue au progrès socio-économique et renforce les individus, leurs familles et leurs communautés. Ces progrès ne sont néanmoins possibles que si ce travail est décent. Le travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail. » [OIT, http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/decent-work-agenda/lang--fr/index.htm]
Pour beaucoup de communautés rurales, leurs terres traditionnelles et les connaissances associées sont la base matérielle de leur mode de vie, de leur culture et de leur identité. Si elles perdent leur terre, elles perdent leur droit au travail, qui est un des droits de l’homme.
La Commission indonésienne des droits de l’homme et Sawit Watch (le réseau indonésien d’ONG contre les plantations de palmier à huile) ont récemment publié un rapport sur le conflit entre le droit de gérer la terre que l’État confère aux entreprises (HGU) et les droits de l’homme (HAM). Ce rapport (« HGU et HAM, les droits d’utilisation de la terre et les droits de l’homme ») montre que le droit des entreprises de gérer les terres de l’État se substitue aux droits de l’homme, ceux-ci étant souvent moins pris en compte et même ignorés par l’État.
Ce qui suit est un extrait de certaines parties du rapport, que nous avons éditées pour présenter, de façon résumée, les effets négatifs des plantations industrielles de palmier à huile sur le droit des communautés locales de travailler dans leurs terres.
Les plantations de palmier à huile de l’Indonésie couvrent une superficie totale de 9,1 millions d’hectares, et 40 % d’entre elles sont des plantations à grande échelle. La production industrielle est contrôlée par 27 grands groupes qui possèdent 6 000 filiales dans 19 provinces, mais les entreprises d’État, comme la PTPN, fonctionnent en appliquant le même système à grande échelle. En encore, le type de plantation développé dans les terres communautaires est appelé plantation plasma ; il s’agit de plantations contrôlées par une entreprise mère. Ainsi, la plupart de la surface est occupée par des plantations à grande échelle.
Le palmier à huile n’est pas un produit nouveau en Indonésie. La plantation de palmiers à grande échelle à des fins commerciales commença en 1911 à Deli Serdang, dans le nord de Sumatra. Après l’indépendance, en 1948, cette activité se heurta à quelques inconvénients, lorsque le président Sukarno adopta la politique de nationaliser les entreprises néerlandaises et d’autres compagnies étrangères. Néanmoins, l’industrie redevint florissante à la fin des années 1980, lorsque le président Suharto encouragea la réalisation de davantage de grandes plantations.
À présent, plusieurs mesures adoptées et appliquées par le gouvernement indonésien ont accru le taux d’expansion de ces plantations comme, par exemple, l’accord passé avec le secteur des affaires pour affecter trois millions d’hectares à la plantation de palmiers spécialement destinés à la production de biodiesel. Le gouvernement a offert aussi des incitations, sous la forme d’équipements et de fonds, pour revitaliser les plantations, et il a distribué des terres domaniales à la population défavorisée pour qu’elle puisse contribuer à satisfaire les besoins de l’industrie du palmier à huile.
Rapportant le plan gouvernemental annoncé par le président, certains médias ont dit qu’une superficie totale de 1,8 millions d’hectares, située le long de la frontière, sera mise à disposition pour y développer la plantation de palmier à huile la plus grande du monde. Les renseignements réunis par Sawit Watch indiquent que presque toutes les provinces prévoient de consacrer 19,8 millions d’hectares à la plantation de palmier à huile.
Cette forte poussée de l’industrie du palmier à huile entre en conflit avec les droits coutumiers sur les terres communales.
Dans le district de Sanggau, province de Kalimantan occidental, les plantations ont été établies dans les subdivisions de Kembayan et de Parindu. La superficie totale de Parindu – habitée à l’origine par deux groupes ethniques : les Malay et les Dayak – est d’environ 59 390 ha, dont la plupart sont affectés au palmier à huile suivant le modèle de plantation plasma.
Les Dayak Parindu possèdent un système de propriété collective de la terre soumis aux lois coutumières. La terre est héritée, mais elle est cultivée par chaque famille ou individu comme si elle était de propriété collective ou communale. Traditionnellement, la population de Parindu a pratiqué l’agriculture itinérante, mais cette méthode a presque disparu par suite de l’expansion des plantations de palmier à huile qui se sont répandues sur les terres et les forêts communales.
Une des entreprises de palmier à huile est la PT.perkebunan Nusantara XIII (Persero), ou PTPN XIII pour faire plus court. Il s’agit d’une entreprise d’État qui opère à Sanggau depuis 1984. Elle s’occupe d’agro-industrie et ses principaux produits sont le palmier à huile et l’hévéa.
La PTPN XIII a envahi le « tembawang » des Dayak Parindu, c’est-à-dire la zone communale où la population travaillait la terre suivant la coutume et qui avait assuré sa subsistance en produisant des plantes utiles de toutes sortes. Or, dès qu’une plantation de palmier à huile est établie, les plans et les priorités de la population s’écroulent en un instant.
Pendant presque 20 ans, la PTPN a fonctionné dans cette région sans le contrat de concession exigé à toute entreprise qui souhaite cultiver dans un but commercial des terres appartenant à l’État ; ces concessions sont dénommées Droits d’utilisation de la terre (HGU) et ont une durée maximale de 25-35 ans.
Au début, la compagnie ne faisait pas participer la communauté et la demande de main d’oeuvre était couverte avec des migrants de Java. Comme cela avait donné lieu à des réclamations de la part de la population locale, en 1997 la compagnie commença à appliquer le « programme plasma » (Pir-Bun), suivant lequel la communauté donna formellement 7,5 ha de sa terre et reçut en échange 2 ha plantés de palmier à huile. Par la suite, la communauté devrait rembourser les crédits à la banque.
L’enquête menée dans la communauté coutumière de Sanggau, Kalimantan occidental, montra que les gens avaient été entraînés à participer dans ce programme en leur promettant que leur bien-être en serait accru. Pourtant, des membres de la communauté Dayak Parindu manifestèrent qu’ils comprenaient maintenant qu’ils avaient été trompés par la PTPN XIII, et qu’ils n’avaient jamais connu la prospérité promise par l’entreprise. En fait, le résultat est que la communauté a perdu la plupart de ses terres.
Lorsque des dizaines d’hectares de terres communautaires coutumières du Kalimantan occidental furent cédées au gouvernement pour qu’il les loue à bail aux entreprises de plantation, ces terres devinrent légalement propriété de l’État. La conséquence en est que la communauté coutumière n’a plus de droits ni d’autorité sur elles, même une fois terminée la période de location.
L’acquisition de terres communautaires en faveur des entreprises de plantation souleva des protestations qui, dans la province de Sumatra occidental, se manifestèrent par l’occupation et la reprise de terres. Ainsi, la récupération est devenue une forme de mouvement social en réponse à la tentative de divers groupes dominants, économiques et politiques, de priver les communautés locales de leur droit à travailler et à vivre dans leur terre ancestrale.
Article fondé sur “HGU & HAM Land Use Rights and Human Rights”, Commission nationale pour les droits de l’homme et Sawit Watch, 2011, http://wrm.org.uy/plantations/LandUseRight_HumanRight_SW.pdf.