Le 1er. octobre est la date prévue pour l'audience de l'affaire présentée à la Haute Cour du pays par un groupe indigène qui habite la forêt Mau du Kenya. Cette tentative est la dernière en date des démarches entreprises par le peuple Ogiek dans leurs efforts d'éviter la destruction de leur forêt natale.
Pendant des décennies, les Ogiek se sont battus -d'abord contre le colonialisme britannique, ensuite contre le gouvernement kenyan- pour vivre en paix dans la forêt Mau, qu'ils habitent depuis des siècles. L'affaire juridique en cours a débuté en 1997, lorsque le groupe s'est présenté à la Cour pour éviter que le gouvernement évalue et accorde à des tiers les terres de la forêt Mau. Plus tard dans la même année, la Haute Cour a ordonné qu'aucune terre de la forêt Mau ne soit octroyée à des colons tant que toutes les controverses à ce sujet n'auront pas été par elle résolues. Mais après avoir menacé les Ogiek d'expulsion pendant des années, le gouvernement a annoncé en 2001 que 147 000 acres de forêt allaient être exclues des registres. Cette exclusion aurait éliminé leur statut d'aire environnementale protégée, et permis l'installation de colons en provenance d'autres régions du Kenya. Les Ogiek ont donc déposé une plainte, alléguant que le gouvernement était en train d'ignorer l'ordonnance de 1997 de la Haute Cour, du moment que la réclamation des Ogiek effectuée avant cette date n'avait pas encore fait l'objet d'une décision.
Les plans de développement du Kenya menacent autant les Ogiek que la forêt Mau, qui est un des complexes hydriques les plus grands de l'Afrique orientale. Les experts disent que le rétrécissement des forêts du Kenya aurait des conséquences dangereuses sur l'environnement. La forêt est un bassin de captation vital, absorbant l'eau pendant la saison des pluies et la libère graduellement pendant le reste de l'année. Suivant les scientifiques, la forêt fournit environ 40% des ressources d'eau du pays. Tandis que le mode de vie des Ogiek leur permet une subsistance autonome, le gouvernement a exempté trois puissantes compagnies forestières de l'interdiction d'exploitation ligneuse et leur a permis de continuer à opérer dans la forêt Mau, détruisant par là l'écosystème des Ogiek où ils trouvent du miel, cultivent des plantes et chassent du gibier de façon sélective.
Tout en reconnaissant, avec le gouvernement, que le Kenya manque de terres agricoles suffisantes, les défenseurs des Ogiek affirment que le président Daniel Arap Moï est plus intéressé à récompenser ses partisans qu'à produire davantage d'aliments pour les citoyens, et que la plupart de la terre a été donnée à ses associés les plus proches. Joseph Kamotho, le ministre de l'environnement tombé en disgrâce et récemment limogé, affirme que l'affaire des terres des Ogiek a été utilisée par "des fonctionnaires gouvernementaux sans scrupules, dans le but d'obtenir davantage de terres pour eux-mêmes".
Tandis que la destruction graduelle de la forêt se poursuit, la communauté n'a pas trouvé de justice dans les couloirs de la cour. Pendant plus d'un an, l'affaire des Ogiek a été maintes fois ajournée pour des problèmes de procédure. En février, elle l'a été parce que le procureur en charge était à l'étranger. En avril elle a été fixée pour une date ultérieure après que les procureurs ont allégué qu'ils n'avaient pas eu le temps de préparer leurs déclarations. En juillet, le juge prévu était absent, et un juge remplaçant a fixé l'audience pour le mois d'octobre. Les avocats des Ogiek espèrent que ces retards si fréquents finiront bientôt, mais jusqu'à présent le gouvernement n'a donné aucun signe de vouloir trouver une solution rapide à cette affaire.
De nombreux observateurs pensent que les changements qui pourraient survenir au cours des prochains mois dans la politique kenyane sont susceptibles de contribuer à faire avancer l'affaire des Ogiek dans la cour. La loi kenyane interdit à Moï de postuler à la réélection dans les prochaines présidentielles, qui auront lieu en décembre. "Le pays sera différent après Moï, et les cas présentés par les Ogiek pourront finalement être résolus après les élections", a déclaré John Kamau, membre de Rights Features Service, une organisation basée au Kenya qui a suivi le cas des Ogiek. "A ce moment-là, Moï n'aura plus le pouvoir de protéger ses copains, à moins qu'il ne le fasse par procuration".
En outre, le projet proposant une nouvelle constitution pour le Kenya pourrait être favorable aux Ogiek. Kamau a signalé que ce projet demande aussi de nouvelles lois foncières et des mesures de protection des communautés indigènes contre la discrimination. "Si la Constitution est adoptée, les Ogiek pourront respirer", a dit Kamau. "Mais il reste beaucoup à faire pour sensibiliser les politiciens à ce sujet". Le projet, qui doit être approuvé par le parlement, inclut la création d'une nouvelle charge, celle de Premier Ministre, élu par l'assemblée nationale. Le président, qui détient à l'heure actuelle le contrôle presque exclusif des politiques du gouvernement, se bornerait à assumer des "responsabilités spéciales" dans des domaines tels que l'unité nationale. Avec des pouvoirs diminués par ce nouveau texte, le successeur de Moï aurait plus de mal à freiner l'affaire des Ogiek.
Plusieurs groupes kenyans et internationaux -incluant le Conseil pour le Bien-être Ogiek, Rights Features Service, Survival International et Digital Freedom Network- ont mené une campagne internationale pour protéger la forêt Mau et le mode de vie des Ogiek. Le site web de cette campagne (www.ogiek.org) contient des nouvelles et d'autres renseignements sur les Ogiek.
Par: Bobson Wong, Digital Freedom Network, courrier électronique: bwong@dfn.org