Les espèces exotiques envahissantes : bien plus qu’une question technique

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L’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (OSASTT) à la Convention sur la diversité biologique (CDB) aura sa treizième réunion à Rome du 18 au 22 février 2008.

En ce qui concerne le WRM, deux points d’une importance extrême figurent à l’ordre du jour : la diversité biologique des forêts et les espèces exotiques envahissantes. Bien qu’il soit prévu de les traiter séparément (le premier par toute l’assemblée et le deuxième par un groupe de travail), nous pensons qu’ils sont inextricablement liés.

Les espèces exotiques envahissantes sont une des causes principales de la perte de diversité biologique dans les forêts et dans d’autres écosystèmes, mais le problème de la plantation d’arbres d’espèces exotiques et envahissantes est rarement mentionné ou traité, en dépit du fait que certaines espèces d’eucalyptus, de pins et d’acacias sont déjà devenues envahissantes dans beaucoup de pays (par exemple, en Afrique du Sud, au Chili, aux États-Unis ou en Uruguay).

S’il existe de nombreuses définitions du terme « espèces exotiques envahissantes », la plus acceptée est peut-être celle qui les considère comme des espèces non indigènes qui ont une incidence négative, du point de vue économique, environnemental ou écologique, sur les habitats qu’elles envahissent.

La manière dont l’invasion se produit n’a pas d’importance : le vent, l’eau, les oiseaux ou les animaux peuvent avoir apporté les semences de plantes qui vont se propager spontanément dans l’habitat en question, ou ces espèces peuvent avoir été introduites par des entreprises de plantation et avoir des effets négatifs sur l’économie, l’écologie ou l’environnement.

D’après ce qui précède, toutes les plantations industrielles d’arbres exotiques en régime de monoculture sont considérées comme envahissantes par les populations dont les habitats – et donc les moyens de vie – sont négativement affectés par elles. Et, du fait qu’elles affectent la diversité biologique, elles devraient être traitées comme des espèces envahissantes dangereuses par la Convention sur la diversité biologique.

À ce propos, les experts de l’OSASTT devraient poser la question essentielle et y répondre : ces plantations d’arbres exotiques affectent-elles négativement ou non les habitats qu’elles envahissent ? Si elles le font, il est clair que, du point de vue de la conservation de la biodiversité, elles devraient être interdites, tout comme le commerce de semences et de plantes d’autres espèces envahissantes (p. ex. Lantana camara, Solanum mauritianum) a été interdit dans beaucoup de pays.

Des questions du même genre devraient être posées et répondues au sujet des arbres génétiquement modifiés. Existe-t-il le risque qu’ils affectent négativement les habitats, du point de vue économique, environnemental ou écologique ? Pourraient-ils se propager spontanément ? Leur pollen pourrait-il contaminer d’autres espèces ? Si les réponses à ces questions sont affirmatives, la décision de la CdP8 qui exhorte les pays à appliquer le principe de précaution devrait être revue et remplacée par l’interdiction absolue d’introduire des arbres GM dans l’environnement.

Bien que les espèces plantées puissent se propager spontanément grâce au vent, à l’eau, aux oiseaux ou aux animaux (et la même chose arrive lorsqu’il s’agit d’arbres GM), les plantations elles-mêmes ne sont pas le fruit du hasard, et la recherche en arbres GM non plus. Les deux sont le résultat de décisions prises par les entreprises dans le but d’augmenter leurs profits.

Ainsi, si nous regardons la question de la diversité biologique dans une perspective économique et politique, il devient évident que les sociétés transnationales sont les espèces exotiques envahissantes les plus dangereuses de toutes. Comme leurs équivalentes naturelles, elles envahissent les terres et les forêts et détruisent les habitats qui permettent à d’innombrables espèces et à la population locale de subsister.

Les exemples présentés dans ce numéro du bulletin (et bien d’autres dans les 125 numéros antérieurs) suffisent à prouver ce qui précède. Les entreprises minières en Inde, au Congo, au Bangladesh, de pâte et papier au Chili et aux États-Unis, pétrolières et forestières en Équateur, produisant de l’huile de palme en Indonésie, toutes, sont en train d’envahir et de détruire des habitats riches en diversité biologique et les moyens de subsistance de la population.

Néanmoins, nous ne demandons pas à l’OSASTT de s’occuper de ce problème fondamental. Ce que nous lui demandons coïncide davantage avec son mandat en tant qu’organe consultatif de la CDB :

– qu’il adopte une définition de forêt d’où les grandes plantations soient exclues ;

– qu’il exhorte la CDB à recommander aux gouvernements de mettre fin à l’expansion des grandes plantations d’espèces d’arbres exotiques en régime de monoculture ;

– qu’il recommande à la CDB d’interdire la plantation d’essences qui se sont déjà avérées envahissantes ;

– qu’il recommande à la CDB d’interdire les arbres GM.

Voilà des résultats possibles de la réunion de l’OSASTT qui seraient très positifs pour la diversité biologique et pour les gens.