Comme les gouvernements étatiques de bien d’autres régions de l’Inde, celui de l’État de Jharkhand est en train de planifier, au nom du « développement » et de la « réduction de la pauvreté », une expansion industrielle de grande portée dans toute la région. À la grande déception des mouvements populaires du Jharkhand, les autorités du gouvernement récemment élu ont l’intention de maintenir les accords passés par le gouvernement étatique précédent avec les principales entreprises minières et sidérurgiques. En échange d’un investissement de 169 198 crores de roupies (environ 3,8 milliards USD), ces accords permettent aux entreprises d’acquérir massivement des terres, ce qui se traduira par le déboisement de non moins de 57 000 hectares de forêts et le déplacement de 9 615 familles, dont beaucoup appartiennent aux zones légalement protégées réservées pour les peuples indigènes adivasi de l’État.
Dans le district de Ranchi, par exemple, la société britannique Arcelor Mittal prévoit d’occuper les terres et les forêts tribales de Karra Block pour y installer, avec l’appui du gouvernement de l’État, une énorme usine sidérurgique. Tout le plan a été mis en place sans avoir consulté ni obtenu le consentement préalable des Adivasi concernés, ce qui constitue une violation flagrante des lois pour la protection des peuples autochtones, dont la 5e Annexe à la Loi sur le droit d’usufruit de Chotanagpur (1908) et l’Arrêt de Samata.
Ces deux dernières années, les mouvements indigènes et populaires du Jharkhand se sont mobilisés pour contrer ces projets officiels de développement industriel massif dans tout l’État. Les mouvements populaires disent catégoriquement « non » au déplacement que provoque l’industrialisation et rejettent toute ingérence des « agents de liaison communautaire » des entreprises et des politiciens et activistes des partis politiques dans les affaires et la prise de décision locales.
À Karra Block, les Adivasi ont lancé une campagne pour sauver leurs terres et leurs forêts traditionnelles et ils ont formé une organisation militante dénommée Ottehasa Horo Sangathan (Organisation des gens de la terre). Udikel est l’un des 144 villages menacés de déplacement où les gens se sont organisés pour résister au développement imposé du haut.
Nandi Pahan, leader du Panchayat d’Udikel, affirme que sa communauté n’échangera jamais ses forêts et ses champs contre des zones industrielles :
Tout se trouve ici, dans nos terres traditionnelles : nos foyers, nos champs, nos forêts, nos cimetières et nos sites cérémoniels. Cette terre est sacrée pour nous. C’est ici que nous célébrons notre festival Baha (fête des fleurs) et d’autres cérémonies. Dans la forêt se trouvent nos sarna particuliers (lieux de prières). Ainsi, notre terre fait partie de notre mode de vie. Nous ne la cèderons pas. Si nous renonçons à elle, que mangerons nous ? Où irons-nous planter ?
Il a l’appui d’autres leaders de la communauté :
« La forêt est très importante pour nous. Nous cueillons des fruits, comme le karanj, et des médicaments. Nous récoltons des produits forestiers mineurs pour les vendre. Nous y avons nos jardins où nous plantons des manguiers et des tamariniers. Nous y trouvons des matériaux de construction pour nos maisons et pour faire des outils, y compris notre outillage agricole. Comment une usine pourrait-elle remplacer tout cela ? C’est notre culture et notre subsistance. Nous ne pouvons pas renoncer à cette terre. » [Devar Pahan, village d’Udikel]
Dans le district de Seraikella Karshwan, les entreprises minières et sidérurgiques ont fait pression sur les villages adivasi pour qu’ils leur cèdent leurs terres et forêts traditionnelles. Au moins 39 villages de quatre Panchayats du district rapportent que des représentants des entreprises leur ont rendu visite ces dernières années pour essayer de les persuader. Le Panchayat de Dalbhanga, par exemple, a subi constamment des pressions pour qu’il autorise l’extraction de calcaire, et les agents de l’entreprise n’ont cessé leur harcèlement qu’après une manifestation massive contre la mine proposée. Dans le Panchayat de Rugudi, la société Magila L Phonta a demandé un permis d’extraction d’or qui affecterait les villages de Ramdih et Mutugarha.
Là aussi les villageois se sont opposés à ces plans et ont rejeté les avances des agents de l’entreprise, en partie en organisant de nombreux rassemblements, en 2005 et 2006, pour protester contre l’établissement d’industries minières dans leurs terres.
« Nous ne voulons pas céder notre terre et nos droits coutumiers à personne, qu’il s’agisse du gouvernement ou d’entreprises privées. Notre terre et nos forêts sont la source de vie de nos communautés. Pour nous, la forêt et la terre sont tout ! Nous ne permettrons jamais aux entreprises ni à l’État de nous les prendre ! » [Mangal Singh, village de Batani, Panchayat de Torandih]
« Si les entreprises minières viennent ici, cet endroit deviendra pareil à l’île de Kolapani (lointaine et solitaire) : ce sera l’enfer. Ce sera un lieu épouvantable. Toute la verdure disparaîtra et notre terre se perdra. Notre santé va se détériorer et nos plantes médicinales seront détruites. L’entreprise a beau promettre de remplacer notre forêt, ce seront des arbres pernicieux qui épuiseront l’eau du sol. Ces arbres (des eucalyptus) ne sont utiles à personne ici, pas même aux animaux. C’est pourquoi nous ne renoncerons pas à nos droits. » [Ghopal Singh Munda, village de Siyadia, Panchayat de Rugudi, Buchei Block, Bakas Mundari Khuntkatti et Secrétaire général de Samiti Rakshe Evam Vikas]
Pour en savoir plus :
Pour des informations supplémentaires sur les dangers pour les forêts et les indigènes et sur le mouvement populaire d’opposition aux mines et aux activités industrielles au Jharkhand, contactez Sanjay Bosu Mullick, du Jharkhand Save the Forest Movement (rch_sanjay@sanchart.in) et Tom Griffiths, Forest Peoples Programme (tom@forestpeoples.org). Voir aussi un article plus détaillé et des photos sur : http://www.forestpeoples.org/documents/asia_pacific/india_jharkhand_feb07_eng.pdf