La criminalisation des manifestations d’opposition des communautés se répand dans le monde entier. L’Observatoire des conflits miniers d’Amérique latine (OCMAL), organisation qui regroupe plusieurs organisations sociales, a publié cette déclaration qui dénonce l’existence de processus violents dans la région.
« L’Observatoire des conflits miniers d’Amérique latine – OCMAL, réuni pour sa 5e rencontre dans la ville péruvienne de Lima, condamne catégoriquement la série de meurtres qui ont eu lieu ces dernières semaines dans notre Amérique, à laquelle s’est ajoutée hier une nouvelle victime en Équateur. Notre camarade Fredi Ramiro Taish Tiwiram, de la communauté indigène Shuar, a été assassiné au cours d’une opération confuse de l’armée équatorienne contre l’extraction minière soi-disant illégale. Il convient de signaler que le peuple Shuar est doublement attaqué en ce moment, par la présence de l’industrie minière transnationale et par l’extraction à petite échelle qui a lieu dans la région. Ce nouveau crime s’ajoute à celui qui a récemment eu lieu en Colombie, où a été fauchée la vie de César García, un paysan de Cajamarca, membre du Comité environnemental et leader reconnu de l’opposition au projet minier La Colosa de la transnationale Anglo Gold Ashanti. Ces meurtres nous rappellent d’autres qui ont été commis en Bolivie, celui de José Mamani et celui qui a eu lieu à Malku Qota, ainsi que les huit personnes blessées de balle l’année dernière dans le même pays ; ils nous rappellent la répression, la criminalisation et les morts qu’il y a eu au Pérou à cause de l’opposition au projet minier Conga de l’entreprise Yanacocha et au projet de l’entreprise Glencore Xstrata dans la province d’Espinar, parmi bien d’autres cas.
Pour l’OCMAL, ces meurtres ne peuvent pas être considérés comme indépendants de l’imposition du modèle d’extraction minière dans la région. Au contraire, ils font partie d’une situation de conflit provoquée par l’irruption de grandes entreprises qui se disputent le territoire et qui déploient des stratégies de dépouillement communautaire. Si ces agents extérieurs n’étaient pas venus avec leurs projets, les épouses, les enfants, les familles et les communautés de nos camarades profiteraient sans doute encore de leur compagnie, de leurs enseignements et de leurs sourires.
Nous manifestons notre profonde inquiétude et notre indignation face à la criminalisation croissante des défenseurs de la nature de la région, une stratégie utilisée par les entreprises et par les gouvernements latino-américains, y compris par ceux qui se qualifient eux-mêmes de progressistes ou d’alternatifs. Ces stratégies comprennent la stigmatisation, les menaces individuelles et collectives, les poursuites en justice, la répression et la militarisation des territoires, et elles aboutissent même à des assassinats, comme le montrent les morts récentes que nous avons mentionnées et celles qui ont toujours eu lieu dans nos pays. Au bout du compte, la criminalisation prétend aujourd’hui annuler dans notre région la possibilité d’être indépendants, d’exercer librement le droit de s’opposer et de dénoncer la destruction, et la possibilité d’avoir des rapports harmonieux avec la nature.
Nous invitons les peuples frères et leurs organisations nationales et internationales à entourer avec la solidarité qui les caractérise les familles et les communautés qui sont en deuil aujourd’hui à cause de la disparition physique de nos camarades. La solidarité qui manifeste la tendresse de nos peuples nous rappellera toujours que la mort apportée par le modèle extractif ne pourra pas étouffer la lutte ni éteindre la joie des hommes et des femmes libres, dignes et solidaires.
Nous exigeons aux institutions compétentes des pays où les crimes mentionnés ont été commis qu’elles agissent avec célérité pour éclaircir les mobiles et pour identifier et capturer les auteurs intellectuels et matériels des attaques. Nous exigeons que soient respectés les régimes constitutionnels et les traités internationaux pour garantir le droit à un environnement sain, condition nécessaire pour protéger le droit à la vie. Nous exigeons aussi que soient revus les cadres réglementaires et les législations qui favorisent l’impunité des crimes économiques et écologiques commis par les entreprises et les transnationales, comme c’est le cas, entre autres, de la loi minière à l’étude en Bolivie et de la loi sur la préservation de l’ordre public du Chili, qui, en plus d’être insensées, augmentent la répression sociale.
Nous demandons respectueusement aux organismes internationaux des droits de l’homme de soutenir à titre préventif les communautés que les conflits socio-écologiques que le modèle extractif a implantés et exacerbés mettent en situation de grave danger.
Nous leur demandons aussi de se prononcer et d’agir contre l’inexistence dans nos pays de garanties pour l’exercice du droit légitime à la contestation pacifique et à l’organisation de la société pour la défense du territoire.
Parce que nous célébrons la vie, l’industrie minière n’aura pas le dessus dans notre Amérique. »
Source : Déclaration de la 5e rencontre de l’Observatoire des conflits miniers d’Amérique latine – OCMAL, http://www.conflictosmineros.net/noticias/comunicados-ocmal/15723-declaracion-v-
encuentro-del-observatorio-de-conflictos-mineros-de-america-latina-ocmal.