Plus de 400 jeunes des deux sexes ont participé le 13 mai à une manifestation contre les plantations de l'entreprise japonaise EUCAPACIFIC dans la localité de Tortuga, située dans le canton de Muisne de la province d'Esmeraldas (voir http://www.wrm.org.uy/paises/Ecuador/Muisne_sin_eucaliptos.pps ).
Cette action, qui avait été annoncée publiquement la veille à Muisne, fait partie de l'opposition croissante contre les grandes monocultures d'eucalyptus de l'entreprise mentionnée, lesquelles ont eu des incidences profondes sur la région du fait qu'elles ont épuisé l'eau, la flore et la faune autrefois abondantes que la population locale utilisait, et qu'elles ont même expulsé les habitants de la région.
Parmi les nombreux témoignages recueillis au cours d'une enquête récemment menée, que le WRM a publiée (Granda, Patricia : Monocultivos de árboles en Ecuador ), celui qui suit résume la situation :
« Le peuple se voit affecté... les fleuves se tarissent, les arbres, la nature s'épuise, les animaux s'enfuient, ce qu'ils sèment fait que tout s'écroule, il n'y a plus autant d'espèces qu'avant... Les gens allaient chasser le paca, le lapin, tous ces animaux-là, mais ils ne peuvent plus le faire parce qu'il n'y a plus de montagne où l'on puisse aller chasser. Tout ce qui appartient à la nature est mis en fuite, ils [les animaux] avaient au moins des arbres où ils pouvaient vivre et faire leur gîte, mais il ne reste plus rien de tout cela parce qu'ils ont tout coupé. Il n'y a que des eucalyptus. »
Dans le cas de Tortuga, le fleuve qui traversait le village n'est plus qu'un filet d'eau stagnante ; les gens ont dû creuser un puits dans le lit du fleuve pour se procurer de l'eau. Cette situation est une conséquence directe de la plantation de vastes étendues d'eucalyptus dans la région. À cet égard, un habitant de la zone dit :
« Voici le fleuve Tortuga ; regardez, il est presque sec. Pourtant, l'hiver vient de finir. Plus tard il n'y aura plus d'eau. Moi, je ne savais pas, mais on nous l'a expliqué. Si nous avions su dès le début que c'était mauvais, ils n'auraient rien planté, nous l'aurions évité... »
L'entreprise a été accusée d'enfreindre la loi en défrichant des étendues de forêt tropicale pour faire des plantations d'eucalyptus. Un habitant de Tortuga raconte qu'ils « ont tout abattu et n'ont planté que cette plante-là [l'eucalyptus]. L'entreprise a coupé des forêts primaires : là-bas, dans mon champ, il y avait une forêt que j'avais préservée ».
D'autre part, EUCAPACIFIC a violé les normes légales en plantant à moins de 30 mètres du fleuve Tortuga. L'action menée par les jeunes a consisté à couper – à la machette, à la hache et à la tronçonneuse – près de 2 000 arbres situés dans la bande illégalement plantée par l'entreprise en bordure du cours d'eau. Chaque fois qu'un nouvel arbre tombait, les applaudissements et les cris des jeunes accompagnaient sa chute.
José Bautista, un habitant de la région, a dit que l'abattage des arbres avait été le dernier recours qui leur restait pour obliger l'entreprise forestière à prendre au sérieux le problème environnemental. À ce propos, il raconte : « Nous avons parlé avec la ministre de l'environnement, elle est venue et elle a dit qu'elle allait suspendre les permis de plantation d'arbres. Plus tard ils nous ont convoqués à une réunion avec Eucapacific, qui a dit que ces plantations n'existaient pas, et ils l'ont cru. »
Donc, l'action des jeunes ne peut même pas être considérée comme illégale, puisque, d'après l'entreprise, ces arbres « n'existent pas ». Or, les machettes et les tronçonneuses montraient bien qu'ils existaient et que, si la justice était appliquée, EUCAPACIFIC devrait payer non seulement les amendes correspondantes mais le salaire des jeunes qui ont éliminé les arbres que l'entreprise aurait dû couper. Pourtant, l'entreprise a déjà menacé de porter en justice les personnes et les organisations concernées.
Sur ce fond d'opposition croissante aux plantations, l'ONG équatorienne Acción Ecológica a publié le 17 mai sa « proposition sur les plantations forestières », qui dit :
« Acción Ecológica vient de publier les résultats d'une recherche où sont documentées les graves conséquences sociales et environnementales des monocultures de pins et d'eucalyptus, aussi bien dans la région andine que dans la province d'Esmeraldas. Nous estimons que les conclusions de cette recherche montrent qu'il n'est pas convenable de promouvoir la plantation de pins et d'eucalyptus, pour les raisons suivantes :
1. Elles déplacent des populations paysannes.
2. Elles privent les populations locales de ressources d'importance vitale.
3. Elles occupent des terres productrices d'aliments.
4. Elles augmentent la pauvreté dans les régions où elles sont installées.
5. Elles créent moins d'emplois que ceux qu'elles éliminent.
6. Elles détruisent les économies locales.
7. Elles épuisent les ressources hydriques de la région.
8. Elles portent atteinte grave à la diversité de la flore et de la faune.
9. Elles dégradent les écosystèmes de forêt et de savane.
• Elles polluent les réserves d'eau par des produits chimiques et des pesticides.
Le gouvernement national délibère à présent sur la stratégie forestière. Sur la base de ce que nous venons de dire, nous souhaitons rendre publique notre proposition concernant les plantations forestières :
1. Nous exigeons que l'État prenne toutes les mesures nécessaires pour enrayer l'expansion des monocultures d'arbres.
2. L'État ne doit pas encourager l'établissement de plantations par des avantages directs ni indirects, et il ne doit pas octroyer des terres en concession à cette fin.
3. Toute plantation future devra être soumise à une évaluation préalable de son incidence sur l'environnement et à d'autres instruments de gestion environnementale (audits), et respecter toutes les normes environnementales en vigueur, y compris la consultation préalable et informée des communautés concernées, lesquelles auront le droit de dire NON.
4. L'État doit obliger les entreprises forestières à retirer les arbres de toutes les plantations qui sont en train de perturber les ressources naturelles et les économies des populations locales, et à réparer les dommages environnementaux et sociaux que ces populations ont subis.
5. L'État doit obliger les entreprises à enlever tous les arbres illégalement plantés, par exemple, ceux qui se trouvent à moins de 30 mètres de tous les cours d'eau. »
En bref, Acción Ecológica demande que l'on reconnaisse que ces monocultures ont des conséquences graves pour les gens et l'environnement, et que l'État a donc l'obligation de contrôler celles qui existent et d'éviter qu'elles continuent de se multiplier.
Article rédigé à partir d'informations tirées de : rapport sur le voyage en Équateur de Ricardo Carrere, mai 2006 ; Granda, Patricia : Monocultivos de árboles en Ecuador ( http://www.wrm.org.uy/paises/Ecuador/Libro2.html ) ; Acción Ecológica : “Nuestra propuesta sobre plantaciones forestales” ; journal El Comercio : “Una protesta contra la siembra de eucaliptos”, 17/05/06, http://www.elcomercio.com/noticia.asp?id=42461&seccion=8 .