« La pire des immoralités est l’ignorance étudiée, le refus délibéré de voir ou de savoir » (Andrea Dworkin)
Le ‘développement’ et les Institutions financières internationales (IFI), et les principaux décideurs de celles-ci, essaient de justifier les politiques et les projets destructeurs en affirmant que la politique économique néolibérale est la seule voie vers l’atténuation de la pauvreté et la protection de l’environnement. Le recueil d’articles ici présentés démontre que le fait de persister dans cette affirmation équivaut à un « refus délibéré de voir ou de savoir ».
Quand on examine l’histoire des IFI dans le domaine des forêts, on constate, plutôt qu’une ignorance étudiée, un refus perpétuel, systématique et institutionnalisé de permettre aux populations autochtones et autres communautés tributaires des forêts de participer à la prise de décisions. Or, ces communautés et ces peuples, propriétaires légitimes des forêts en question, sont les plus directement affectés par ces décisions et, dans leur ensemble, représentent une grande masse de populations appauvries.
L’Initiative de Mumbai – Porto Alegre pour les forêts renferme les principes unificateurs d’un mouvement mondial qui cherche à assurer les droits des peuples sur les forêts et la conservation de celles-ci. L’initiative, surgie d’abord de l’aspiration vers « un autre monde possible » au cours du Forum social mondial de 2004, a été réitérée et révisée pendant le Forum 2005 à Porto Alegre. Il s’agit d’une déclaration de principes concrète, où prennent corps les voix d’une coalition diverse d’organisations et d’individus qui travaillent pour la justice sociale et environnementale dans les forêts.
Son point de départ est que « les peuples autochtones et autres communautés tributaires des forêts, qui les habitent et les utilisent pour subvenir à leurs besoins de survie, sont les véritables protecteurs et gouverneurs de ces forêts et jouissent de droits inaliénables sur elles » (Principe nº 1).
Le Principe nº 2 affirme que « la protection et la conservation des forêts requièrent que les droits de ces peuples soient garantis ».
Ces deux premiers principes, qui le sont aussi par leur contenu, découlent de la conviction ferme que les problèmes des forêts sont essentiellement d’origine sociale et politique et requièrent donc des solutions sociales et politiques, plutôt que des solutions techniques.
Réunissant des tendances très variées, la déclaration se nourrit aussi bien de réclamations de longue date des peuples autochtones, qui revendiquent leur autonomie et leurs droits sur leurs territoires ancestraux, que de leur longue expérience des projets de « développement », des ajustements structurels et des impositions conditionnant l’aide des IFI. Ces expériences amères témoignent que les appels constants à la transparence se heurtent à de plus en plus d’opacité (voir l’article sur la BAsD), et que les demandes d’un plus grand accès aux ressources minimales de survie se soldent par des interdictions plus étendues (voir l’article sur la BM). Le mouvement pour la justice environnementale et sociale ne peut pas ignorer ces expériences, et il ne le fera pas, comme il n’ignorera pas les droits des peuples autochtones. C’est pourquoi il s’oppose « à toute participation de la Banque mondiale, du FMI, de l’OMC et d’autres institutions financières internationales à des politiques et des projets susceptibles d’affecter les forêts et les peuples des forêts » (Principe nº 11).
Manifestant le désir de plus en plus conscient de combattre la « monoculture globale de l’esprit » et l’uniformisation qu’elle préconise, les peuples participant à l’initiative de Mumbai – Porto Alegre pour les forêts voient l’avenir dans la diversité, l’acceptation et le respect mutuels et dans le droit de choisir le rythme et les moyens du « développement » de chacun :
« Les moyens institutionnels pour le contrôle social des forêts par les peuples forestiers – dont les peuples autochtones et les autres communautés dépendant des forêts – devront évoluer en fonction des besoins socio-écologiques et économiques de ces populations, et adopter des formes différentes dans les diverses régions du monde suivant les divers profils culturels des communautés concernées. » (Principe nº 3)
Dans la plupart des cas, les causes profondes de la pauvreté dans les régions tropicales sont la conséquence directe des transformations sociales, culturelles, politiques et économiques imposées par les envahisseurs venus du Vieux Monde au cours de la colonisation. Les politiques des institutions financières internationales ont perpétué et continuent d’imposer les constructions idéologiques socioculturelles du monde occidental, sous prétexte que ces valeurs sont universelles. Dans les forêts tropicales, ce processus s’est traduit par la primauté accordée aux besoins des entreprises et consommateurs occidentaux sur ceux des habitants des lieux, ce qui a provoqué une augmentation des conflits sociaux et une course effrénée pour les ressources des écosystèmes forestiers tropicaux jusqu’à leur épuisement. S’il est vrai qu’on peut toujours trouver quelque chose de bon dans ce qui est mauvais, disons que cette longue histoire d’irrespect arrogant à l’égard des peuples et des écosystèmes a permis de créer un contre-courant unifié et solide, doté de principes concrets et d’une détermination claire.
Nous vous appelons tous à joindre ce mouvement.
Le texte complet de l’Initiative de Mumbai – Porto Alegre pour les Forêts est disponible sur : http://www.wrm.org.uy/statements/Mumbai/MumbaiPA2.html.
Vous trouverez un bref commentaire de chaque principe à l’adresse : http://www.wrm.org.uy/bulletinfr/91/construction.html#MumbaiPA.
Si vous souhaitez manifester votre solidarité avec les principes de ce mouvement ou demander des informations supplémentaires, contactez s.v.p. antonis@wrm.org.uy.
Antonis Diamantidis, adresse électronique : antonis@wrm.org.uy