Laos : les barrages sur le Sekong vont anéantir le Cambodge

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Il est prévu de construire une série de grands barrages dans le bassin du fleuve Sekong, dans le Sud du Laos. Ces projets vont affecter des dizaines de milliers de personnes et menacé les moyens d’existence des 30 000 Laotiens qui habitent en aval le long du Sekong. Or, les plans de ces barrages sont établis sans considérer du tout les effets qu’ils auront sur les habitants et l’environnement du Cambodge.

En juin 2007, la société conseil norvégienne Norconsult a complété les deux analyses environnementales initiales pour deux des barrages proposés : le Sekong 4 et le Nam Kong 1.  Un rapport récemment paru sous le pseudonyme d’Anurak Wangpattana se félicite du fait que les études reconnaissent bien des conséquences que ces barrages auront pour les gens, les forêts et la pêche dans le Sud du Laos, mais critique Norconsult pour avoir tout à fait ignoré les répercussions de ces projets pour ceux qui habitent en aval.

Les deux barrages que la Russian Region Oil Company prévoit de construire se trouveront à une centaine de kilomètres de distance l’un de l’autre. Le Sekong 4, de 600 MW, inondera 150 kilomètres carrés de terres, comprenant des forêts et d’autres terres utilisées pour la collecte de produits forestiers non ligneux, des pâturages et des champs où l’on pratique l’agriculture itinérante. Environ 5 000 personnes seront expulsées de leurs foyers à l’emplacement de la retenue ; 98 % d’entre elles appartiennent à des peuples autochtones. Les minorités ethniques katu et nge représentent 80 % de la population du district de Kaleum, dont la capitale sera inondée par l’eau du réservoir.

L’importance des forêts pour les habitants du district de Kaleum est évidente, d’après un rapport rédigé en 2004 par Charles Alton, consultant de l’ONU, et Houmphan Rattanavong, du Conseil scientifique national du Laos. Le rapport signale que, dans quatre villages katu du district de Kaleum près de 76 % des revenus des habitants proviennent de la collecte de produits non forestiers et 16 % de l’élevage.

Le barrage Nam Kong 1, de 150-200 MW, prévu pour être construit sur un affluent du Sekong, inondera 21,8 kilomètres carrés. Anurak Wangpattana signale qu’il affectera plus de 1 600 personnes qui vivent en aval. Beaucoup d’entre elles habitant auparavant dans la zone du réservoir, mais elles ont été déplacées par le gouvernement pendant les années 1990.

Le poisson est un élément important du régime alimentaire de ceux qui habitent la zone prévue pour le réservoir du Sekong 4. « Tous les villages situés à l’emplacement de la retenue pratiquent la pêche de façon soutenue, surtout pour leur subsistance, et le poisson contribue pour une large part aux protéines de leur régime », signale Norconsult. La construction du barrage fera disparaître cette activité.

Les villages en aval du barrage seront pareillement affectés. Le réservoir du Sekong 4 mettra 14 mois à se remplir. Une fois le barrage en fonctionnement, le débit du fleuve changera tout à fait. « Il existe la possibilité que la diversité biologique aquatique et la productivité du fleuve Sekong diminuent en raison de ces modifications du débit », disent les experts de Norconsult dans leur langage flegmatique.

Anurak Wangpattana explique que l’examen environnemental initial de Norconsult est le premier pas de l’évaluation d’incidence environnementale du Sekong 4 et du Nam Kong 1, et suggère que cette évaluation pourrait être accumulative. Mais ce qui manque pour l’instant dans les études de Norconsult, signale Anurak, « est la reconnaissance explicite que les effets négatifs [de ces barrages] vont s’étendre tout le long du fleuve Sekong en Cambodge ».

Depuis dix ans, les habitants des villages situés le long du fleuve Sesan, dans le Nord-Est du Cambodge, subissent les effets dévastateurs de la construction de barrages sur ce fleuve en amont, au Vietnam. Des dizaines de villageois se sont noyés lors de l’ouverture soudaine des écluses du barrage de Yali Falls. Les gens ont perdu du bétail, des récoltes et du matériel de pêche. La mauvaise qualité de l’eau a provoqué des éruptions cutanées et des troubles digestifs.  Plus de 3 500 personnes ont maintenant quitté leurs foyers à proximité du fleuve Sesan et se sont installées plus haut pour échapper aux inondations et aux variations imprévisibles de son débit, d’après une recherche récemment menée par l’ONG cambodgienne ‘3S Rivers Protection Network’ (« 3S » désignant les trois fleuves Sekong, Sesan et Srepok). « Les gens ont perdu tout espoir et ne peuvent plus dépendre du fleuve, parce que presque toutes les ressources qu’il avait ont disparu », a dit aux chercheurs un chef autochtone du village de Jarai.

Sur les 30 000 personnes qui habitent le long du Sekong dans la province de Stung Treng, beaucoup appartiennent aux groupes ethniques lao, khmer khe, kavet, lun et kuy. La pêche dans le Sekong et les jardins potagers sur ses berges sont indispensables à leur sécurité alimentaire et à leurs moyens de vie.

Anurak Wangpattana prévient que « les promoteurs de barrages écartent avec beaucoup de facilité les objections, mais l’expérience des effets transfrontières des grands barrages hydroélectriques construits ailleurs dans la région du Mékong indique clairement qu’il ne faut pas fermer les yeux aux répercussions que le Sekong 4 et le Nam Kong 1 auront au Cambodge et au Laos ».

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