Nous assistons à un processus mondial d’expansion de l’agro-industrie et de l’accaparement de terres dans le Sud. Au moyen du bail, de la concession et même de l’achat, des entreprises ou des États étrangers s’emparent de grandes étendues de terres agricoles pour produire des aliments de base ou des agrocarburants pour l’exportation. On estime qu’un millier d’investisseurs ont pris pour cible plus de cinquante pays d’Asie, d’Océanie, d’Afrique et d’Amérique latine [1].
Cela requiert la mobilisation de grandes sommes d’argent, la passation d’accords commerciaux et la réforme de certaines lois, afin de créer le cadre nécessaire à l’appropriation privée de la terre dans beaucoup de pays du Sud où celle-ci est encore gérée par les communautés suivant leurs systèmes traditionnels.
D’après l’IRIN [2], le 28 mai dernier le parlement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a modifié certaines sections de la Loi de 2000 sur l’environnement et la conservation qui régit les grands projets concernant les ressources du pays. Les amendements introduits donnent au directeur de l’Office de l’environnement et de la conservation le pouvoir d’autoriser les plans environnementaux présentés par les investisseurs. L’autorité dont il dispose est telle que sa décision finale « ne peut être remise en question ni revue par aucun tribunal sans l’intervention d’un acte juridique ».
Ces amendements ont de nombreuses implications pour les droits fonciers de près de six millions de personnes et pour la protection de l’environnement. Des années durant, les habitants du pays pouvaient, à titre individuel ou en application du droit coutumier, protéger leurs terres et réclamer des indemnités en cas de dommages à l’environnement. Les amendements les ont privés de ce droit.
Les groupes autochtones de la Papouasie-Nouvelle-Guinée se battent depuis longtemps pour leurs droits territoriaux et environnementaux. En 1997, 1989 et 1999 des personnes sont mortes en luttant contre les activités de Freeport – Rio Tinto dans les mines de cuivre de Bougainville et d’Ok Tedi [cf. Bulletin nº 7 du WRM]. Selon l’IRIN, plus de 5 000 personnes y auraient été tuées.
En plus des mines, la dégradation et la destruction provoquées par les opérations forestières ont eu de graves répercussions sur les habitants des forêts. Et plus récemment, une nouvelle pression est venue menacer les forêts et leurs habitants : les grandes plantations de palmiers à huile financées avec des prêts de la Banque mondiale, qui se sont développées dans un pays où 97 % des terres appartiennent aux communes et où la plupart de la population de cinq million de personnes vit à la campagne et dépend de l’agriculture pour sa subsistance [cf. Bulletin nº 40 du WRM].
Dans ce contexte, les amendements qui privent la population locale des droits qui lui permettaient de protéger sa terre semblent très convenables aux entreprises dans leur quête de nouveaux territoires.
Nous savons quel en est le prix : l’appauvrissement croissant en raison de la destruction des moyens d’existence, la concentration de terres et le déplacement, la perte de la souveraineté alimentaire pour les populations locales, davantage d’émissions de carbone dues au déboisement et à l’agriculture industrielle. L’architecture commerciale mondiale coûte très cher. Qui répondra d’une telle destruction ?
[1] “Land grabbing and the global food crisis,” GRAIN, novembre 2009,http://www.grain.org/o_files/landgrabbing-presentation-11-2009.pdf.
[2] “PAPUA NEW GUINEA: Indigenous people lose out on land rights,” IRIN,http://www.irinnews.org/PrintReport.aspx?ReportId=89322.