La date du 26 septembre 2007 ne sera pas facilement oubliée en Intag, la zone subtropicale anti-minière du Nord-Ouest de l’Équateur. Après des mois d’attente, le ministère des Mines et du Pétrole a finalement annoncé la suspension des activités minières de la société canadienne Ascendant Copper, titulaire de concessions dans la région. La décision du ministre Galo Chiriboga est fondée sur le fait que l’entreprise a enfreint la loi en commençant ses activités sans avoir demandé les autorisations et les rapports correspondants de la municipalité de Cotacachi.
Cette décision concerne 9 504 hectares de concessions et implique que la société minière ne peut pas faire d’activités d’extraction, d’administration ni de rapprochement de la communauté. Malheureusement, il ne s’agit pas d’une décision définitive ; selon le ministre Chiriboga, elle sera maintenue jusqu’au moment où la société aura renégocié les conditions de son contrat et de sa présence dans la zone. Le gouvernement serait en train d’examiner d’autres concessions également.
Cela montre que les populations peuvent réussir à défendre leur souveraineté et leurs intérêts lorsqu’elles en ont la volonté ferme et que les circonstances politiques leur sont favorables. Des décisions semblables pourraient être prises à l’égard d’autres concessions minières à d’autres endroits du pays.
Au départ, les communautés de l’Intag affectées par le projet minier et par la présence de l’entreprise se sont montrées pessimistes car, comme l’a signalé le conseiller municipal Luis Robalino, originaire de l’Intag, « c’est la quatrième fois qu’on annonce la même chose, mais l’entreprise est toujours dans la région ». Pourtant, les gens sont devenus plus optimistes lorsque les fonctionnaires gouvernementaux sont arrivés pour fermer les bureaux de l’entreprise.
Lors d’une conférence de presse convoquée début octobre pour faire connaître la satisfaction suscitée par la décision gouvernementale, on a évoqué quelques-unes des raisons pour lesquelles la population ne souhaite pas la présence de l’entreprise minière dans la région. D’après l’économiste Auki Tituaña, maire de Cotacachi, le président du Conseil des communautés Polibio Pérez et d’autres leaders de la zone, l’entreprise a eu dès le début l’intention de diviser les communautés pour faciliter son entrée dans la zone et les opérations prévues.
Pendant les trois années qu’a duré la présence d’Ascendant Copper dans la région, il y a eu des incidents avec des paramilitaires qui ont tiré sur les paysans et les paysannes et qui se sont servis de chiens dressés et de gaz lacrymogènes. Il y a eu des intimidations, sous forme de plaintes et de procès, contre une centaine de paysannes et de paysans, pour essayer d’étouffer – sans succès – la résistance. Beaucoup d’entre eux ont été acquittés par les tribunaux de la province d’Imbabura ; aucun n’a été condamné.
De son côté, le maire a dénoncé les rapports de l’entreprise avec « des ex-militaires, des paramilitaires, des mercenaires, des trafiquants de drogue et des politiciens corrompus ». Il a dit aussi : « ils ont pensé qu’en me proposant 60 ou 70 millions de dollars, comme ils l’ont fait un jour, ils allaient obtenir mon appui, mais mon prix est bien plus élevé, c’est le prix de la mine » (d’après le directeur d’Ascendant Copper Francisco Veintimilla, la valeur de l’entreprise serait d’au moins 110 milliards de dollars). Et il a ajouté : « Mais franchement, je préfère qu’ils laissent intacts les arbres, la faune et la flore, et qu’ils respectent le modèle de développement que nous avons choisi pour nous, pour l’Intag et le Cotacachi ».
Il parle de la forêt tropicale brumeuse, d’une valeur biologique immense, qui se trouve juste au-dessus de la mine de cuivre. Depuis l’arrivée de l’industrie minière « nous avons même réussi à freiner la coupe traditionnelle que faisaient nos parents », a dit Polibio Pérez. « À présent, nous accordons bien plus de valeur à la conservation. »
Ascendant Copper se trouve dans la région depuis 2004, mais la résistance contre l’industrie minière remonte à 1997. Pendant cette période, beaucoup d’initiatives ont été mises en œuvre dans la région, de sorte que l’Intag est devenu un modèle de production alternative : agriculture, tourisme, artisanat, coopératives, organisations et d’autres activités donnent du travail à des centaines de familles de la zone. Les incidents provoqués par cette entreprise minière et par d’autres dans diverses régions de l’Équateur ont donné naissance à une organisation pour la défense de la vie et des droits de l’homme (‘Coordinadora en Defensa de la Vida y los Derechos Humanos’).
On estime que près de 95 % des habitants de Cotacachi, y compris les autorités, sont contre l’activité minière (cf Bulletin nº 118 du WRM). « C’est pour défendre les intérêts de l’État, de la province, du canton et de la zone », disent-ils. Interrogés à propos de la possibilité d’une consultation populaire, ils se montrent d’accord, à condition qu’elle soit transparente et qu’elle ne soit pas organisée par la société transnationale mais par l’État équatorien.
Pour l’instant, l’entreprise s’en va mais elle laisse derrière elle la division et les conflits entre frères, parents, voisins et anciens amis. D’après les plaintes, certains membres de la communauté « recevaient un salaire de 300 dollars pour jouer au volley-ball ». Tant qu’il y aura des gisements de cuivre, la zone restera sous la menace latente de l’industrie minière.
En attendant, l’Équateur prépare l’Assemblée constituante qui rédigera la nouvelle constitution du pays. Très probablement, elle sera présidée par Alberto Acosta, ministre de l’Énergie et des Mines de la législature actuelle pendant une courte période. À maintes reprises, celui-ci a fermement déclaré son intention de faire de l’Équateur un pays sans industrie minière à grande échelle.
Guadalupe Rodríguez, adresse électronique : guadalupe@regenwald.org