Scandales autour des aliments pour bébés en Afrique, destruction des forêts tropicales pour faire des confiseries en barre : certaines entreprises, comme Nestlé, attirent le scandale comme la lumière attire les mouches. D’autres, que le magazine nord-américain Newsweek a appelées une fois les « entreprises Téflon », font presque exactement la même chose que leurs concurrents, mais les critiques n’y collent pas. Unilever en est le prototype : son engagement à l’égard de l’environnement est même loué par de grandes organisations écologistes internationales comme le WWF. Comment est-ce possible, du moment qu’Unilever est un des plus grands consommateurs d’huile de palme du monde ?
Premièrement, Unilever a des contrats avec des entreprises à scandale, comme la multinationale Wilmar. Wilmar a une tradition de violations continuelles des droits de l’homme et d’abattage illégal, et c’est le plus grand négociant du monde en huile de palme. Avec l’aide d’unités policières, l’entreprise a détruit le village de Sungai Beruang, ainsi que des établissements voisins qui étaient situés à l’intérieur des plantations de palmiers à huile, afin de briser la résistance des habitants à l’industrie du palmier à huile [communiqué de presse de Robin Woodhttp://www.robinwood.de/Newsdetails.13+M55ead9b1d73.0.html]. Les Amis de la Terre ont documenté de graves violations des droits de l’homme commises par Wilmar en Ouganda [http://www.foei.org/en/resources/publications/pdfs/2012/land-life-justice/view]. Unilever étant une des principales clientes de Wilmar, elle aussi est responsable des crimes et des violations de son fournisseur.
En même temps, l’essor de l’huile de palme a été désastreux pour le climat du monde. La transformation des forêts tropicales en plantations de palmiers à huile a fait de l’Indonésie le troisième grand émetteur de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre. Cela n’a pas empêché le directeur général d’Unilever, Paul Polmann, de se déclarer protecteur de l’atmosphère de la terre au sommet climatique de Copenhague, en 2009.
En plus, Unilever lutte contre l’agro-énergie, mais non pour des raisons altruistes. Les entreprises comme elle ne se soucient pas de la menace que cela représente pour les réserves d’aliments du monde : ce qui compte pour elles, c’est d’avoir accès à des matières premières bon marché.
La publicité « écolo » d’Unilever est basée sur le système de certification de la RSPO (Table ronde pour l’huile de palme durable). Unilever reconnaît que la production mondiale d’huile de palme cause de graves problèmes, mais elle signale aussi que ces derniers peuvent être résolus avec l’aide de la RSPO. Or, du point de vue de Robin Wood et de ses partenaires en Indonésie, la RSPO ne sert qu’à « verdir » l’image de l’entreprise. Les cinq points suivants expliquent pourquoi.
L’industrie domine parmi les membres de la RSPO
Les ONG ne sont que 26, mais les entreprises sont 581, et onze des seize sièges au conseil d’administration de la RSPO sont réservés aux banques et aux entreprises huilières. La présidence est assurée par Unilever, et non par un membre impartial, de sorte qu’Unilever exerce un contrôle considérable sur ce système de certification.
Faiblesse des critères
En raison de cette structure, les critères sont faibles. Des entreprises huilières qui ont d’énormes conflits avec la population locale reçoivent le label RSPO. En outre, la RSPO permet que des forêts soient transformées en nouvelles plantations et tolère l’utilisation de produits chimiques extrêmement toxiques, comme le Paraquat. Cela n’est pas étonnant : le fabricant du Paraquat (Syngenta) est membre de la RSPO.
Des organes de certification dépendants
Les entreprises qui demandent le label RSPO paient les organes chargés de la certification. Cette relation commerciale directe mène à un affaiblissement des normes : l’organe de certification qui laisse passer le plus d’erreurs en faveur de son client est celui qui obtient les contrats les plus lucratifs. L’organe de certification TÜV, accrédité par la RSPO, en est un exemple. En octobre 2011, Robin Wood a examiné ses activités dans une étude concernant Sumatra, et découvert des déficiences alarmantes [Déclaration de Robin Wood sur TÜV Rheinland :http://www.robinwood.de/uploads/media/Statement_Robin_Wood]. Des acteurs-clés de la RSPO ont été informés des erreurs commises par TÜV en Indonésie, mais cela n’a eu aucune conséquence pour le moment.
Les détenteurs de droits deviennent des parties prenantes
Dans la pratique, la RSPO transforme les détenteurs de droits locaux en parties prenantes possédant des intérêts légitimes. La population locale est obligée de négocier ses droits avec des représentants du puissant lobby de l’huile de palme. Cela implique qu’il est possible d’atteindre un compromis juste entre les agresseurs et les victimes mais, dans cette situation, la population locale ne peut que perdre. Les droits de l’homme ne sont pas négociables.
La surexploitation continue. La RSPO encourage l’expansion
La contribution la plus importante d’un label de durabilité serait d’arrêter l’expansion de l’industrie de l’huile de palme. C’est ce que demandent des organisations écologistes et des droits de l’homme indonésiennes, comme Cappa, Walhi, Save Our Borneo ou Perkumpulan Hijau, ainsi que Robin Wood. En revanche, les entreprises membres de la RSPO poussent à la réalisation de nouvelles plantations. On en trouve des exemples actuels dans la province indonésienne de Papouasie occidentale. Des membres de la RSPO, comme Wilmar, Medco et Rajawali, y ont mis en route un projet d’huile de palme géant, aux dépens de la population locale et des dernières forêts tropicales qui restent [https://awasmifee.potager.org].
Conclusion : les ONG et le public en général ne devraient pas se laisser tromper par la stratégie « écologiste » d’Unilever. En passant des contrats avec les industries mondiales de l’huile de palme, les transnationales de ce genre se rendent responsables du déplacement de populations, de la coupe rase de forêts et de la pollution par des pesticides toxiques, tandis qu’elles se servent du label RSPO pour « verdir » ces pratiques.
Peter Gerhardt, peter.gerhardt@ovi.com