Brésil : Veracel condamnée à une amende pour délit environnemental à Bahia

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Fin décembre, l’Ibama (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables) a condamné Veracel Celulose au paiement d’une amende de R$ 320 000. L’Ibama avait constaté, au moyen d’images satellite et de GPS, des irrégularités commises par l’entreprise, consistant à empêcher ou gêner la régénération naturelle de la “Mata Atlântica” (forêt atlantique brésilienne) sur 1 200 hectares et aggravant encore plus la situation de ce biome. Une fois encore, la fausseté de Veracel, qui se déclare protectrice de la “Mata Atlântica”, se voit démasquée.

Depuis des année déjà, les ONG de l’extrême Sud de Bahia formulent des plaintes et exigent que les organismes fédéraux et étatiques responsables de l’environnement – IBAMA et CRA – jouent le rôle qui leur revient et enquêtent sur les diverses irrégularités environnementales commises par l’entreprise Veracel Celulose, associée à l’entreprise brésilienne Aracruz et à la société suédo-finnoise Stora Enso pour la plantation d’eucalyptus.

Veracel Celulose (autrefois Veracruz Florestal) a été souvent coupable d’atteintes à l’environnement, comme le prouve l’action civile publique nº 93.01.1000399-5 d’avril 1993, intentée par plusieurs organisations, dont Greenpeace, Gambá (Groupe environnementaliste de Bahia) et Cepedes (Centre d’études et de recherches pour le développement de l’extrême Sud de Bahia). Avec des caméras, on avait constaté que l’entreprise utilisait des chaînes, des tracteurs et le brûlage à grande échelle dans des secteurs de la Mata Atlântica qui étaient en cours de régénération moyen et avancé, ce qui constituait une violation de l’article 1 du Décret 750 de février 1993, qui dit : “La coupe, l’exploitation et la suppression de végétation primaire ou en cours de régénération de niveau moyen ou avancé sont interdites dans la Mata Atlântica.”

Depuis son site Internet, l’entreprise proclame qu’elle s’engage, entre autres, à “respecter l’environnement, générer la richesse et l’emploi, promouvoir l’amélioration de la qualité de vie de la population et faire obtenir des profits aux actionnaires”.

D’après l’Ibama, la Mata Atlântica possède 383 espèces de faune menacées, dont 125 en péril d’extinction. La situation est très grave à l’extrême Sud, car la monoculture de l’eucalyptus utilise de grandes étendues de plaines et ne laisse que quelques dépressions du terrain et quelques îlots de terres escarpées comme “refuge” de la faune sauvage. Beaucoup d’espèces n’habitent pas ou ne sont pas adaptées aux reliefs accidentés et sont en train de disparaître, en particulier les espèces endémiques et rares. Pour aggraver encore les choses, ces îlots de végétation indigène noyés dans un océan d’eucalyptus ne sont pas reliés entre eux. La plantation d’eucalyptus ne fonctionne pas comme un couloir écologique car, comme les environnementalistes, les scientifiques, les hommes d’affaires et les techniciens du gouvernement le savent bien, les espèces ne la traversent ni ne s’en servent.

Au nom du “développement” de la région, on détruit le patrimoine biologique qui reste de la Mata Atlântica, provoquant l’indignation et les protestations de la société civile organisée. Le mépris et la convoitise des défenseurs de ce modèle de “développement”, le gouvernement et les milieux d’affaires, encouragent les atteintes criminelles contre la nature et la société, privant ainsi les générations futures du droit à la diversité biologique, à la beauté du paysage et à la qualité de vie, pour que certains groupes et personnes s’enrichissent. Nous avons vu à plusieurs reprises l’ambassadeur de Finlande aux émissions de télévision brésiliennes, où il a dit que la Finlande possède la meilleure qualité de vie du monde ; pourtant, ce sont des groupes de ce pays-là qui favorisent la destruction et la misère dans les pays du Sud, en imposant des projets à la population sans aucune transparence ni respect.

Une autre source d’inquiétude est le respect par l’entreprise de toutes les conditions établies. Ces conditions sont fixées par les organismes chargés d’autoriser la plantation d’eucalyptus et la construction des usines, en fonction des divers impacts du projet. Or, ces organismes reconnaissent qu’ils n’ont pas la capacité technique pour effectuer le suivi du projet et ne le supervisent donc pas comme il faudrait. Connaissant cette carence de la part des gouvernements, les entreprises en profitent pour commettre des abus.

Les recherches menées chez les communautés voisines par suite de la construction de l’usine de Veracel ont permis à CEPEDES de constater qu’à aucun moment l’entreprise n’a employé la main d’oeuvre locale. Par contre, elle a utilisé des crédits, y compris ceux de la BNDES (Banque nationale de développement économique et social), pour construire des logements dans les villes et districts des alentours (Itagimirim, Itapebi, Barrolandia) et faire venir des travailleurs d’autres régions du pays. Quand l’usine a été prête beaucoup d’entre eux sont retournés à leur lieu d’origine, tandis que d’autres sont restés sur place. Cette démarche contribue à augmenter le chômage, la misère et la violence.

Cet épisode montre surtout que le discours environnementaliste de l’entreprise est très éloigné de ses pratiques. L’expérience des presque quatorze dernières années nous permet d’affirmer que la seule déclaration véridique qu’elle ait faite concerne les profits de ses actionnaires, dont nous avons pu vérifier, à l’occasion de diverses déclarations, qu’ils étaient de plus en plus grands. Le vice-président de Stora Enso, Magnus Diesen, considère comme réelle la possibilité d’une deuxième usine, et déclare : « une Veracel II représenterait un grand progrès pour l’entreprise. La capacité additionnelle de cette unité pourrait dépasser de quelque peu la production actuelle, grâce au développement technologique. Ainsi, nous pourrions atteindre un volume supérieur au double de la capacité actuelle ». La perspective est d’autant plus inquiétante que l’extrême Sud de Bahia ne supporte plus de grandes monocultures d’eucalyptus et que les problèmes existants sont déjà innombrables.

Ivonete Gonçalves, CEPEDES – Centro de Estudos e Pesquisas para o Desenvolvimento do Extremo Sul/Bahia, adresse électronique : cepedes@cepedes.org.br