Situé le long de la côte du kabupaten (départment) de Bulungan, dans la partie méridionale de la province du Kalimantan du Nord, le parc industriel indonésien de Kalimantan (« KIPI ») a été présenté par le président indonésien Jokowi comme « la plus grande zone industrielle verte du monde » . (1) Les travaux de construction ont été officiellement lancés en décembre 2021.
Le gouvernement affirme que le projet KIPI fera une utilisation des ressources efficiente et efficace, qu'il assurera la promotion de produits et technologies tels que les batteries de véhicules électriques (VE) et les panneaux solaires pour l'économie dite « verte » et « bas carbone », et que son empreinte carbone sera nettement inférieure à celle des parcs industriels « ordinaires », car KIPI s'appuiera sur des énergies « renouvelables ».
Les préparatifs liés à KIPI ont commencé en 2015, lorsque le gouvernement provincial du Kalimantan du Nord a proposé au gouvernement central de créer une zone économique spéciale dans la région, dotée d'un port international. Le gouvernement central a validé le projet en 2016, tout en déclarant KIPI « projet stratégique national » en 2017.
L'investissement total attendu est estimé à 132 milliards USD. Des entreprises chinoises ont déjà investi des sommes importantes dans le projet (2), ce qui permet aux travaux de construction en cours de progresser à grande vitesse.
Décryptage du projet KIPI : rien d'autre que des mensonges
Cependant, le projet KIPI vient en fait contredire la propagande « vertes » du gouvernement. Tout d'abord, il consiste en un accaparement massif de 9 866 hectares de terres, et ceci rien que pour sa phase initiale de mise en œuvre. (3) Il se traduit par l'expulsion d'au moins 5 000 personnes, des habitants des communautés de Tanah Kuning et Mangkupadi, cette dernière incluant Kampung Baru, un petit village situé à la limite sud du projet. En outre, pour les infrastructures portuaires et les activités offshore connexes, le projet KIPI s’accompagnera de l’accaparement de 175 854 hectares supplémentaires du litoral, ce qui représente une diminution par un facteur cinq de l'espace de vie maritime des communautés. Globalement, le projet KIPI entraînera des destructions majeures des moyens de subsistance dynamiques et diversifiés de ces communautés fortement liées à la terre et à la mer, aux mangroves, aux champs agricoles et aux forêts.
En outre, les activités industrielles prévues sur le site jusqu'à présent (4), qui prétendent être « efficaces » dans l'utilisation des ressources, s'accapareront, dans les faits, selon l'Évaluation de l'impact environnemental. 39 450 560 m3 d'eau par an, en particulier dans les rivières Pindada et Mangkupadi. Cela équivaut à 1,5 fois la consommation annuelle d'eau des 700 000 habitants de la province du Kalimantan du Nord. En contrepartie, 248 440 m3 d'eaux usées seront déversés toutes les quatre heures, prétendument après « traitement », dans les rivières locales et la mer, qui constituent les artères qui irriguent le mode de vie et les moyens de subsistance des communautés.
La consommation d'électricité des activités prévues jusqu'à présent est estimée à 11 404 GWh par an. Pour donner un ordre de grandeur, Tanjuung Selor, la capitale du Kalimantan du Nord, ne consomme que 14,3 MWh en période de pointe, soit même pas 1 % de la demande énergétique du parc KIPI. (5) La promesse d'une « énergie renouvelable » se traduira en réalité par une centrale électrique au charbon de 5 GW, dont la construction est prévue dans le kabupaten (départment)de Bulungan. Si cette centrale à charbon pourrait être mise en service en deux ans, la construction de l'installation d'« énergie renouvelable » hydroélectrique prendrait quant à elle beaucoup plus longtemps (voir plus bas dans cet article).
La demande en charbon de KIPI équivaut au niveau de production autorisé pour 37 des plus grandes installations d'extraction de charbon du Kalimantan du Nord. Cet exemple vient une fois de plus démontrer que le discours sur les « énergies renouvelables » des projets « verts » à grande échelle repose en fait largement sur les combustibles fossiles. En outre, l'utilisation de l'énergie du charbon vise à satisfaire des intérêts particuliers dans une région où le charbon est disponible en abondance.
La construction de ce parc industriel « vert », qui consommera encore plus de combustibles fossiles (6), n'a pas empêché l'Indonésie de recevoir 610 millions USD de prêts du Partenariat pour la transition énergétique (JETP) et du Mécanisme de transition énergétique de la Banque asiatique de développement. Ces prêts soutiennent la politique indonésienne censée mettre fin à la construction de nouvelles centrales électriques au charbon. Astucieusement, le gouvernement autorise par décret présidentiel (n° 112/2022) la construction d'un plus grand nombre de centrales électriques au charbon dans le cas où elles sont destinées à alimenter des zones industrielles comme le parc KIPI.
L'accaparement des terres s'accompagne de conflits d'intérêts, de pratiques illégales, d'irrégularités et de criminalisation
Les élites économiques et les fonctionnaires se sont apparemment associés et organisés, non seulement pour s'approprier les terres nécessaires à KIPI, mais aussi et surtout pour tirer le plus grand profit financier possible du projet. Il est urgent et nécessaire de mener une enquête beaucoup plus approfondie sur les pratiques illégales et les irrégularités, notamment les forts soupçons de corruption.
Un premier groupe important d'irrégularités concerne le processus de révision du plan d'aménagement du territoire dans le kabupaten de Bulungan. Tout a commencé lorsque les autorités provinciales ont injecté des fonds dans le gouvernement du kabupaten de Bulungan pour qu'il révise son document et sa politique d'aménagement du territoire. Cela s'est fait rapidement, en pleine pandémie de Covid-19 et sans aucun débat public. Un nouveau plan d'aménagement du territoire 2021-2040 a été créé, imposant une nouvelle zone industrielle de 16 400 hectares pour accueillir le projet KIPI. Une autre révision du plan est prévue pour garantir la concrétisation de la projection annoncée par le président Jokowi lorsqu'il a lancé KIPI en 2021 : ce dernier pourrait atteindre 30 000 hectares. En 2021, KIPI a déjà été déclaré « Projet stratégique national » (PSN), lui offrant ainsi un « permis » pour des pratiques illégales, commettre des irrégularités et des violences contre les personnes et la nature, telles que les expulsions forcées, en tandem avec la très contestée loi Omnibus. (7)
Garibaldi Thohir, officieusement appelé Boy, est un personnage clé parmi les élites économiques indonésiennes impliquées dans KIPI. Le président Jokowi a nommé Boy président du consortium des trois entreprises qui gèrent les travaux de construction de KIPI : PT Kalimantan Industrial Park Indonesia (PT KIPI), PT Indonesia Strategic Industry (8) et PT Kayan Patria Propertindo. (9) Boy est le frère aîné d'Erwin Thohir, ministre des Entreprises publiques du gouvernement de Jokowi. En outre, Boy est également l'un des propriétaires de PT Adaro Minerals Indonesia, la société qui sera chargée de la gestion de PT KIPI et détient une participation dans l'une des principales activités de KIPI : la fonderie d'aluminium PT Kalimantan Aluminum Industry. Et Boy dispose de bien d'autres relations. (10)
Par l'intermédiaire de la société malaisienne TSH Logistics, Boy est également l'un des propriétaires de la société de plantations de palmiers à huile PT Bulungan Citra Agro Persada (BCAP), qui détient une concession de 9 500 hectares dans le kabupaten de Bulungan, qui se trouve à 100 % dans la zone d'implantation prévue de KIPI. Sur la base de documents présentés à JATAM et au WRM, les communautés accusent PT KIPI et PT BCAP non seulement de définir unilatéralement le prix des terres, mais aussi d'offrir d'acheter les terres des gens en utilisant la catégorie de concession destinée aux plantations de palmiers à huile appelée HGU - Hak Guna Usaha. La catégorie qui devrait s'appliquer aux terres utilisées pour une zone industrielle est la catégorie de concession HGB - Hak Guna Banguan, pour laquelle les prix des terres sont beaucoup plus élevés.
Les villageois dénoncent le fait qu'une fois que Boy et d'autres élites commerciales et étatiques s'approprient les terres, ils changent la catégorie de HGU en HGB et revendent ensuite les terres à un prix beaucoup plus élevé au consortium KIPI. En outre, les villageois ont également révélé à JATAM et au WRM comment les entreprises augmentent illégalement la taille des terres. Pendant ce temps, les autorités locales sont de connivence. (11)
Les communautés résistent : « Ce que nous respirons, ce n'est plus l'odeur du poisson en train de sécher, mais celle de la poussière des gros véhicules. »
Samsu, un chef de communauté du village de Kampung Baru, refuse l'arpentage des terres. Pour lui, c'est là que commence l'accaparement des terres et donc l'expulsion. Il rejette le plan de « relocalisation » proposé par les entreprises : « (...) où serons-nous déplacés ? Est-ce équivalent en termes de superficie du terrain et d’emplacement aux terres de Kampung Baru que nous occupions auparavant ? Depuis 2021, date à laquelle il est devenu porte-parole de la lutte contre l'expulsion de Kampung Baru, il continue de souffrir de la criminalisation et a été dénoncé à trois reprises à différents services de police.
M. Aris, un autre villageois, a été dénoncé à la police et arrêté après avoir filmé sur son téléphone portable la manière dont PT KIPI a envahi ses terres avec des véhicules lourds et des bulldozers le 16 décembre 2022. Son fils Imran affirme : « Nous avons des droits sur la terre » et PT KIPI « veut faire peur aux communautés », ajoutant que son père a été traité comme un criminel terroriste, simplement pour avoir défendu le territoire de la communauté.
De nombreuses autres tactiques sont utilisées pour contraindre et diviser les communautés, telles que la manipulation des documents d'acquisition des terres, l'obligation pour les résidents de signer des procès-verbaux sans informations claires, le recrutement de lobbyistes pour persuader les autres habitants de céder des terres et les aider à les mesurer, l'utilisation du terme « compensation » pour endormir les gens afin qu'ils cèdent leurs terres, etc.
En outre, le gouvernement a stoppé tous les nouveaux investissements dans l'école primaire de Kampung Baru. Les villageois expliquent que si de nouveaux élèves entrent dans l'école, ils devront apporter leurs propres chaises. En pratique, le gouvernement est déjà en train de rayer Kampung Baru de la carte.
Même si le prix du terrain est plus élevé, le projet KIPI n'est prêt à payer que pour les petites zones où sont situées les maisons des habitants. Cela signifie que si les gens vendent, ils perdent également la mer, les mangroves, les rivières, les champs agricoles, les forêts, l'histoire, les souvenirs et tout ce qui fait partie de leur territoire, de leur culture et de leur identité, et qui attire également de nombreux touristes. Une trame de vie vulnérable et délicate dont dépendent les moyens de subsistance des habitants de Tanah Kuning, Mangkupadi, y compris Kampung Baru.
Aujourd'hui, les villageois sont déjà confrontés à des restrictions et à des impacts dus aux travaux de construction de KIPI et sont très inquiets pour leur avenir. La communauté de Tanjung, par exemple, est déjà confrontée à de graves difficultés pour satisfaire ses besoins en eau. Elle achète de l'eau pendant les longues périodes de sécheresse, qui peuvent durer des mois. Les habitants craignent que leur situation n'empire avec l'augmentation de la pollution de l'air et de l'eau liée au projet KIPI.
Les frontières sociales et écologiques du territoire des habitants de Tanah Kuning et de Mangkupadi entourent à la fois la terre et la mer, un « territoire de vie » interconnecté. Bien que la plupart des habitants soient des pêcheurs, ils dépendent aussi fortement de la forêt pour maintenir leurs pêcheries en mer. Le bois est essentiel à la construction de leurs bateaux et des quelque 200 « bagans », petites structures en bois construites dans la mer devant la côte.
Kesi, une pêcheuse de Kampung Baru, s'inquiète de l'avenir : « Si nous sommes expulsés, où allons-nous vivre ? Nous voulons rester ici, rester dans notre village. De plus, mon mari n'a plus le droit d'aller dans la forêt pour ramasser du bois de bagan. Nous n'avons donc plus le droit de construire de bagan, car le bagan doit se faire avec du bois massif. S'il n'y a pas de pêcheurs et de bagans, comment allons-nous travailler ? Pour ce qui est de la fabrication du poisson salé, je ne peux le faire que lorsque mon mari revient du bagan ».
Les femmes font la découpe et transforment le poisson de mer en poisson salé. Wiwi, une pêcheuse de Kampung Baru, déclare : « Il n'y a plus d'odeur de poisson salé ou d'anchois. Autrefois, lorsque nous marchions de Kampung Baru à Pindada [une autre communauté de la région], le paysage était vert. Maintenant que tout le monde a été expulsé par les activités industrielle, ce n'est plus l'odeur du poisson séché que nous respirons, mais celle de la poussière des gros véhicules. »
Bien que la vie des femmes dépende fortement de la pêche et que les femmes jouent un rôle fondamental dans l'économie locale, elles ont été exclues des soi-disant consultations avec les communautés au sujet de l'installation de KIPI, ce qui montre que le « capitalisme vert » a besoin du patriarcat pour exister.
Le transport maritime du charbon s'est intensifié depuis 2015 environ et a envahi leurs zones de pêche. Avec toute la consommation de charbon prévue pour KIPI, les impacts vont s'aggraver. Erni est un pêcheur de Tanah Kuning qui travaille avec quatre autres pêcheurs : « Il y a déjà un impact sur les pêcheurs, nos revenus ont diminué. C’est peut-être parce que le charbon tombe dans la mer qu’il y a moins de poissons » (...) « (...), certains [pêcheurs] sont allés travailler pour l'entreprise ». Ce dernier exemple illustre une autre tactique utilisée par les promoteurs de KIPI pour briser la résistance des populations : employer des villageois dans des conditions de travail oppressives.
L'extraction du charbon dans le Kalimantan du Sud a incité Amiruddin, il y a plusieurs années, à déménager à Tanah Kuning pour travailler dans la construction navale. Il l'a fait parce que le bois dur de meranti et de meranti rouge, utilisé pour construire des navires, était devenu rare dans le Kalimantan du Sud, en raison de l'empiètement de l'extraction du charbon sur la forêt. Selon lui, avec l’avancement de KIPI, le bois de Tanah Kuning et des forêts environnantes sera également difficile à trouver : « Oui, je pense que d'ici trois ans, la quantité de bois diminuera. Aujourd'hui déjà, elle diminue. » L'activité d'Amiruddin est en baisse car le prix du bois de meranti a fortement augmenté. Et de moins en moins de pêcheurs iront en mer à mesure que la pollution marine aura un impact sur leurs pêcheries.
REDD, barrages hydroélectriques et chaos climatique : le rôle des ONG de conservation
Le projet KIPI est soutenu non seulement par les élites économiques, mais aussi par de grandes entreprises de conservation de la nature telles que le WWF et la filiale indonésienne de The Nature Conservancy (TNC) : Yayasan Konservasi Alam Nusantara (YKAN).
Ces ONG devraient en réalité être considérées comme des entreprises, car leurs intérêts sont étroitement liés à ceux du capital financier. (12) À leur tour, les intérêts du capital financier sont étroitement liés aux industries extractives par le biais de projets tels que KIPI. Les entreprises de conservation, tout comme les industries extractives et les gouvernements, soutiennent REDD+ (13), qui est un mécanisme de compensation permettant aux industries extractives de poursuivre leurs activités comme si de rien n'était et d’augmenter ainsi leurs bénéfices.
Les entreprises de conservation de la nature ont également contribué à la création du plan 30X30, discuté lors de négociations internationales : il s'agit d'un plan visant à « protéger » 30 % de la surface de la planète d'ici 2030. Ce plan repose toutefois sur des principes dits de « conservation forteresse » qui excluent et marginalisent ceux qui ont gardé et coexisté avec ces territoires pendant des générations. L'intérêt réside dans l'accès et l'appropriation d’immenses superficies de terres pour la compensation des émissions de carbone et de la biodiversité, entre autres.
Étant donné que le Kalimantan du Nord présente plus de 80 % de couverture forestière, le WWF et TNC/YKAN se sont impliqués. Le gouvernement provincial a fait part de son intérêt pour la mise en œuvre d'un programme REDD juridictionnel en décidant de participer au « Governor's Climate and Forests (GCF) Task Force », le Groupe de travail du gouverneur sur le climat et les forêts. (14) TNC/YKAN et le gouvernement provincial ont signé un accord en 2021. La directrice exécutive de TNC/YKAN, Herlina Hartanto explique : « Nous sommes honorés de la confiance que nous accorde le gouvernement provincial en travaillant avec nous à la réalisation de la grande vision du Kalimantan du Nord, dans laquelle le développement va de pair avec la conservation de la nature. » (15)
Pour TNC/YKAN, KIPI va de pair avec les barrages hydroélectriques, appelés PLTA en Indonésie, que l'organisation considère comme une « énergie renouvelable » et un volet essentiel de ce développement « vert ». Le WWF et TNC/YKAN soutiennent (16) la construction de la PLTA Kayan, une centrale hydroélectrique de 9 000 MW qui sera achevée en 2030, et de la PLTA Mentarang, d'une capacité totale de 1 375 MW.
La PLTA Kayan aura un impact sur une zone de 184 270 hectares et entraînera la submersion de 6 communautés, y compris des sites anciens et des tombes sacrées. Outre KIPI, les centrales PLTA Kayan et PLTA Mentarang alimenteront également en électricité IKN, la nouvelle capitale de l'Indonésie (IKN), qui a entraîné de lourdes destructions et un processus d'expulsion en cours du peuple Batik (17).
En plus de la destruction et la déforestation occasionnées au niveau local par la construction de ces projets d'infrastructure de barrages hydroélectriques, ces derniers sont également très destructeurs pour le climat. Philip Fearnside, un chercheur qui étudie les impacts des barrages hydroélectriques en Amazonie brésilienne, explique (18) que ces barrages « émettent à la fois du dioxyde de carbone et du méthane, et que ces émissions sont beaucoup plus importantes au cours des premières années qui suivent le remplissage d'un réservoir, ce qui les rend particulièrement néfastes pour le réchauffement de la planète ».
Réflexions finales
Le président Jokowi voit dans KIPI un exemple pour le monde entier : « C'est l'avenir de l'Indonésie. L'avenir de l'Indonésie est ici. Si nous parvenons à développer ce parc industriel correctement, toutes les entreprises liées aux produits « verts » se tourneront certainement vers cette région. » (19)
Mais le véritable exemple offert par KIPI, c'est la dure réalité du terrain à laquelle sont confrontés les femmes et les hommes de Tanah Kuning, Mangkupadi et Kampung Baru qui résistent et défendent leurs corps, leurs vies et leurs espaces de vie. Ils subissent directement la destruction, la déforestation, l'intimidation et la violence qui se cachent derrière l'image des voitures électriques et autres « produits verts ».
L'expérience du projet KIPI révèle également que la création de zones protégées et la restriction de l'accès aux populations dépendantes des forêts constituent un autre aspect essentiel du mensonge « vert ». On cherche à nous faire croire que ce sont ces populations, et non les industries, qui sont responsables de la déforestation. Tout en envoyant un message aux investisseurs selon lequel les forêts du Kalimantan du Nord seront protégées, on dissimule la destruction en cours à Tanah Kuning, Mangkupadi et Kampung Baru. Les territoires et les forêts des populations locales seront ouverts et détruits pour la construction de barrages hydroélectriques, l'extraction des 7 millions de tonnes de calcaire nécessaires à KIPI, des projets de compensation et tout ce dont KIPI a besoin : pétrole, charbon, électricité, eau, minéraux liés aux batteries, minerai de fer, bauxite, etc.
Le projet KIPI nous montre que, par essence, le « développement vert » ne vise qu'à créer une nouvelle opportunité pour les oligarchies, pour les intérêts politiques et commerciaux de faire des profits. Le message urgent que les communautés de Tanah Kuning, Mangkupadi et Kampung Baru nous transmettent est que le projet KIPI doit être stoppé de toute urgence.
JATAM Kalimantan oriental et le WRM
Cet article est principalement basé sur le rapport « Green Lie: portrait of the Threat of Destruction, Oligarchy and People's well-being on the Site of the Green Industrial Estate Project in North Kalimantan ´Kebohongan Hijau: Potret Ancaman Daya Rusak, Oligarki dan Keselamatan Rakyat Pada Tapak Proyek Kawasan Industri Hijau di Kalimantan Utara » publié en septembre 2023, et produit par Jaringan Advokasi Tambang (JATAM) Kalimantan oriental et le NUGAL Institute for Social and Ecological Studies, ainsi que les informations obtenues lors d'une visite aux communautés de la région en octobre 2023.
(1) Kalimantan Industrial Park Can Be World’s Largest Green Industrial Area, President Jokowi Says, February 2023.
(2) CELIOS, Green Industrial Area Infected by Coal Power Plant: Economic Impacts, Conflicts of Interest, and Environmental Threats, 2023.
(3) Les travaux de construction déjà en cours ont été autorisés en 2021 par le gouvernement provincial après la réalisation d'un rapport d'impact environnemental (AMDAL). Avec un addendum inclus en 2022, l'AMDAL définit une zone totale de 9 866 hectares, comprenant Tanah Kuning, Mangkupadi et Kampung Baru, devant être aménagée pour la première phase de mise en œuvre du projet.
(4) Selon l'AMDAL, cette zone comprendrait une installation pétrochimique, une fonderie d'aluminium pour la transformation de bauxite en oxyde d'aluminium et autres sous-produits destinés aux avions et aux voitures, ainsi qu'en minerai de cuivre et de nickel pour les batteries des véhicules électriques, une installation sidérurgique destinée à la production de véhicules électriques, d'armements et d'infrastructures, et une installation de production de silicium polycristallin destiné aux panneaux solaires.
(5) Konrankaltara, PLN Tanjung Selor Surplus Daya 5,7MW
(6) En plus de son électricité d'origine fossile, KIPI consommera et brûlera encore plus de combustibles fossiles : l'industrie pétrochimique a prévu une demande annuelle de 490 millions de tonnes de différents types de pétrole fossile, et 9,9 millions de tonnes de charbon. L’activité sidérurgique, elle aussi, aura besoin de 14,9 millions de tonnes de charbon par an.
(7) Art. 121 de la Loi Omnibus (Loi sur la création d'emplois), concernant les amendements à l'article 10 de la loi n° 12 de 2012 relative à l'acquisition de terres pour l’aménagement, dans laquelle le domaine couvert par le l’aménagement pour l'intérêt public a été élargi par l'ajout de parcs industriels, de zones économiques spéciales, de zones touristiques, de zones industrielles pétrolières et gazières, et autres. Avec ces ajouts, le développement des PSN, en particulier les projets basés sur les zones ou les parcs industriels, par exemple, les parcs industriels verts, sera intensifié: https://peraturan.bpk.go.id/Details/149750/uu-no-11-tahun-2020
(8) PT ISI est une société active dans le secteur de l'énergie et chargée de l'approvisionnement énergétique de KIPI. Son propriétaire, Tjandra Limanjaya, a été impliqué dans une affaire de falsification et de blanchiment d'argent dans le cadre du projet Celukan Bawang PLTU. Limanjaya est lié à des hommes politiques et est propriétaire de PT Kayan Hydro Energi (KHE), la société chargée de la construction du barrage hydroélectrique.
(9) PT KPP, par l'intermédiaire d'une filiale liée à l'un des plus grands oligarques et politiciens locaux du Kalimantan du Nord, Lauw Juanda Lesmana, impliqué, entre autres, dans l'exploitation de mines de charbon. Il détient une participation dans PT Kayan Hydropower Nusantara, avec une société malaisienne, Sarawak Energy. PT KHN a un projet de barrage sur la rivière Mentawa. Cette société est en concurrence avec l'autre projet de barrage hydroélectrique sur la rivière Kayan qui vise à fournir de l'énergie à KIPI.
(10) Trois autres hommes d'affaires, Wito Krisnahadi, Christian Ariano Rachmat et Djoko Pangarso Budi Santoso, sont indirectement liés à Boy en tant que commissaire et directeur de KIPI et de PT Adaro. L'un des propriétaires de PT Adaro est Cita Mineral Investindo, une société de production de bauxite appartenant à la 20e personne la plus riche d'Indonésie. L'entreprise est à l'origine de la destruction de moyens de subsistance à Obi, dans les Moluques du Nord, et à Wawoni, dans le Sulawesi du Sud-Est.
(11) Au contraire, le gouvernement local a réduit la « valeur de vente de l'objet » (NJOP) des terres. Alors qu'en 2020, la NJOP dans la zone de KIPI était encore de 56 000 roupies par mètre carré, ce montant a soudainement chuté de manière drastique pour atteindre 6 000 roupies par mètre carré en 2022.
(12) African Arguments, Revealed: Big conservation NGOs are majority governed by finance figures, August 2023.
(13) World Rainforest Movement. 15 ans de REDD. Un système fondamentalement vicié.
(14) Penilaian kesiapan pelaksanaan pengurangan emisi dari deforestasi dan kerusakan hutan (REDD+) di provinsi Kalimantan Utara, Effendi, Wiwi et al, 2022.
(15) https://www.ykan.or.id/id/publikasi/artikel/siaran-pers/kaltara-menuju-pembangunan-hijau/
(16) Berbagai Cerita dari Lapangan. Masyarakat Lokal dan Energi Terbarukan.
(17) JATAM Kaltim, Bersihkan Indonesia, PuSHPA, AMAN Kaltim. Nyapu: bagaimanan perumpuan dan laki-laki Suku Balik mengalami kehilanga, derita dan kerusakan berlapis akibat megaproyk Ibu Kota Baru Indonesia, 2023.
(18) Instituto Humanitas Unisinos, Como salvar a floresta amazônica? Entrevista com Philip M. Fearnside, Agosto 2023.
(19) Id. (1)