Dans le système de certification de projets, tout peut finir par recevoir un « label vert », pour peu que certaines formalités soient respectées.
Néanmoins, l’essence, les caractéristiques principales de certains projets destructeurs ne sont jamais mises en question. Dans le cas des plantations d’arbres, ces caractéristiques sont les grandes dimensions, l’expansion permanente, la monoculture accompagnée de l’emploi de produits chimiques dangereux, et ainsi de suite. Il en découle un système qui mène à la destruction, à l’extinction de la diversité biologique, à l’exclusion et la marginalisation de populations, à l’altération du climat.
C’est pourquoi nous devons nous poser sans cesse la même question : qu’est-ce que la certification a apporté ? Dans le cas des plantations industrielles d’arbres, notre réponse est qu’elle a contribué à fortifier les entreprises qui poussent à la consommation excessive, quelles qu’en soient les séquelles, afin de maximiser leurs bénéfices. En outre, la certification conspire contre les efforts des communautés locales qui luttent pour défendre leurs droits et leurs ressources naturelles en s’opposant à l’avancée de ces grandes entreprises et de leurs « labels verts ».
Dans le système de certification du bois, le FSC a joué un rôle-clé dans l’expansion de la monoculture d’arbres sur des millions d’hectares dans le monde entier.
Il est devenu indispensable que cela soit absolument clair.
– FSC et Veracel Celulose: labellisation peu fiable et non indépendante
En 2007, l’entreprise SGS a lancé le processus de certification de Veracel Celulose S.A. à Bahía, Brésil, en suivant les principes et les critères du FSC. Veracel est une entreprise qui appartient à la transnationale suédo-finlandaise Stora-Enso et à Fibria (ex-Aracruz). Elle a en son pouvoir quelque 100 000 hectares plantés d’ eucalyptus qui produisent de la cellulose pour l’exportation, dans une surface totale de plus de 200 000 hectares. Elle est en train de doubler son usine et ses plantations.
À partir de 2004, le FSC avait commencé à réviser sa certification des plantations industrielles d’arbres, une pratique très critiquée par des mouvements et des ONG, y compris le WRM. Et ceci parce que ces plantations ont des conséquences très négatives, comme le disent depuis bien des années les communautés voisines de ces plantations, des études et des observations réalisées dans tous les pays où existe ce type de plantations. Pour cette raison, le label demandé en 2007 par Veracel, une grande entreprise dans ce secteur d’activité, fut perçu par ces mouvements et ces ONG comme un test, qui permettrait de savoir si le FSC avait changé sa méthode.
Or, le FSC n’avait pas changé. En 2008, la SGS accorda à Veracel le label FSC, ignorant diverses manifestations et protestations de mouvements sociaux et d’ONG de Bahía, du Brésil et du monde entier, avant, pendant et après cette décision. Le motif des protestations et des manifestations est que Veracel viole les principes et les critères du FSC [1]. Mais, en agissant à travers l’entreprise de certification, qui d’après le FSC est une organisation « indépendante », Veracel reçut le label et parvint, depuis 2008, à exporter des millions de tonnes de cellulose, avec l’aval du FSC.
En 2010, deux journalistes belges, Léopold Broers et An-Katrien Lecluyse, eurent l’idée de réaliser un travail de terrain pendant trois mois, dans les zones qui entourent Veracel. L’objectif était de vérifier si oui ou non l’entreprise méritait le label FSC. Contrairement à l’habitude qu’ont la SGS et de nombreux journalistes de travailler seulement quelques jours sur le terrain, ces deux journalistes passèrent plusieurs mois à visiter les communautés, à discuter avec les habitants, et aussi à entendre l’entreprise.
Le résultat de ce travail en profondeur fut un article paru dans la revue socio-écologique belge MO-Magazine, et un documentaire de 40 minutes qui fut présenté en première en janvier de cette année, dans la ville belge de Gand. Deux cent cinquante personnes assistèrent à l’événement. La projection du film fut suivie d’un débat, avec la participation du FSC et de WWF-Belgique, entre autres.
Aussi bien l’article que le film représentèrent une grande contribution pour les communautés et les mouvements sociaux qui résistent ou qui luttent contre le pouvoir de Veracel et les conséquences de son activité. Des représentants de ces communautés et de ces mouvements sociaux ont eu droit à la parole, dans le film et dans l’article, contrairement à la façon dont ils sont normalement traités par les autorités, y compris par la SGS, organe certificateur du FSC. Grâce au travail de ces deux journalistes, ils réussirent à se faire entendre en Europe. Et ils adressèrent un message très clair aux consommateurs : on les trompe.
Ce qui, durant le débat, attira l’attention des personnes présentes fut que les représentants qui prirent la défense du FSC parlèrent de l’indépendance de l’entreprise de certification, en l’occurrence la SGS, et de la confiance qu’on pouvait lui accorder, alors que le film avait montré clairement que ce certificat était très loin de mériter confiance, vu la gravité des choses qui y étaient dénoncées. Il est par conséquent difficile de considérer que la SGS est une entreprise « indépendante », quand on sait, en outre, que c’est Veracel elle-même qui choisit l’entreprise de certification. C’est-à-dire que Veracel a payé la SGS pour ce service.
Le manque d’indépendance de la SGS se fit encore plus évident après la protestation officielle présentée au FSC par les journalistes sur la base des plaintes relevées par eux. Comme réponse à cette protestation, le FSC fit un audit du travail de SGS. Le résultat fut publié au mois de janvier, curieusement en même temps qu’était projeté le film des journalistes. La recommandation de cet audit du FSC est de suspendre l’accréditation de la SGS à réaliser des certifications au Brésil pour le FSC, vu que sa façon d’agir a été jugée « non satisfaisante ».
Malgré ce résultat positif pour les communautés et les mouvements touchés, plusieurs questions restent en suspens : Veracel continuera-t-elle à bénéficier du label FSC ? Et pourquoi n’est-ce que maintenant (alors que Veracel jouit du label depuis près de trois ans), que le secteur audit du FSC décide de déclarer que la SGS n’a pas fait son travail correctement, laissant ainsi supposer qu’elle ne respecte pas vraiment les principes et les critères du FSC ? Fallait-il vraiment un article, un film et une réclamation en Europe pour que cela se produise ? Pendant combien de temps encore le FSC va-t-il permettre que des entreprises comme la SGS se chargent des évaluations nécessaires à la certification, et qui pis est, en étant payées par l’entreprise candidate au label ? Et qu’entend faire le FSC dans d’autres cas de zones certifiées où les communautés n’ont aucune possibilité de se faire entendre au plan international ?
Au vu de tout cela, la conclusion est que le FSC doit retirer le label de Veracel et de toutes les autres plantations industrielles d’arbres qu’il a certifiées. Sans cela, rien ne le distinguera des autres systèmes de certification de la « durabilité », et il deviendra évident pour le monde entier que son label est encore une forme de « maquillage vert », indigne de toute confiance.
[1] http://www.wrm.org.uy/actores/FSC/Veracel_Certidao_Obito.html.