Le 12 novembre dernier, les groupes forestiers Matte (CMPC) et Angelini (Arauco) et un ensemble d’organisations environnementalistes chiliennes et nord-américaines ont passé un accord ( voir http://www.wrm.org.uy/countries/Chile/article2.html ) aux termes duquel les entreprises s’engagent à conserver les aires de forêt indigène dans leurs propriétés – qui représentent 2,8% de la superficie totale de forêts indigènes du pays – et à ne pas les remplacer par des plantations.
Le groupe Coordination d’organisations et identités territoriales mapuche a mis cet accord en cause (voir http://.www.wrm.org.uy/countries/Chile/article3.html ). Dans une déclaration adressée surtout à American Lands Alliance, mais aussi aux autres signataires de l’accord, la Coordination Mapuche reconnaît l’importance de la campagne menée par ces organisations aux États-Unis pour la protection de la forêt indigène, qui dénonce également la situation dans laquelle se retrouvent les communautés mapuche à cause de l’expansion de l’exploitation forestière. La Coordination estime pourtant que les conditions ne sont pas appropriées pour négocier avec les compagnies forestières en question.
D’autre part, les organisations mapuche mettent aussi en question l’appel à la certification du FSC (Forest Stewardship Council) ou d’autres instances semblables, car cela impliquerait d’avaliser l’invasion de l’industrie forestière et les graves conflits auxquels sont confrontées les communautés mapuche, tels que les conflits territoriaux, la diminution et la perte des ressources hydriques, la pauvreté, l’émigration, le chômage et les coupes claires dans un pays surtout montagneux, la pression sur les communautés et leur enclavement, qui portent des atteintes irréparables à leur vie sociale, spirituelle et culturelle.
CMPC et Arauco font partie des sociétés qui contrôlent le marché du bois et qui ont bénéficié de la protection de l’État chilien. Elles ont déclenché des conflits qui se sont soldés par la militarisation des réserves mapuche, par l’application de lois héritées du régime dictatorial de Pinochet telles que la Loi de la sécurité intérieure de l’État et la Loi antiterrorisme. Les Mapuche ont subi de nombreuses arrestations, poursuites, répressions policières et même l’assassinat d’Alex Lemún, de 17 ans, par la police chilienne dans les installations de l’entreprise Forestal Mininco (qui fait partie du groupe CMPC), le 7 novembre 2002 (voir bulletin nº 64 du WRM).
En outre, le projet de loi sur la forêt indigène, actuellement à l’étude, prévoit un subside de 5 Unités tributaires mensuelles (UTM) par hectare pour ceux qui garderont leurs propriétés clôturées pour permettre la régénération naturelle et la récupération des forêts dégradées. Il inclut en outre un bonus de jusqu’à 5 UTM par hectare pour la préservation de forêts de grande valeur écologique et le maintien de la diversité biologique. Traduite en chiffres, la conservation deviendrait ainsi une nouvelle affaire pour les entreprises, qui leur permettrait de recevoir plus de 180 millions de dollars.
Les organisations mapuche estiment que toute négociation avec ces entreprises risquerait d’aller à l’encontre de l’expression juste des besoins de leur peuple, de leurs problèmes et des solutions respectives. Cela contribuerait à consolider les marchés internationaux de l’exportation de bois, et donc à développer les plantations par l’annexion de territoires mapuche et en profitant de la vulnérabilité des communautés et des petits paysans pour les pousser à planter eux-mêmes les pins et les eucalyptus.
Les groupes économiques du secteur forestier sont les responsables directs de la marginalité et de l’oppression dans lesquelles le peuple mapuche est maintenu par les réseaux politiques. De leur côté, les organisations mapuche se proposent freiner l’expansion forestière pour protéger les ressources naturelles et pour transformer la situation actuelle, politique, sociale et juridique, de leur peuple à l’intérieur de l’État chilien. C’est pourquoi elles soulignent l’importance de bien comprendre que les intérêts des Mapuche ne devraient pas être opposés à ceux des ONG en matière de protection de l’environnement, et de la forêt en particulier.
Article basé sur des informations tirées de : « Acuerdo forestales, ambientalistas y Presidente Lagos », MAPUEXPRESS, 15 novembre 2003, http://www.mapuexpress.net ; « ¿Qué hay detrás de esos acuerdos ? Acuerdo entre CMPC y Arauco con ambientalistas sobre el bosque nativo”, Homero Altamirano, 18 novembre 2003, paru dans le périodique Llanalhue Noticias (Cañete VIII Región); Lettre de la Coordination des organisations et identités territoriales mapuche à American Lands, Forestethics, Greenpeace, Defensores del Bosque, TERRAM et Instituto de Ecología Política.