L’intégrité du Parc national Yasuní (PNY), situé au coeur de l’Amazonie équatorienne, est en péril en raison du démarrage imminent des activités pétrolières de l’entreprise étatique brésilienne Petrobras (Petrobras Energia Ecuador).
Le PNY est le plus grand parc de l’Équateur continental, et il se trouve dans une des régions les plus importantes de la planète du point de vue de la biodiversité. L’évaluation d’impact environnemental effectuée pour Petrobras par la société Walsh a découvert qu’une parcelle de forêt de 0,25 ha contenait 95 espèces différentes de plantes. S’agissant d’une région de forêts amazoniennes inondables, les caractéristiques du sol font que l’écologie du PNY soit extrêmement fragile.
Mais l’importance du parc ne réside pas seulement dans sa biodiversité. En effet, le PNY est aussi le foyer du peuple autochtone Huaorani. Ce peuple est en danger à cause des activités des sept entreprises pétrolières qui opèrent dans son territoire et qui ont déjà provoqué des altérations profondes dans leur environnement et leur culture.
L’eau des fleuves et des puits où ils boivent, se baignent ou lavent leurs vêtements a été polluée par des déversements de pétrole brut. Les routes et les oléoducs ont dévasté la forêt et mis la faune en fuite, et constituent un danger pour les communautés qui habitent à proximité. La pollution a provoqué une dégradation de la qualité de vie des Huaorani (qui doivent maintenant marcher jusqu’à douze heures par jour pour chasser ou pêcher), et les a mis en situation de dépendance (car l’entreprise leur remet des repas tout prêts, en application des accords qu’elle a passés avec la communauté pour compenser les impacts de ses activités). La présence des entreprises pétrolières a apporté aux Huaorani des maladies jusque-là pratiquement inconnues (hépatite, syphilis, etc.), et a fait augmenter l’incidence d’affections de la peau, de l’appareil digestif et du système respiratoire en raison de la pollution environnementale.
Une mission de vérification internationale qui s’est rendue au Parc national PNY a conclu que la relation établie par les entreprises Repsol et Encana avec les communautés Huaorani est une relation de contrôle, de domination et de dépendance qui implique une violation du droit de ce peuple à l’autodétermination et qui porte atteinte à la culture, aux valeurs et aux connaissances sur lesquelles est fondé leur mode de vie. Cela suppose en outre que l’État manque à son devoir de protection des droits en question. Sur la base de ses observations, la mission considère que l’entrée de Petrobras dans la région représente une menace pour sa préservation et pour l’intégrité de ses habitants (le rapport de mission figure en portugais à l’adresse : http://www.wrm.org.uy/paises/Ecuador/Yasuni.html )
De son côté, Petrobras a effectué une évaluation d’impact environnemental pour ses opérations pétrolières dans la parcelle 31. L’organisation équatorienne Acción Ecológica, commentant cette évaluation, parvient aux conclusions suivantes :
« Malgré leurs défauts, ces études révèlent que les impacts de cette activité seront considérables, que l’entreprise ne possède pas de plan d’aménagement environnemental ni d’évaluation appropriée des risques, et qu’elle n’a pas non plus de plan de prévention pour assurer la conservation de cette région d’une si grande valeur écologique et culturelle.
Les pratiques de fonctionnement proposées dans l’étude indiquent que la technologie à utiliser sera médiocre, qu’il y aura des déversements de déchets toxiques dans l’environnement, et que l’infrastructure à utiliser sera bon marché.
Mais ce qui est encore plus grave est que le projet violera les droits collectifs des peuples autochtones et les droits environnementaux de tous les Équatoriens, car il s’agit d’une région qui appartient au patrimoine national du pays. »
Acción Ecológica a identifié plusieurs points qui révèlent que les études environnementales du projet pétrolier de Petrobras Energia Ecuador n’offrent aucune garantie pour la conservation du PNY ni pour que le peuple Huaorani exerce librement les droits collectifs que la Constitution leur reconnaît. Parmi ces points figurent les suivants :
« Si le plan de gestion est strictement respecté, 139,7 hectares seront déboisés, mais les impacts indirects de l’opération peuvent mettre en danger des centaines d’hectares supplémentaires, dont la plupart seront dans le Parc national Yasuní.
* L’emplacement choisi pour l’oléoduc, les lignes d’écoulement et la route se trouve dans une forêt mûre et traverse des collines, des plaines alluviales, huit fleuves et cent dix marais, dans une région qui est la plus riche en biodiversité de toutes celles qui ont été proposées.
* La technologie proposée pour l’oléoduc ne satisfait pas les normes internationales et, à plusieurs endroits, cet oléoduc sera à ciel ouvert.
* L’impact des travailleurs sur l’écosystème du PNY n’est pas analysé. Dans la plupart des cas on analyse l’impact de l’environnement sur les travailleurs, ce qui n’appartient pas à une EIE mais à un Plan de Sécurité industrielle.
* Les déchets de forage seront laissés sur place, bien qu’il s’agisse de polluants importants, et cela aura des effets graves sur les écosystèmes aquatiques et, par infiltration, sur la nappe phréatique.
* La possibilité du brûlage de gaz n’est pas mentionnée, ni son volume ni ses impacts.
* Il y a des contradictions permanentes au sujet des risques d’érosion et de sédimentation, et aucune mesure n’est proposée pour faire face à ces problèmes.
* On ne propose pas de système approprié de stockage des produits chimiques toxiques, ni de dispositif d’intervention approprié en cas d’accident.
* Les droits collectifs des peuples autochtones sont ignorés. On ne reconnaît même pas le droit du peuple Huaorani à son territoire.
* L’étude fait des affirmations anthropologiques incorrectes au sujet des communautés Huaorani qui se sont établies le long de la route Maxus ; elle affirme qu’elles vivent mieux que la plupart des Équatoriens, sans tenir compte du fait qu’elles ne peuvent pas pratiquer leurs modes de vie traditionnels et qu’elles vivent en situation de dépendance de l’entreprise pétrolière. Cela porte à se méfier des rapports que Petrobras Energia Ecuador établira avec les communautés.
* L’étude sociale est incomplète et méconnaît les institutions traditionnelles du peuple Huaorani.
* Les impacts des opérations de Petrobras sur la faune et la flore du site ne sont pas suffisamment analysés ; au contraire, les risques potentiels sont minimisés. Cet aspect est lui aussi très important, du fait que Petrobras fonctionnera dans une région de grande vulnérabilité écologique.
* L’étude n’analyse pas suffisamment les impacts qu’auront sur les eaux les interférences que représentent les déversements ou l’extraction d’eau pour les opérations industrielles. On y affirme qu’une altération de jusqu’à 10% du débit est tolérable.
* L’entreprise utilisera d’autres ressources de la région qui ne sont pas évaluées, telles que l’eau, le bois des arbres, le gravier et le sable.
* Ni les mesures de précaution ni l’évaluation des risques ne prévoient des scénarios divers ; leurs recommandations sont extrêmement générales et ne constituent pas une garantie pour la conservation.
* Les risques typiques de l’activité pétrolière dans les tropiques sont passés sous silence : incendies, déversements, inondations, séismes et d’autres encore.
* Les propositions de supervision sont trop générales et, dans certains cas, inapplicables. »
Au vu de ces considérations, Acción Ecológica conclut :
« Les points exposés révèlent que ni l’Évaluation d’Impact environnemental ni les pratiques opérationnelles proposées par Petrobras Energia Ecuador ne représentent une garantie pour la conservation du Parc national Yasuní. Pis encore, elles ne garantissent pas du tout que les communautés autochtones concernées par ce projet puissent exercer les droits collectifs que la Constitution politique de l’Équateur et la Convention 169 de l’OIT leur reconnaissent.
Le projet est en outre une violation du droit constitutionnel de tous les Équatoriens à vivre dans un environnement sain et non pollué.
Sur la base de ces antécédents, nous recommandons au ministère de l’Environnement de ne pas accorder de licence environnementale à l’entreprise pétrolière Petrobras Energía Ecuador. »
Article fondé sur des informations tirées de : “Petrobrás en el Yasuni. Comentarios al estudio de impacto ambiental del bloque 31”, Acción Ecológica – Oilwatch, mai 2004, envoyé par Elizabeth Bravo, adresse électronique : ebravo@hoy.net ; “Petrobrás promoverá injustita ambiental ao ameaçar a integridade do Parque Nacional Yasuni e da populaçao indígena Huaorani”, distribué par Julianna Maleaba, adresse électronique : brsust@fase.org.br , et Jeffer Castelo Branco, adresse électronique : jeffer@acpo.org.br