Signez en solidarité avec un leader communautaire détenu en Côte d'Ivoire

(Dernière mise à jour : 14 janvier 2025)


Signez en solidarité avec Vincent Djiropo, leader communautaire du peuple Winnin arrêté à San Pedro, région du Bas-Sassandra, Côte d'Ivoire, le 14 décembre 2024, pour avoir défendu les forêts où vit sa communauté.

Depuis que cette lettre a été publiée pour signature, le 15 décembre 2024, Vincent a été emmené en prison et 19 autres personnes impliquées dans la lutte ont été arrêtées.

Nous appelons de toute urgence les autorités ivoiriennes à assurer la libération immédiate de M. Vincent Djiropo, M. Dominique Mensah et des 18 jeunes arrêtés après avoir exigé la libération de Vincent Djiropo.


SIGNEZ ICI

(Lisez la lettre complète et la liste des signataires à ce jour)

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           Vincent Djiropo

 

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Deuxième manifestation, le 18 décembre, pour réclamer la libération de Vincent Djiropo.
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La police lors de la deuxième manifestation, le 18 décembre, pour réclamer la libération de Vincent Djiropo.

 

15 décembre 2024,

À Monsieur Ousmane Coulibaly
Préfet de Région,
Préfet du Département de San Pedro

De notre considération :

Nous vous écrivons pour exprimer notre inquiétude sur la détention de M. Vincent Djiropo. Mr. Djiropo est un leader communautaire très respecté et engagé contre la privatisation de la forêt de Monogaga et pour la défense des terres ancestrales de son peuple. Nous entendons qu'il est détenu depuis samedi, 14 décembre par la police à San Pedro.

Nous avons été informés que la détention de M. Djiropo est due au fait qu'il s'est opposé à la privatisation de la forêt de Monogaga où la Fondation Roots Wild a été accordée d'une concession par le Ministère des Eaux et Forêts. Cette forêt est vitale pour les communautés locales qui y vivent et en dépendent depuis plus de six siècles. Ces communautés résistent à l'acaparement de leurs terres, qui menace leurs moyens de subsistance, leur culture et la forêt de leurs ancêtres.

Les rapports indiquent que M. Djiropo avait déjà reçu de nombreuses menaces et intimidations en raison de son engagement pour son peuple. Sa détention souligne les graves préoccupations concernant la criminalisation des défenseurs de la terre dans la région.

Nous appelons à vous et l'ensemble des autorités ivoiriennes à libérer immédiatement M. Vincent Djiropo et à garantir la sécurité et les droits de tous les individus qui défendent leurs terres ancestrales. Sa détention représente une grave violation des droits de l'homme et du droit à la liberté d'expression.

Nous restons à travailler en solidarité avec les communautés et les organisations de toute la région qui défendent leurs terres, et nous continuerons à suivre la situation de M. Vincent Djiropo de près. Nous appellons aux autorités de prendre des mesures immédiates pour réparer cette injustice et de libérer M. Vincent Djiropo.

Nous attendons une réponse urgente.

Cordialement,

Signataires jusqu'au 14 janvier 2025 :

- Rettet den Regenwald, Allemagne
- Forum Ökologie & Papier, Allemagne
- Collective Abundance, Allemagne
- Vukani Environmental Justice Movement in Action, Afrique du Sud
- Mycélium, Belgique
- Ecobenin, Bénin
- Jeunes Volontaires pour l'Environnement (JVE), Bénin
- Oilwatch Latinoamerica, Brésil
- Amigas da Terra Brasil, Brésil
- FASE Espírito Santo, Brésil
- O Nosso Vale! A Nossa Vida, Brésil
- Jumu'eha renda Keruhu - Centro de Formação Saberes Ka'apor, Brésil
- Bulgarian Fund for Women, Bulgarie
- ATTAC CADTM Burkina, Burkina Faso
- Nature Cameroun  
- Synaparcam, Cameroun
- RADD, Cameroun
- Struggle to Economize Future Environment (SEFE), Mundemba, Cameroun
- IFI Minitoring Group, Cameroun
- Hope and Health for African Community and Environment, Cameroun
- Asociación Minga, Colombia
- Censat Agua Viva, Colombia
- Guardianes de la Andino-Amazonia, Colombia
- Observatorio Ambiental Ciudadano, Colombia
- Colectivo Hilos de Vida, Colombia
- Extinction Rebellion Medellín, Colombia
- CNOP, Congo
- Construisons Ensemble le Monde, Congo
- Énergie Solaire du Congo, Congo
- Likabo Group International, Congo
- COECOCEIBA - Amigos de la Tierra Costa Rica
- Frente Nacional de Pueblos Indígenas Costa Rica
- Movimiento Rios Vivos, Costa Rica
- Amnesty International Cote d’Ivoire
- CPPH, Cote d’Ivoire
- REFEB, Cote d’Ivoire
- Jeunes Volontaires pour l'Environnement (JVE), Côte d'Ivoire
- Collectif ADIAKE, Cote d’Ivoire
- Mission des Consciences Citoyennes (Micoci), Cote d’Ivoire
- Mouvement Code 91, Cote d’Ivoire
- NoVox, Côte d'Ivoire
- Ong Actes-De-Vie, Côte d'Ivoire
- ONG Wonsminka Logoualé, Cote d’Ivoire
- REFEB, Côte d'Ivoire
- Réseau Africain des Jeunes sur les Zones Humides (RAJEZOH), Côte d'Ivoire
- Acción Ecológica, Équateur
- CESTA - Friends of the Earth (FoE), El Salvador
- Latinoamericanos en Almería, Espagne
- Proyecto Gran Simio (GAP/PGS-España), Espagne
-  Amics Arbres Ona Mediterrània, Espagne  
- Unión Universal Desarrollo Solidario, Espagne
- Regard sur la pêche et Aquaculture, France  
- Youth Volunteer for Environmental (YVE), Ghana   
- Association Gulusenu du village Doubou, Gabon
- Association les Rassembleurs du Village Mboukou, Gabon
- Collectif des Ressortissants et Écologistes des Plateaux Bateke, Gabon
- Coopérative pikile Mossi de Bemboudie, Gabon
- Herbier Nationale, Gabon
- JVE Gabon
- Membres de la communauté du Gabon   
- Musiru Divag de Fougamou Gabon
- Muyissi Environnement, Gabon
- Federasi Serikat Buruh Karya Utama, Indonésie
- Forum Buruh Lintas Perkebunan Kalimantan Tengah, Indonésie
- Konfederasi Serikat Nasional, Indonésie
- Link-AR Borneo, Indonésie
- Partai Rakyat Pekerja, Indonésie
- Transnational Palm Oil Labour Solidarity Network (TPOLS), Indonésie
- School of Democratic Economics, Indonésie
- Yayasan Pusaka Bentala Rakyat, Indonésie
- Endorois Welfare Council, Kenya
- Institute of sustainable Agriculture, Grand Bassa county, Jogba clan, Libéria
- Joegba United Women Empowerment and Development Organization (JUWEDO), Libéria
- Research and Support Center for Development Alternati es - Indian Ocean (RSCDA – IO), Madagascar
- Red de Acción sobre Plaguicidas y Alternativas en México (RAPAM), Mexique
- Consejo general de la zona sur y de los humedales, Mexique
- Ecovinculo, Mexique
- Colectivo de Investigación para la Acción Comunitaria AC, Mexique
- Instituto Mexicano para el Desarrollo Comunitario, Mexique
- Otros Mundos Chiapas/Amigos de la Tierra México, Mexique
- Sindicato Único de Trabajadores del Gobierno de la Ciudad de México, Mexique
- Post Growth Institute, Mexique
- Missão Tabita, Mozambique
- Justiça Ambiental JA!, Mozambique
- Kandili, Nigeria
- Look Green, Care Foundation, Nigeria
- RECOWA, Nigeria
- Forestry Research Institute of Nigeria, Nigeria
- Health of Mother Earth Foundation (HOMEF), Nigeria
- No REDD in Africa Network, Nigeria
- Palm Oil Detectives, Nouvelle-Zélande
- GEFREE New Zealand, Nouvelle-Zélande
- Alliance Uganda Chapter, Ouganda
- Witness Radio, Ouganda
- Komolo Agro Farmers Association Kiryandongo, Ouganda  
- Ndagize julius, East African, Ouganda
- Nothern Uganda Media Club, Ouganda
- Centro de Desarrollo Ambiental y Humano, Panamá
- LINAJE, Paraguay
- Water Justice and Gender, Pays-Bas
- Milieudefensie, Pays-Bas
- Confédération Paysanne du Congo - Principal Regroupement Paysan (COPACO-PRP), République démocratique du Congo
- Solidarité pour les Peuples Autochtones du Bassin du Congo (SPABC), République démocratique du Congo
- Protection des écorégions de miombo au Congo (PremiCongo), République démocratique du Congo
- Alliance Nationale d'appui et de promotion des Aires Protégées par les Peuples Autochtones et communes locales ANAPAC-RDC, République démocratique du Congo
- Red Dominicana de Estudios y Empoderamiento Afrodescendiente, République dominicaine
- EDGE Funders Alliance, Royaume-Uni
- Conscience Environnementale, Sénégal
- Advocacy for Human Rights and Justice-Sierra Leone (ADHRJUST-SL), Sierra Leone
- Community Action for Human Rights and Development, Sierra Leone      
- Women’s Network Against Rural Plantations Injustice (WoNARPI), Sierra Leone
- Maloa, Sierra Leone
- MVIWATA, Tanzania
- Sustainable Holistic Development Foundation (SUHODE), Tanzania
- Heks/Eper, Suisse
- EPER (Entraide Protestante Suisse), Suisse
- Ecopaper, Suisse
- Pro Natura / Friends of the Earth Switzerland, Suisse
- Sustainable Holistic Development Foundation (SUHODE), Tanzania
- ATTAC Togo, Togo
- Vocesdamerica Audiovisual, Uruguay
- Global Justice Ecology Project, USA
- Local Futures, USA
- North American Climate, Conservation and Environment (NACCE), USA
- American Jewish World Service (AJWS), USA
- Regenerosity, USA
- Frente Nacional Ecosocialista por la Vida, Venezuela
- GRAIN, International
- Mouvement Mondial pour les Forêts Tropicales (WRM), International
- ETC Group, International

Particuliers
- Djotan Yéwouèda, Bénin  
- Zinsou Aya, Bénin  
- Zoundjihékpon G. Jeanne, Bénin  
- Suy Kahofi, Côte d'Ivoire  
- Lethicia Gnada, Côte d'Ivoire  
- Totouom Bertin, Medicin, Gabon
- Yassine Bernadin Ngoumba, Congo Brazzaville  
- Chrispine Mumba, Zambia  
- Mara Coppens, Belgique  
- Aka Jean Paul, Côte d'Ivoire  
- Comen Jules, Gabon  
- Pascale Ako, Gabon  
- Tchikaya Hans Teddy, Gabon  
- Célio Leocadio, Brésil  
- Oliver Pye, Allemagne  
- Moutsinga Melisa, Gabon  
- Pincemin Judith, France  
- Riss Jean-Jacques, France  
- Piotr kozak, Royaume-Uni  
- Debely Lise, France  
- Nasako Besingi, Cameroun  
- Abraham E. van Wyk, Afrique du Sud  
- Ousseynou Bâ, Sénégal  
- Roche Catherine, France  
- John Orbell, Royaume-Uni  
- Girard Odile, France  
- Patricia Acosta, Uruguay  
- Robert Petitpas, Chile  
- Alexander Maga, Allemagne  
- Dr. Egla Martínez, Canada  
- Maren Torheim, Uruguay  
- Hugh Lee, Ireland
- Miriam Knödler, Sweden
- Clémentine Bonvarlet, France
- Louise Taylor. Canada
- James Gray, USA
- Bonga Ndabezitha, Afrique du Sud
- Bernard David, France
- Shlok Pathak, India
- Kathleen McCroskey, Canada
- Béguin Claude, Suisse
- Alexander Arbachakov, Russie
- Stephen A. Ruvuga, Tanzania
- Oubrayrie Fabienne, France
- Couché Valérie, France
- Campos Natacha, France
- Marcelo Marques Miranda, Portugal
- Kenneth Ruby, USA
- Legrand Eric, France
- Tom van Hettema, Netherlands
- Ramón Soriano, Espagne
- Michael F. Schmidlehner, Brésil
- Desmichelle Claire, France
- Mucio Tosta Gonçalves, Brésil
- Nemesio J. Rodríguez, Mexique
- Laura Pallares, Uruguay
- Josefina Besomi, Chili
- Vanessa Cabanelas, Mozambique
- Amillard Jean-Michel, France
- Geoffroy Grangier, France
- Alfredo Pereira, Brésil
- Jesus Antonio Espinosa, Colombia
- Vincenzo Lauriola, Italie
- Dr. Peter Clausing, Allemagne
- Fredrik Larsson, Suède
- Brillet Matthieu, France
- Ethel del Rosario Juárez, Mexique
- Danilo Quijano Silva, Pérou
- Danilo de Assis Clímaco, Brésil
- Dr Andrea Brock, Royaume-Uni
- Rafael Vera, Argentina
- Karen Rothschild, Canada
- Myriam Olivia, France
- Dr. Engel, Thomas, Allemagne
- Luisa Fernanda Chavez Paz, Colombia
- Alberto Franco Giraldo, Colombia
- Luisa Memore, Italie
- Daniel Paz Barreto, Argentina
- Toh Cynthia, France
- Ana Romo, Colombia  
- Julia Blag, France
- Rosemarie Otten-Poss, Allemagne
- Anoh Amond, Côte d’Ivoire
- Paola Germain, Argentina
- Paquin Pascal, France
- Nakande Alassane, Burkina Faso
- Naudel González Madera, Colombia
- Allan Grote, Royaume-Uni
- Martin Castro Dominguez, Mexique
- Talbot Genevieve, Canada
- Raysa França, Finlande    
- Sean Currie, Royaume-Uni
- Peer Höcker, Allemagne    
- Liz Probert, Royaume-Uni    
- Milena Gomes, Brésil    
- Will Davison, Danemark
- Miriam Mastria, Italie    
- Janosch Sbeih, Allemagne        
- Douwe De Vestele, Belgique

L'appropriation corporative de la lutte des femmes : le maquillage lilas dans la performance des grandes ONG

De plus en plus de femmes s'identifient comme féministes à travers le monde. La croissance du féminisme ces dernières années s'est accompagnée d'une capture du mouvement par le capitalisme. En ce sens, le nombre d'entreprises et d'organisations transnationales telles que The Nature Conservancy (TNC), Conservation International (CI) et World Wide Fund for Nature (WWF), qui intègrent les discours d '« autonomisation » individuelle des femmes et de la diversité sexuelle dans leurs activités, a augmenté. 

Il est de plus en plus courant que ces organisations se positionnent comme responsables de l'amélioration des conditions de vie des femmes, en leur donnant plus d'opportunités et de visibilité. Ainsi, ils lient la liberté des femmes au fait qu'elles occupent des positions de pouvoir dans la logique capitaliste. Le féminisme populaire suppose que l'émancipation des femmes ne sera jamais complète dans une société où le travail de la majorité de la population est accaparé par une minorité capitaliste ; les territoires d'usage collectif sont accaparés par des intérêts privés ; et une grande partie de la population est structurellement exploitée. Par conséquent, le féminisme doit être anticapitaliste, antiraciste et anticolonial pour vraiment servir d'outil à l'émancipation des femmes. Nous croyons au féminisme qui mise sur l'auto-organisation populaire et construit des alliances avec d'autres sujets en difficulté, marchant ensemble vers un horizon de transformation. 

Le capitalisme « coloré » des entreprises transnationales et des ONG, en revanche, ne donne pas de vraies réponses au problème de l'exploitation des femmes et des peuples à travers le monde, et ne fait que continuer à étendre l'exploitation du travail et l'incorporation de la nature dans son processus d'accumulation. Ils augmentent même leurs profits en se basant sur l'exploitation du travail des femmes sans droits. Ce processus d'appropriation du féminisme est connu sous le nom de « maquillage lilas » : une stratégie d'appropriation des luttes qui sert à améliorer l'image des entreprises auprès du grand public, tout en stimulant un processus de marchandisation et de neutralisation de la critique féministe du système. 

Ce « néolibéralisme multiculturel à « visage humain » est un type de stratégie où les États et les agences internationales ont incorporé des organisations féministes professionnalisées pour intégrer la dimension de genre dans leurs programmes (1). De ce processus découlent, par exemple, des « politiques d'égalité de genre », des documents que possèdent toutes les grandes organisations de conservation, pleines de bonnes intentions mais dépourvues d'engagement politique réel. C'est une façon astucieuse de dépolitiser les conflits et de réduire la critique du capitalisme patriarcal à une remise en question du « machisme » présent dans les comportements individuels dans les organisations, supprimant le caractère systémique de l'oppression (2). Dans cette logique, la (soi-disant) solution à l'inégalité de genre est présente dans ces entreprises au moyen de ses projets « sociaux ». C'est-à-dire que les investissements dans les « programmes de genre » ont, après tout, comme toujours, l'intention d'agir positivement au profit des entreprises par le nettoyage de leur image (3).

Par exemple, la société pétrolière Chevron, l'un des plus grands transgresseurs des droits des peuples autochtones dans le monde, s'est associée à un fonds féministe au Brésil, le fonds ELAS, pour le développement de projets d'entrepreneuriat économique avec des femmes des communautés locales (4). Cette dynamique de financement corporatif des actions féministes est un piège. Ce sont des stratégies qui renforcent deux types de discours trompeurs. La première est qu'il n'y a pas d'alternative en dehors de la logique commerciale, et qu'agir stratégiquement dans ces partenariats pourrait changer le comportement des entreprises. Un autre argument est qu'il est préférable pour les entreprises d'investir dans les femmes plutôt que de continuer à suivre la même logique consistant à n'avoir que des dirigeants masculins. Ce sont des raisonnements porteurs d'espoir par rapport à la performance des entreprises et des grandes organisations transnationales. Les violations systématiques des droits des communautés à travers le monde nous rappellent cependant qu'il n'y a pas de place pour la naïveté face à la performance de ces acteurs. L'objectif d'étendre l'autonomie des femmes et des communautés sur leurs territoires corporels est toujours incompatible avec la logique intrinsèque de toute société capitaliste, c'est-à-dire de chercher continuellement à étendre son contrôle sur les « ressources naturelles » et sur le travail des autres.

Les « politiques genre » des grandes ONG 

Nous avons déjà parlé dans des bulletins WRM précédents de la façon dont les grandes ONG de conservation se comportent, dans leur pratique,  comme des entreprises (5). Ce n'est pas différent dans le cas du dit maquillage lilas. À l'instar des sociétés transnationales, les grandes organisations non gouvernementales misent de plus en plus sur la vente d'une image féministe au monde.

Cette tendance peut être observée dans les grandes ONG de conservation telles que The Nature Conservancy (TNC), Conservation International (CI) et World Wide Fund for Nature (WWF). Cela se produit également dans les petites organisations, telles que Solidaridad Internacional. 

Toutes ces organisations ont leurs propres « politiques de genre », des documents où elles consignent leurs engagements supposés en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Conservation International, par exemple, affirme qu'elle renforce l'égalité des sexes en orientant les avantages des projets de manière égale pour les hommes et les femmes, en augmentant l'accès des femmes aux ressources et leur contrôle sur celles-ci, et en promouvant les femmes à des rôles de leadership. L'une des études de l'organisation sur une aire protégée aux Philippines indique que « les initiatives de conservation ne sont pas suffisamment consacrées à garantir les droits des femmes à participer et à bénéficier des programmes, politiques et projets de conservation ». (6) L'organisation a également créé un programme pour soutenir les femmes leaders autochtones des pays amazoniens, dans le but de «promouvoir les idées et les actions des femmes autochtones pour conserver l'Amazonie et maintenir la stabilité climatique». (7)

Cependant, lorsque nous analysons les actions de Conservation International dans les territoires, nous constatons que leur conduite ne va pas dans le sens du renforcement des communautés dans le respect de leurs pratiques et de leurs connaissances. L'organisation a déjà été accusée par l' Association des peuples amérindiens (APA) de ne pas respecter les droits territoriaux avec les peuples autochtones du Guyana, pour avoir participé à la création d'une zone sous protection dans le sud du pays sans consulter les peuples de la région. (8) Un cas plus récent au Pérou montre qu'un projet mené par Conservation International est présenté comme une réussite, mais il a conduit à des expulsions forcées, à la perte de moyens de subsistance, à la destruction d'environ des dizaines de maisons (la plupart le jour de la fête des mères) et à d'autres impacts sur les communautés. (9) Comment serait-il possible de soutenir les organisations locales de femmes et de prendre des mesures « féministes » sans ni même respecter l'autodétermination des peuples sur leur territoire ?

Pour prendre un autre exemple, The Nature Conservancy a lancé son initiative « Women in Climate », qui vise à rassembler des femmes leaders dans les efforts de lutte contre le changement climatique. (10) La page d'initiative commence par un discours sur l'importance de la participation politique des femmes et l'insertion des femmes de toutes orientations sexuelles, affirmant une position « féministe ». Cependant, lorsque nous arrivons au plan stratégique du programme, nous voyons que la perspective est de faire des affaires comme toujours : la base, ce sont objectifs de l'Agenda 2030 – un échec majeur du système des Nations Unies (11) – et renforce l'importance des solutions dites basées sur la nature: le nouveau nom pour la marchandisation et la financiarisation de la nature et des biens communs.(12)

Le travail des ONG peut également aller dans le sens de la fabrication d'un "maquillage lilas" sur l'agro-industrie. C'est le cas, par exemple, d'un projet de l'ONG Solidaridad, d'origine néerlandaise, qui œuvre pour assurer la traçabilité et la production de bas carbone du soja au Brésil. En outre, elle se soucie d'assurer la « participation des femmes » à l'agro-industrie.

L'une des initiatives que l'ONG soutient est la production de la ferme Fazenda Laruna, dirigée par la productrice rurale Claudia Liciane Sulzbach, située à Balsas, dans le Maranhão. Fazenda Laruna dispose d'une surface de production de 1100 hectares dédiée à la culture des céréales : soja, maïs et haricots. Dans un entretien, la productrice renforce qu'elle est très soucieuse des « bonnes pratiques » de production, de la certification socio-environnementale et de l'affirmation de la « force des femmes edans le secteur de l'agriculture ». C'est un exemple très éclairant de la combinaison du « maquillage vert » de l'agro-business avec le « maquillage lilas », qui est censé promouvoir « l'autonomisation des femmes ». Ce n'est pas un type d'initiative isolé, étant donné qu'il y a au Brésil chaque année l'événement « Congrès national des femmes de l'agro » où des entrepreneurs comme Cláudia prennent de l'importance en racontant leurs histoires.

En pratique, nous savons que la production de soja est l'une des principales causes de conflits socio-environnementaux dans le Maranhão, et que la production de « soja durable » et à faible carbone n'est rien de plus qu'un conte de fées. (13) Ce type d'agriculture « intelligente face au climat » perpétue les mêmes injustices que l'agro-affaire « classique », en maintenant la répartition injuste des terres au Brésil, les inégalités socio-économiques et le pouvoir des sociétés transnationales. 

Les expériences des femmes « à succès » de l'agro-affaire sont de grandes exceptions et n'ont rien à voir avec l'expérience des millions de femmes paysannes, travailleuses rurales, pour la plupart noires, qui n'ont pas accès à la terre et se battent sans cesse pour leur droit à la terre et contre les monocultures de soja de l'agroaffaire. (14) 

Alors que les soi-disant « femmes qui réussissent » se promeuvent en plus de ces initiatives, l'écrasante majorité des femmes continuent de souffrir des impacts de la destruction de la nature et de l'exploitation du travail dans les territoires. Ou, comme le dit Tica Moreno, les actions des entreprises « visent à percer le « plafond de verre », tandis que la grande majorité des femmes sont de plus en plus piégées sur des sols collants, qui ressemblent davantage à des sables mouvants » (15).

Natália Lobo – Organisation féministe Sempreviva (SOF) 


(1) ALVAREZ, Sonia. Néolibéralismes et trajectoires du féminisme  latino-américain. In : MORENO, Renata (Org.). Féminisme, économie et  politique : débats pour la construction de l'égalité et de l'autonomie des femmes. São Paulo : SOF, 2014.
(2) FARIA, Nalu.—. Défis féministes face à l'offensive néolibérale. Caderno Sempreviva. São Paulo : SOF, 2019.    
(3) MILLER, Julia ; ARUTYUNOVA, Angelika ; CLARK, Cindy. Acteurs nuevos, dinero nuevo, dialogues nuevos – un mapao de las iniciativas recientes para las mujeres y las niñas. Toronto : Awid, 2013.
(4) Idem
(5) https://www.wrm.org.uy/pt/artigos-do-boletim/alem-das-florestas-ongs-conservacionistas-se-transformam-em-empresas
(6) https://www.conservation.org/docs/default-source/publication-pdfs/tabangay-westerman---policy-matters-issue-20.pdf?sfvrsn=1c03f4f4_3
(7) https://www.conservation.org/about/fellowships/women-fellowship-opportunity-for-indigenous-women-leaders-in-environmental-solutions-in-the-amazon
(8) https://www.wrm.org.uy/pt/node/13339 
(9) https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/forest-communities-alto-mayo-peru-carbon-offsetting-aoe 
(10) https://www.nature.org/en-us/what-we-do/our-priorities/tackle-climate-change/climate-change-stories/women-on-climate/ 
(11) https://www.wrm.org.uy/pt/artigos-do-boletim/a-agenda-das-grandes-ongs-de-conservacao-em-tempos-de-crise
(12) https://www.wrm.org.uy/pt/declaracoes/declaracao-nao-as-solucoes-baseadas-na-natureza
(13) https://www.brasildefato.com.br/2023/12/06/soja-sustentavel-avanca-no-maranhao-para-pesquisadores-conceito-e-conto-de-fadas 
(14) https://www.miqcb.org/post/empres%C3%A1rios-da-soja-usam-corrent%C3%A3o-para-desmatar-territ%C3%B3rio-quilombola-no-cerrado-maranhense
(15) MORENO, Tica. Pièges du pouvoir corporatif : maquillage lilas et marchandisation des luttes. In : MORENO, Renata (Org.). Critique féministe du pouvoir des entreprises. São Paulo : Sof Sempreviva Organização Feminista, 2020.  p. 130-154.

Comment le programme REDD juridictionnel en Indonésie menace les forêts et profite aux ONG : le cas du Kalimantan oriental

Les grandes ONG de conservation ont joué un rôle majeur dans la transformation du programme REDD en politique forestière dominante à l’échelle mondiale. Le mécanisme REDD a été introduit en 2007, et la première vague de projets et de programmes REDD a été mise en œuvre de 2008 à 2013. Parmi les promoteurs des projets REDD figuraient ces grandes ONG, qui bénéficient de millions de dollars de subventions pour des « projets pilotes » et le « renforcement des capacités », ainsi que de la vente de crédits carbone sur le marché du carbone. 

Les données recueillies au cours des vingt dernières années ont confirmé que les premières mises en garde concernant la compensation carbone en général, et le programme REDD en particulier, étaient justifiées. Les projets REDD ont complètement échoué dans leur objectif de réduction de la déforestation et donc également dans leur capacité à atténuer le changement climatique (2). Pourtant, une deuxième vague, plus importante, de projets et de programmes de carbone forestier a commencé à déferler à partir de 2020, date d’entrée en vigueur de l’Accord de Paris. 
 
Les programmes REDD infranationaux et nationaux ont reçu moins d’attention que les projets REDD privés. Ces projets relèvent de ce qu’on appelle le « REDD juridictionnel » ou « REDD gouvernemental » et ils couvrent une province ou un pays entier. Le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) de la Banque mondiale est l’un des principaux promoteurs du programme REDD juridictionnel. Son objectif est d’aider le Sud global à se préparer à recevoir des paiements REDD, par l’intermédiaire d’un Fonds de préparation, puis de les récompenser pour la réduction de la déforestation par des « paiements basés sur les résultats », par l’intermédiaire d’un Fonds carbone.

Depuis son lancement en 2008, le FCPF a rencontré des difficultés pour  décaisser les fonds et obtenir des résultats. En outre, dans les cas où il a effectivement procédé à des versements, de nombreux problèmes sont apparus. En République démocratique du Congo, par exemple, le FCPF a soutenu le programme REDD+ PIREDD/Plateaux dans la province de Mai-Ndombe. Ce programme géré par le WWF a limité l’utilisation des terres par les communautés et a provoqué des conflits (3). Des problèmes sont également apparus dans un autre programme REDD juridictionnel dans la province de Zambézie au Mozambique, où le FCPF n’a pas réussi à atteindre son principal objectif : mettre fin à la déforestation (4). 

Pourtant, de grandes ONG de conservation comme TNC qualifient le FCPF de « succès » (5), notamment en raison du rôle clé qu’elles jouent dans ces programmes. C’est le cas du programme REDD+ juridictionnel mené dans le Kalimantan oriental, soutenu par le FCPF, qui fait l’objet du présent article. Approuvé par la Banque mondiale en 2019, ce programme a été mis en œuvre sur la période 2019-2024. Il couvre l’ensemble de la province du Kalimantan oriental, en Indonésie. Lorsque cet article mentionne la « documentation du programme », il fait référence au programme REDD juridictionnel du Kalimantan oriental (6).  

Le rôle prépondérant des ONG constitue un conflit d’intérêts

Selon la documentation du programme, le gouvernement indonésien avait initialement l’intention de mettre en œuvre le programme REDD juridictionnel du FCPF dans sept districts de quatre provinces différentes où la déforestation est massive : Jambi, Sulawesi central, Sulawesi oriental et Kalimantan oriental. Deux de ces sept districts, Berau et West Kutai, sont situés dans le Kalimantan oriental.

Depuis 2008, TNC et WWF participent à des activités liées au programme REDD dans ces deux districts. La documentation du programme indique que TNC et le WWF jouent un « rôle clé » en tant que « partenaires de mise en œuvre », précisant que l’expérience de ces deux organisations offre des « opportunités » pour un programme plus ambitieux à l’avenir. Le programme de carbone forestier de Berau, mis en place par TNC, est considéré comme « le premier programme REDD+ en Indonésie à couvrir une entité administrative entière », ce qui lui permet de « générer un retour d’expérience pour les programmes REDD+ nationaux ».

La documentation du programme indique également qu’un critère important pour recevoir un financement du FCPF est la nécessité d’obtenir un financement supplémentaire de la part d’autres donateurs. Alors que les autres districts, qui faisaient partie de la proposition initiale, n’ont pas réussi à obtenir ces fonds supplémentaires, TNC a garanti que 50 millions USD seraient affectés au district de Berau, tandis que le WWF et ses partenaires ont garanti « jusqu’à 82,5 millions de dollars » pour celui du Kutai occidental (7). 

Aucune explication n’a été donnée sur les raisons pour lesquelles il a été décidé d’allouer l’ensemble du financement du FCPF (soit 110 millions USD) au Kalimantan oriental et non aux autres provinces. Mais l’impression demeure que TNC et le WWF ont exercé une influence significative, révélant ainsi les conflits d’intérêts en jeu. Par exemple, les deux ONG ont préparé le terrain avec leurs activités dans les districts de Berau et de Kutai occidental ; TNC a été l’un des membres fondateurs et donateurs du FCPF et a développé l’idée du FCPF avec la Banque mondiale (8), et le WWF a participé à l’élaboration de la documentation du programme, qui aurait dû relever de la responsabilité du gouvernement indonésien (9). D’autres exemples de l’influence exercée par ces ONG révèlent des conflits d’intérêts profondément enracinés (10). 

En novembre 2022, le gouvernement indonésien a reçu le premier acompte de 20,9 millions USD (320 milliards IDR) de la part de la Banque mondiale (11). Selon une lettre du gouvernement provincial concernant la répartition de l’argent, les « institutions intermédiaires » (ONG, ou lembaga perantara en indonésien) recevront 3 190 914 000 IDR en paiements dits « de performance » et 19 502 000 000 IDR en paiements « de récompense ». Ces paiements s’élèvent à 22 692 914 000 IDR, soit environ 1,482 million USD, ou 7 % du versement initial total de 20,9 millions USD. Un tiers de cette somme est destiné aux « frais de gestion » et deux tiers aux coûts des « programmes/activités » (12). Si l’on prend en compte le montant total approuvé de 110 millions USD, sur la base de ce pourcentage, les ONG pourraient recevoir jusqu’à 7,6 millions de dollars de financement du FCPF. 

Un programme plein de contradictions

Un programme qui vise ceux qui ne sont pas à l’origine de la déforestation.

La documentation du programme affirme que le programme REDD juridictionnel dans le Kalimantan oriental est « conçu pour s’attaquer aux facteurs de la déforestation », et établit que les plantations industrielles de palmiers à huile (51 %), l’exploitation forestière (22 %) et l’exploitation minière (10 %) sont les trois principaux responsables. Cependant, comme pour le projet pilote de TNC à Berau, la majeure partie du budget du programme, soit 53,2 %, est consacrée à « fournir des moyens de subsistance alternatifs » aux communautés rurales, notamment aux communautés autochtones. L’accent est mis sur la « déforestation liée à l’empiètement sur les forêts et à l’agriculture » [à l’exclusion du palmier à huile], plutôt que sur les principales causes de la déforestation : le palmier à huile, l’exploitation forestière et les activités minières. 

Malgré l’accent mis par le programme sur les « moyens de subsistance alternatifs », cela ne semble pas se traduire dans la réalité sur le terrain. En effet, trois communautés du district de Kutai occidental, visitées par le WRM, JATAM Kaltim et l'Institut NUGAL en septembre 2024, se sont plaintes, par l’intermédiaire de leurs représentants locaux, que l’argent qui leur avait été promis pour un projet qu’elles avaient présenté à la coordination du programme et qui avait été approuvé, n’était toujours pas arrivé. Cela fait presque deux ans que le gouvernement indonésien a reçu son premier paiement de la Banque mondiale. Selon les villageois, chaque village était censé recevoir 201,64 millions IDR, soit environ 12 938 USD, montant également mentionné dans la lettre du gouvernement provincial mentionnée plus haut (13).

Les représentants du gouvernement local ont formulé plusieurs autres plaintes. L’une d’entre elles est liée à la manière dont des membres de l’équipe du programme REDD sont venus dans la communauté pour poser des questions et faire voler un drone, sans expliquer leur objectif ni communiquer les résultats de leur enquête. Les représentants locaux se sont également demandé pourquoi chaque communauté de Kutai occidental recevait la même somme d’argent, alors que le plus petit village de ce district a une superficie de 815 ha, tandis que le plus grand couvre 56 957 hectares. Cela devrait se traduire par des coûts différenciés en matière de surveillance des forêts. Cependant, la taille du village ne semble pas avoir d’importance pour la coordination du programme, qui a décidé que les 82 villages inclus dans le programme REDD de Kutai occidental recevraient exactement le même montant. La communauté s’est également plainte de ne pas avoir été informée ni consultée sur le programme REDD ou sur ce qu’est réellement REDD. Seul le chef de la communauté a été invité à une réunion d’échange d’informations, qui a eu lieu en dehors du territoire du village. 

L’une des plaintes des représentants locaux est particulièrement frappante. Bien que la Banque mondiale déclare dans la documentation que « les communautés pourront choisir les avantages auxquels elles préfèrent accéder, ce qui reflètera leurs priorités », deux villages ont vu leurs propositions communautaires rejetées. Leur proposition demandait l’achat d’une voiture pour patrouiller leur zone forestière, ce qu’ils considéraient comme une priorité. L’argument avancé était que les voitures ne pouvaient pas être autorisées parce qu’elles contribuaient au réchauffement climatique. C’est une réponse pour le moins hypocrite, pour un programme qui repose sur la logique de générer des crédits carbone afin que les industries polluantes responsables du chaos climatique puissent continuer à détruire le climat. Pendant ce temps, le programme REDD pénalise des communautés qui ne sont pas responsables de la crise climatique.

Un programme ignore l’un des principaux facteurs de la déforestation, l’exploitation minière

En 2020, 1 434 permis miniers couvraient plus de 5 millions d’hectares, soit 41 % du territoire de la province (14). Les sociétés minières, dont la plupart sont des compagnies charbonnières, figurent parmi les principaux responsables de la déforestation et d’autres violations des droits sociaux et environnementaux dans le Kalimantan oriental. Dans la documentation du programme, la Banque mondiale s'inquiète du fait que le gouverneur du Kalimantan oriental, entré en fonction en 2009, « a fait campagne sur une plateforme de soutien aux industries minières ».

Cependant, « les sociétés minières ne sont pas incluses » dans le programme REDD. Elles « ne mettront en œuvre aucune activité de réduction des émissions ». Une note de bas de page dans la documentation du programme justifie l’exclusion de l’exploitation minière sur la base d’une décision du gouverneur de 2018 qui « suspend les nouveaux permis d’exploitation du charbon et ajoute des exigences supplémentaires pour les entreprises qui souhaitent prolonger leurs permis ». 

Tout d'abord, l’argument selon lequel aucun nouveau permis d’exploitation minière ne sera accordé est tout simplement faux. Par exemple, PT Adaro Energy, la deuxième plus grande compagnie charbonnière d’Indonésie, a bénéficié d’une nouvelle concession en 2024 (15). En outre, la décision du gouverneur de 2018 ne contribue guère à empêcher la déforestation dans les concessions attribuées avant 2018, mais qui sont encore en cours de développement. Pire encore, ignorer le secteur minier revient à sous-estimer le phénomène généralisé de l’exploitation minière illégale au Kalimantan oriental, qui se traduit par encore plus de destructions et de risques que la destruction légalisée.

Le mégaprojet de nouvelle capitale indonésienne : une forme de déforestation « gérable » pour la Banque mondiale

Une autre contradiction majeure est illustrée par la construction de la nouvelle capitale de l’Indonésie (IKN), un mégaprojet lancé en 2020 dans le Kalimantan oriental. Si, d'une part, la Banque mondiale admet que ce projet « est susceptible d'affecter les émissions dans la province », en raison de la déforestation, elle affirme également que les impacts d’IKN « semblent gérables », faisant valoir qu’il a le « potentiel » de « verdir » et de « reboiser » la région. Le projet IKN, d’un coût de 30 milliards de dollars, a été particulièrement mis en avant par l’ancien président Jokowi, qui souhaite en faire son principal héritage.  

Ce que la Banque mondiale considère comme « gérable » montre l’ignorance totale de cette institution multilatérale, tant sur l’ampleur de ce mégaprojet (dont la superficie est passée de 180 000 à 256 000 hectares après son lancement en 2020), que sur les violations des droits sociaux et environnementaux commises à l'encontre du peuple autochtone Balik, dont le territoire chevauche celui du chantier de construction de la capitale. En outre, la construction de la nouvelle capitale aura d’autres conséquences indirectes encore plus dévastatrices, dont la Banque mondiale ne tient aucun compte (16).

Un programme qui prétend avoir des « résultats » alors que la déforestation est en hausse

Pour que les programmes juridictionnels REDD puissent fixer un objectif de réduction de la déforestation, ils doivent d’abord établir un niveau de référence ; ce qui implique de définir le nombre d’années sur lequel le taux annuel moyen de déforestation et de dégradation des forêts est calculé. Dans le cas du programme REDD soutenu par la Banque mondiale au Kalimantan oriental, cette période s’étend de 2007 à 2016. Durant cette période, 700 800 hectares de couvert forestier ont été perdus, soit environ 5,5 % de la superficie totale de la province. L’étape suivante consiste à fixer un objectif de réduction des émissions pour la période du programme (2019-2024), sur la base du taux de déforestation moyen de la période de référence. Dans le cas du programme REDD du Kalimantan oriental, l’objectif de réduction des émissions est fixé à 27 %. Cette façon de procéder soulève au moins deux questions : Quel raisonnement amène à choisir une période de référence plutôt qu’une autre ? Et qui fait ces choix ? 

Dans la documentation du programme, la première période de référence choisie était 2006-2015. Toutefois, dans le document final du projet de 2019, c'est la période 2007-2016 qui a été adoptée. Cette modification apparemment minime a représenté un changement important, car la nouvelle période de référence incluait l’année 2016. Il s’agit d’une année record en termes de déforestation en Indonésie et dans le Kalimantan oriental ; des incendies de forêt massifs ont frappé l’Indonésie en 2015, mais n’ont été entièrement pris en compte que dans les chiffres de 2016, en raison d’un manque de données d’image sur les destructions de 2015 (voir graphique 1 ci-dessous).

Image
 Kalimantan oriental
Graphique 1 : Perte de couvert forestier dans le Kalimantan oriental - 2001-2023. Le niveau de référence, c’est-à-dire la période sélectionnée comme référence par le programme juridictionnel REDD du Kalimantan oriental, apparaît en orange ; il est comparé aux réductions d’émissions estimées ou au niveau de déforestation réduit au cours de la période du programme (2019-2024). (Chiffres fournis par Global Forest Watch)

Bien que les concepteurs du programme n’aient fourni aucune justification pour le changement de la période de référence, il est évident que la nouvelle période de référence permet au programme REDD d’obtenir plus facilement des « résultats ».  De plus, le taux de déforestation au Kalimantan oriental a diminué dans les années qui ont suivi 2016, en raison des politiques de l’État en réaction aux incendies de forêt de 2015 qui ont eu de graves répercussions. D’après la documentation du programme REDD, cela est dû à un moratoire national sur le défrichement des forêts primaires pour les plantations et l’exploitation forestière.

Une autre conséquence de ce niveau de référence « généreux » est que même si la déforestation a augmenté dans la province, en doublant presque de 79 200 hectares en 2022 à 161 000 hectares en 2023, le gouvernement provincial peut toujours prétendre avoir obtenu des « résultats », comme le montre le graphique ci-dessus. Cette augmentation de la déforestation est due, entre autres activités, à l’expansion des plantations de palmiers à huile (17).

Les parties prenantes qui définissent le niveau de référence et les cibles du programme sont aussi celles qui sont les plus intéressées à garantir des « résultats », et donc leur propre rémunération au titre du programme. Ces acteurs sont la Banque mondiale, le gouvernement du Kalimantan oriental, TNC et le WWF. 

Le programme REDD+ juridictionnel favorise également le commerce du carbone

En Indonésie comme ailleurs, les organisations environnementales et sociales ont tendance à critiquer les projets REDD privés beaucoup plus que les programmes REDD juridictionnels (18). Cela s’explique probablement en partie par la perception erronée selon laquelle les programmes REDD+ juridictionnels ne font pas intervenir de commerce du carbone, principale critique à l’encontre des projets REDD privés. Pourtant, les programmes REDD juridictionnels suivent la même logique axée sur le carbone, la comptabilité carbone et le commerce du carbone que tous les autres projets REDD. Et comme les autres projets REDD, ces programmes ont recours également à la même manipulation dans laquelle les promoteurs de projets définissent eux-mêmes les scénarios de référence et les « résultats ». 

Dans le cas du FCPF, la majeure partie de l’argent provient de gouvernements tels que ceux de la Norvège, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Mais depuis le début de ce projet, des fonds proviennent également d’entités privées, comme TNC et la compagnie pétrolière BP, qui espèrent recevoir des crédits carbone en retour (19).

Ces dernières années, le commerce du carbone semble jouer un rôle de plus en plus important dans le fonctionnement du FCPF. Depuis 2018, ce dernier collabore avec CORSIA, le système de compensation du secteur aérien. Selon la Banque mondiale, ce dispositif « devrait permettre de compenser plus de 2 milliards de tonnes de CO2 ». En 2023, le FCPF est devenu éligible pour fournir des crédits carbone à CORSIA. Fin 2023, le fonds a également commencé à proposer des crédits carbone à la vente sur le marché du carbone (20). Dans la dernière mise à jour du programme FCPF au Kalimantan oriental sur le site web de la Banque mondiale, le programme est classé comme « éligible à CORSIA », ce qui signifie que le programme REDD au Kalimantan oriental permettra à l’industrie aéronautique de se développer, tout en affirmant qu’elle ne nuit pas au climat. 

Réflexions finales

Cet article met en évidence un certain nombre de contradictions dans le programme juridictionnel REDD du Kalimantan oriental, qui se fonde sur l’hypothèse erronée selon laquelle REDD vise réellement à réduire la déforestation. Le programme REDD ne vise pas à mettre un terme à la déforestation, mais à créer davantage d’opportunités commerciales pour les industries extractives et les ONG de conservation à vocation commerciale, comme TNC et WWF – tout en augmentant les menaces qui pèsent sur les forêts et les communautés qui en dépendent.

En partant de cette hypothèse, le contenu de la plupart des documents du programme prend davantage de sens. Par exemple, la Banque mondiale décrit le Kalimantan oriental comme une province « riche en ressources naturelles, telles que le bois, le pétrole, le gaz et des sols fertiles ». Dans cette optique, il paraît tout à fait logique d’exclure le secteur minier du champ d’application de ce programme et de minimiser les principaux facteurs de la déforestation – l’exploitation forestière et l’huile de palme – en promouvant des systèmes de certification qui n’ont fait que contribuer à l’expansion de ces monocultures destructrices (21).

Comprendre que REDD est une politique qui menace les forêts permet également de mieux comprendre pourquoi l’accent est mis sur les activités de populations qui ne constituent pas une menace : les communautés dépendantes des forêts. La Banque mondiale les décrit comme « pauvres » dans le Kalimantan oriental – par opposition aux « riches » ressources naturelles. Selon la Banque mondiale, les populations rurales, telles que les communautés Dayak, sont particulièrement pauvres. Et le FCPF fait peser de nouvelles menaces sur leurs moyens de subsistance. Avec l’intervention d’ONG comme TNC et WWF en tant que « partenaires de mise en œuvre », l’accent est mis sur la création d’un plus grand nombre de zones protégées, sans habitants. Peu importe que la Banque mondiale et son programme REDD, favorable aux entreprises, ne freinent pas la menace d’une nouvelle expansion de l’exploitation minière, de l’exploitation forestière et de l’industrie de l’huile de palme. 

Pour donner une idée de ce que l’on peut réellement attendre du programme REDD au Kalimantan oriental, citons encore une fois un extrait de la documentation du programme, cette fois-ci, un passage d’une rare clarté au milieu de la vision floue de la Banque mondiale : « L’expansion de l’agriculture, de l’exploitation forestière, de l’extraction minière, de l’urbanisation et des projets immobiliers a entraîné non seulement une accélération de la conversion des terres, mais aussi une dégradation des forêts, réduisant ainsi les avantages environnementaux, ce qui aggrave encore la pauvreté. » 

Institut NUGAL, JATAM Kaltim et Secrétariat international du WRM

 Pour des raisons de sécurité, les noms des personnes ayant témoigné pour cet article ainsi que les noms de leurs communautés sont maintenus confidentiels.


    (1) Voir par exemple, ainsi que Programme des Nations Unies pour le développement
    (2) On trouve de plus en plus d’informations sur les « crédits carbone bidons » et les pratiques frauduleuses. De plus, les projets ont imposé des contraintes sur la vie des communautés dépendantes de la forêt qui prenaient déjà soin de la forêt. 
    (3) https://www.wrm.org.uy/fr/15-ans-de-REDD-PIREDD-Plateaux-RDC-conflits-et-mecanisme-de-gestion-des-plaintes
    (4) https://reddmonitor.substack.com/p/world-bank-funded-zambezia-integration
    (5) https://www.ykan.or.id/content/dam/tnc/nature/en/documents/ykan/laporan-kuartal-dan-tahunan-ykan/YKAN-Annual-Report_EN_.pdf
    (6) La documentation du programme se compose d’un ensemble confus de documents qui ont tous un contenu similaire, notamment la première « proposition pour l’état de préparation » ('readiness preparation proposal’), présentée au FCPF en 2009 et approuvée en 2011 ; la première ébauche du programme juridictionnel REDD de l’Indonésie présentée en 2014 ; et la proposition finale basée sur cette ébauche initiale qui se concentre sur le Kalimantan oriental : le Programme juridictionnel de réduction des émissions du Kalimantan oriental (EK-JERP), qui a été approuvé en 2019 et couvrait toute la province. Le programme EK-JERP affirme qu’il atteindra 22 millions de tonnes de « réductions vérifiées des émissions de CO2 » entre 2019 et 2024. En échange, la Banque mondiale s’est engagée à verser un montant pouvant atteindre 110 millions de dollars, sur la base d’un prix fixe de 5 dollars par tonne de CO2 et d’un plan de partage des bénéfices formulé par les gouvernements indonésien et du Kalimantan oriental.
    (7) TNC a réussi à lever des fonds auprès des gouvernements allemand (KfW/GIZ/FORCLIME), australien, norvégien, américain (un programme d’échanges dette-nature) et d’organisations caritatives comme Ann Ray Charitable Trust et Grantham Foundation. 
    (8) https://www.forestcarbonpartnership.org/history 
    (9) https://wwf.panda.org/es/?226019/Local-actions-lay-the-groundwork-for-REDD-implementation-in-Kutai-Barat-Indonesia
    (10) Par exemple, selon la documentation du programme, le Conseil régional sur le changement climatique (Dewan Daerah Perubahan Iklim) est un « partenaire clé » dans la mise en œuvre du programme REDD, et ajoute qu’il possède une « expérience significative » dans la « gestion des fonds de développement fournis par les donateurs ». Ce Conseil a été créé en 2011 et est strictement composé de représentants gouvernementaux, mais il a pu compter sur un « soutien substantiel » de la part de TNC (voir). C’est peut-être l’un des résultats de ce « soutien substantiel » qui a amené le Conseil à ouvrir la porte à la participation des ONG en 2017 et, par conséquent, à accroître leur influence dans le programme. Un autre exemple est fourni par la signature d’accords et de protocoles d’accord entre les ONG et le gouvernement provincial, comme l’a fait le WWF en 2018 autour de l’activité de mesure du carbone, une activité clé dans tout programme REDD. Selon le WWF, il s’agit du « premier modèle de coopération de données en ligne permettant de calculer, de suivre et d’établir des rapports sur les émissions de carbone en Indonésie »
    (11) https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2022/11/08/indonesia-receives-first-payment-for-reducing-emissions-in-east-kalimantan 
    (12) Gouvernement provincial du Kalimantan oriental, n° 500-4/15008/EK du 10/10/2023 concernant « Pembayaran Alokasi Insentif RBP FCPF-CF Untuk Kelompok Masyarakat ».
    (13) Ibid.
    (14) https://news.mongabay.com/2020/01/indonesia-capital-relocation-borneo-kalimantan-tycoons-coal-mining-pulpwood/ 
    (15) PT Pari Coal, propriété d’Adaro International Pte Ltd, PT Mitra Megah Indoprima et PT Alam Tri Abadi. PT Pari Coal s’est vu accorder une concession de 24 971 hectares pendant 30 ans par le gouvernement national le 01/02/2024. La zone est en partie à la frontière du Kalimantan central et du Kalimantan oriental, dans le nord de Barito et dans le district de Mahakam Ulu. Le charbon d’Adaro sera transporté par une route spéciale qui traverse le village de Geleo Asa dans le district de Kutai occidental ; un port est également en cours de construction pour faciliter le transport sur la rivière Mahakam. 
    (16) Ce chantier comprend deux projets de barrages hydroélectriques : l’un est une centrale de 1 375 MW qui aura un impact direct sur les rivières Mentarang et Tumbuh ; ce projet est déjà en construction et a déjà déplacé des communautés en partie autochtones ; le second est un barrage de 9 000 MW sur la rivière Kayan, dont la construction n’a pas encore commencé. Si ces deux projets étaient menés à bien, ils aggraveraient encore le chaos climatique, en raison des gaz à effet de serre qui seraient émis par la submersion de la forêt. En plus de fournir de l’électricité à la nouvelle capitale, l’énergie produite permettrait également d’alimenter un autre projet dévastateur dans la région qui a un impact sur d’autres communautés : le parc industriel vert du Kalimantan du Nord. De même, la zone côtière du Sulawesi occidental et central est en train d'être détruite pour draguer des roches qui seront utilisées comme matériaux de construction pour divers projets d’infrastructures d’IKN. Et lorsque le gouvernement indonésien promet d’en faire une ville « intelligente », cela signifie une ville qui repose sur le transport électrique. Tout cela alimente la demande en minéraux comme le nickel, ce qui a provoqué de graves violations des droits sociaux et environnementaux ainsi que des manifestations dans l’est de l’Indonésie, par exemple sur l’île de Halmahera. 
    (17) Sawit Watch, une organisation qui surveille les plantations industrielles de palmiers à huile et leur expansion en Indonésie, a observé une tendance à l’expansion du palmier à huile ces dernières années. En outre, ces chiffres sont en désaccord avec les données officielles concernant la superficie des plantations industrielles de palmiers à huile dans le Kalimantan oriental, estimée à 1,287 million d’hectares par le ministère de l’Agriculture. Sawit Watch estime que la superficie des plantations de palmiers à huile dans le Kalimantan oriental est de 3 millions d’hectares (Rapport et projection, plantation de palmiers en Indonésie 2023, Sawit Watch)
    (18)  https://www.aman.or.id/filemanager/files/surat_terbuka_perdagangan_karbon_2023_231013_120638.pdf
    (19) https://www.forestcarbonpartnership.org/donor-participants
    (20)  https://www.forestcarbonpartnership.org/sites/default/files/documents/_web_world_bank_2023_fcpf_annual_report_r01.pdf
    (21) https://www.wrm.org.uy/fr/autres-informations/declaration-a-signer-rspo-incapable-depuis-14-ans-deliminer-la-violence-et-la-destruction-generees-par
 

Les organisations de terrain d’Afrique de l’Ouest et du Centre réaffirment leur détermination à lutter contre les monocultures d’arbres et pour la défense de leurs terres et forêts ancestrales

Depuis près de dix ans, l’Alliance informelle contre l’expansion des monocultures industrielles en Afrique de l’Ouest et du Centre joue un rôle important en mettant en contact des organisations de terrain et des militants, et en renforçant la résistance contre l’accaparement des terres et d’autres attaques des sociétés d’huile de palme et d’autres sociétés de plantations dans la région. 

En novembre dernier, des militants communautaires et des organisations de terrain membres de l'Alliance, issus de 10 pays, se sont réunis lors de leur Assemblée générale pour réaffirmer leur détermination à défendre leurs terres ancestrales et à continuer à résister aux intérêts néocoloniaux et à la prise de contrôle des terres des communautés par les grandes entreprises. 

Voir ci-dessous la déclaration complète :

Gabon, Novembre 2024

LA DECLARATION DE MOUILA 
de l’Alliance Informelle de lutte contre l’Expension Industriels 
de Monoculture d’arbres

Nous, membres de l’Alliance Informelle de lutte contre l’Expension Industriels de Monoculture d’arbres , reunis a la 6eme Assemblee Generale, a Mouila au Gabon du 19 au 22 Novembre 2024 , representant les communautés et organisations du Gabon, Nigeria, Cameroune, Sierra Leone, Congo Brazaville, Liberia, Ghana, Congo Kinshassa, Cote d’Ivoire et Ouganda sommes profondément engagés dans la lutte contre l'accaparement des terres notamment par celle des plantations industrielles d'arbres. ADOPTONS cette Déclaration qui marque notre conviction a l'importance vitale de la reconnaissance et du retour à la propriété foncière ancestrale communautaire en Afrique, pour le bien-être des primo-occupants.

NOUS RECONNAISSONS QUE :

• Les terres ancestrales abritent des communautés de personnes ayant une culture traditionnelle et une connaissance de la nature ; 
• Les femmes jouent un rôle essentiel dans la défense de leurs terres et forêts ancestrales ;
• Les terres ancestrales des communautés en Afrique ont une valeur intrinsèque et méritent le respect quelle que soit leur utilité pour les habitants et l'humanité dans son ensemble ;
• La richesse naturelle, les droits et la liberté sur leurs terres sont aujourd'hui érodés d'une manière et à un rythme effrénés et sans précédent en raison de politiques de développement délibérément néfastes, inscrites dans l'héritage colonial ;
• Les territoires communautaires ancestraux illégalement occupés pendant les régimes gouvernementaux coloniaux et post-coloniaux en tant que concessions à des entreprises pour le développement commercial violent les droits du peuple et constituent donc de graves crimes contre l'humanité, est une illégalité quelle que soit l'époque où ils ont été commis ;  

NOUS RECONNAISSONS EN OUTRE QUE :

    • Les gouvernements post-coloniaux ont failli à leurs responsabilités en ne donnant pas une véritable indépendance aux communautés mais en priorisant plutôt les intérêts coloniaux des agents étrangers en promulguant des lois néo-communautaires pour déloger et voler les communautés de leurs terres ancestrales en utilisant diverses notions opaques de terre nationale et/ou de gouvernement propriété foncière;
    • Les menaces causées par les actes inadéquats consistant à s'emparer des terres ancestrales et à les attribuer sous forme de concessions à des entreprises ont entraîné des difficultés indicibles, des violences et des dommages irréparables tels que la perte de vies humaines et de biodiversité, une pauvreté enracinée due à la perte des moyens de subsistance et des biens communautaires, des grossesses précoces, et la violence basée sur le genre, etc.
    • Les pays africains qui ont obtenu leur indépendance dans les années 1960 et 1970 considèrent aujourd'hui les terres communautaires comme appartenant à l'État pour accorder des concessions à des entreprises sans le consentement libre, préalable et éclairé des véritables propriétaires fonciers ancestraux.

NOUS NOUS ENGAGEONS À : 

    • Promouvoir et défendre les pratiques agroécologiques et la souveraineté alimentaire comme forme de résistance ;
    • Faciliter la création d'un réseau dynamique des communautés, d'activistes et d'ONG coopérant aux niveaux local et international pour comprendre les stratégies et tactiques utilisées par les entreprises pour voler les terres ancestrales des communautés et développer d'autres stratégies et tactiques pour guider les communautés à mettre fin à l'accaparement des terres et récupérer les terres illégales précédemment occupées conformément aux objectifs de l'Alliance ;
    • Développer des mécanismes qui permettent à tous les secteurs de la société, en particulier aux populations locales de longue date, de commencer le voyage de manière non-violente et de faire valoir leurs droits ancestraux affectueusement appelés par certains gouvernements comme terres nationales et/ou terres de l'État, être partenaires dans la planification, la mise en place d'initiatives qui ajoute de la valeur à la terre ancestrale;
    • Renforcer l'éducation à la résistance non-violente et proposer une formation qui améliorera leur capacité à affronter les gouvernements et les entreprises qui veulent s'emparer de leurs territoires.
    • Plaider au pret des autorites pour l’acces des jeunes a la terre en milieu rural, faciliter leurs formations et accompagnements.

RECONNAISSANT que l'action visant à protéger les richesses vivantes et la beauté des terres ancestrales dépend du plein engagement des populations locales concernées, NOUS NOUS ENGAGEONS à travailler de tout cœur pour mettre en œuvre les dispositions de cette Déclaration.

SOULIGNANT que la reconnaissance des terres ancestrales est essentielle au maintien de la société humaine et à la conservation de notre planète, NOUS INVITONS LES MEMBRES ET AMIS DE L'ALLIANCE à diffuser largement cette Déclaration dans le but de garantir que les conclusions soient incorporées dans les activités quotidiennes.


Signé par

  • Membres des communautés du Gabon
  • Musiru Divag de Fougamou Gabon
  • Institute of sustainable Agriculture, Grand Bassa county, Jogba clan, Libéria
  • Women’s Network Against Rural Plantations Injustice (WoNARPI), Sierra Leone
  • Chapitre de l'Alliance Ouganda
  • Witness Radio, Ouganda
  • Nature Cameroon, Cameroun
  • Synaparcam, Cameroun
  • COPACO, RDC
  • RADD,  Cameroun
  • Struggle to Economize Future Environment (SEFE), Mundemba, Cameroun
  • CPPH, Cote d’Ivoire
  • Collectif des Ressortissants et Écologistes des Plateaux Bateke, Gabon
  • REFEB, Cote d’Ivoire
  • YVE Ghana
  • JVE Côte d'Ivoire
  • Association Gulusenu du village Doubou, Gabon
  • Muyissi Environnement, Gabon 
  • Komolo Agro Farmers Association Kiryandongo, Ouganda
  • Ndagize julius, East African, Ouganda
  • LOOK GREEN, CARE FOUNDATION, Nigeria
  • Association les Rassembleurs du Village Mboukou, Gabon 
  • Joegba United Women Empowerment and Development Organization (JUWEDO), Libéria
  • COLLECTIF ADIAKE. Cote d’Ivoire 
  • CNOP, Congo 
  • Maloa, Sierra Leone
  • World Rainforest Movement     
  • GRAIN