Les communautés équatoriennes affectées par l’industrie minière ont convoqué une mobilisation le 5 juin, date de la journée mondiale de l’environnement. Divers points de résistance ont été désignés dans tout le pays, à Imbabura, Quito, Chimborazo, Cañar, Azuay, El Oro, Zamora et Morona. Bien que la manifestation se soit déroulée de façon pacifique, la police a réprimé les premiers jours les communautés mobilisées, surtout à Tarqui, Victoria del Portete, Molleturo et San Carlos-Balao, provoquant par sa brutalité l’indignation de la population, qui réclame maintenant une enquête et des sanctions pour les responsables.
La mobilisation a été quand même un succès. Des milliers de personnes affectées par les grands projets miniers y ont participé dans les régions du pays où les conflits sont les plus graves. Cela a encouragé les communautés et les organisations constituées, telles que la Coordination nationale pour la défense de la vie et de la souveraineté, à continuer de lutter pour réaliser les objectifs proposés dans leur plateforme et d’avancer vers le moment où l’Équateur sera déclaré « pays sans industrie minière à grande échelle ». D’autre part, les efforts déployés par les communautés ont contribué à thématiser définitivement le problème des mines au plan national et international.
L’un des aspects les plus préoccupants pour les communautés qui s’opposent à l’activité minière dans le pays est que le gouvernement ne semble pas avoir la volonté politique de respecter et de faire respecter la Constitution et les intérêts collectifs des Équatoriens face à la terrible menace qui pèse sur les vies des communautés affectées du fait de l’omniprésence des transnationales minières et de leur mise en fonctionnement, imminente dans certains cas. En s’opposant à l’industrie minière, les communautés défendent leurs droits, leur eau, leurs forêts et un environnement sain pour les générations futures. De leur côté, les entreprises minières font appel à la police ou à leurs propres services de sécurité, et se servent des dénommés « intermédiaires communautaires » pour harceler et effrayer la population et les dirigeants, ce qui créé une situation d’insécurité et de violence permanente (cf Bulletin nº 118).
Dans la province amazonienne de Zamora, le canton Yantzaza est tout à fait envahi par les concessions minières. Cette région, riche d’une flore et d’une faune uniques au monde, possède encore des forêts touffues qui ont réussi à survivre aux attaques de la logique prédatrice dominante depuis l’époque de la conquête. Zamora Chinchipe est en outre le berceau de peuples originaires ; la région a accueilli des familles d’autres provinces, déplacées par le déboisement, la sécheresse et les graves problèmes qui s’ensuivent. L’agriculture qu’ils ont développée dans les bassins fertiles des fleuves leur permet d’être autosuffisants en matière d’alimentation et de fournir des aliments sains à d’autres régions du pays. Le Réseau pour la défense de la nature, la dignité et la vie de cette province déclare : « Nous voulons que l’État définisse des politiques qui nous aident à nous établir et à rester dans nos villages, dans un pays dont nous rêvons qu’il soit écologique et agricole, et non minier ».
Sur les pentes occidentales des Andes, la communautés de la zone nord-occidentale d’Intag, dans la province d’Imbabura, défendent elles aussi leur forêt tropicale brumeuse, l’habitat d’une diversité biologique unique au monde. Grâce à un processus d’organisation pionnier dans le pays, ces communautés ont mis au point une multiplicité d’activités productives qui confirment les désavantages de l’extraction minière, car celle-ci impliquerait non seulement le déplacement de familles et de populations entière mais la destruction de ces forêts d’une si grande valeur.
Ces communautés déclarent aussi, par l’intermédiaire de la Coordination nationale, leur « décision de faire pression sur le gouvernement jusqu’à ce qu’il décide d’agir en faveur du peuple ». L’activité anti-minière a rencontré des obstacles ces derniers jours, du fait de la démission du Ministre de l’Énergie et des Mines, Alberto Acosta. En principe, celui-ci avait l’air disposé à appuyer les communautés et certains le considéraient comme un allié possible au sein du gouvernement, bien qu’il n’ait pas pris d’initiatives concrètes dans le sens d’une des réclamations fermes des communautés affectées, à savoir le retrait des concessions minières. Il semble évident que le ministre Acosta a quitté son poste sous les pressions de divers groupes d’intérêts ; il est maintenant candidat à la prochaine Assemblée constituante.
Avec ou sans un ministre allié, la lutte contre l’industrie minière continue de convoquer tous les secteurs de la société à participer à la mobilisation que l’on prétend poursuivre jusqu’à la fin juin, dans le but de freiner l’invasion des transnationales qui prétendent saccager les minéraux du sous-sol et laisser dans le pays la pauvreté, le chômage, la contamination environnementale et sociale. La Coordination nationale exhorte le gouvernement à « écouter les clameurs de milliers de familles qui défendent leur vie et la dignité nationale et à agir d’urgence, en annulant les concessions, en suspendant sans délai les activités des transnationales minières dans tout le pays et en leur exigeant de quitter nos communautés ».
Vis-à-vis de l’Assemblée constituante, les communautés mobilisées proposent d’autres mesures : que toute l’Amazonie, ainsi que les sources et les rives des fleuves soient déclarées réserves écologiques intangibles pour les intérêts commerciaux privés d’extraction et d’exploitation ; que l’eau superficielle et souterraine soit à l’abri de toute privatisation ; que les ressources naturelles soient nationalisées et utilisées en fonction des caractéristiques écologiques, sociales, culturelles et ancestrales des peuples et des communautés ; que les communautés victimes de dommages écologiques, psychologiques et sociaux causés par les activités minières soient indemnisées ; que l’on adopte un cadre juridique visant à améliorer les pratiques minières artisanales ; que les agriculteurs reçoivent des garanties en matière de possession du sol et du sous-sol, et que leur activité passe avant l’activité minière ; que les communautés soient garanties contre le déplacement.
Guadalupe Rodríguez, adresse électronique : guadalupe@regenwald.org