Brésil : troisième tentative de V&M d’inscrire ses plantations au MDP

Image
WRM default image

Le 22 janvier dernier, Vallourec & Mannesmann (V&M) a présenté au Mécanisme de développement propre le projet intitulé « 0143 UTE Barreiro S.A Renewable Electricity Generation Project ». Il s’agit de la troisième fois que cette entreprise, le plus grand fabricant du monde de tubes sans soudure en acier, essaie d’obtenir des fonds dans le cadre du MDP. Le projet enregistré apportera à V&M 67 954 crédits de carbone qui pourront être vendus à des entreprises du Nord qui préfèrent les acheter plutôt que d’avoir à réduire leurs émissions chez elles.

Il s’agit d’un projet prétendument « d’énergie renouvelable » qui consiste à construire et à faire fonctionner au gaz de haut fourneau et au goudron de bois une usine thermoélectrique qui génère une partie de l’électricité nécessaire à l’usine sidérurgique de V&M (Usina Siderúrgica Integrada de Barreiro), réduisant ainsi l’utilisation de combustibles fossiles et les émissions de gaz à effet de serre.

D’après le plan de développement du projet (PDP), « le goudron de bois est obtenu pendant le processus de carbonisation, où l’on produit du charbon avec du bois résultant d’activités forestières durablement gérées » (c’est nous qui soulignons). Le bois en question est celui qu’on extrait de ces plantations d’eucalyptus situées à Minas Gerais, au Brésil, où les gardes de l’entreprise V&M ont abattu le paysan Antônio Joaquim dos Santos en février 2007 (cf Bulletin nº 116 du WRM).

Par suite des plaintes portées au sujet de ce meurtre, et parce que les plantations de V&M étaient certifiées par le FSC, l’entreprise de certification SGS, accréditée par le FSC, a ordonné une enquête. Face à la possibilité de perdre le certificat, V&M a pris les devants et annoncé sa « décision volontaire de se retirer du FSC après 8 années d’étroits rapports », sous prétexte qu’elle n’approuvait pas la manière dont la SGS avait mené son enquête (cf Bulletin nº 116 du WRM).

Par ailleurs, ces plantations d’eucalyptus « durablement gérées » ont usurpé des terres préalablement occupées par des paysans qui s’efforcent maintenant de les récupérer. Elles ont suscité en outre des conflits avec les petits agriculteurs, concernant l’utilisation de produits chimiques, les routes bloquées, l’altération et la disponibilité des réserves d’eau.

En dépit de tout cela, Det Norske Veritas (DNV), l’un des nombreux évaluateurs des projets MDP, avait approuvé le projet de V&M concernant la substitution de combustible, où l’entreprise demandait des crédits carbone pour continuer à utiliser du charbon de bois dans ses usines sidérurgiques. V&M alléguait que, sans ces crédits carbone, elle ne pourrait pas maintenir les plantations qui, d’après elle et DNV, étaient durablement gérées, comme le prouvait le certificat du FSC.

Le Conseil d’administration du Mécanisme de développement propre a rejeté la demande et manifesté des doutes au sujet du scénario présenté par V&M, suivant lequel, sans davantage d'argent en provenance du carbone, la situation actuelle de l'industrie brésilienne du fer rendrait inévitable de se tourner vers le charbon minéral. Le panel des méthodologies avait exprimé son inquiétude à propos du « caractère immatériel de l'activité du projet et du risque moral que comporte le fait que [le projet] consiste à continuer de fonctionner comme à présent » (cf Bulletin nº 92 du WRM).

Néanmoins, le MDP a accepté le projet d’énergie « renouvelable » de V&M et, cette fois, les documents du projet ne disent nulle part que les plantations seraient en danger sans les fonds supplémentaires en provenance du carbone. Laissant de côté cette contradiction entre les deux documents, le projet inscrit maintenant au MDP a un autre problème : V&M n’ayant plus de certificat du FSC, ses arguments concernant la « durabilité » et l’énergie « renouvelable » n’ont plus rien pour les étayer. Ainsi, le MDP devrait annuler immédiatement l’inscription du projet.

Tout ceci peut servir à montrer à quel point le caractère d’additionalité et de durabilité des projets MDP est impossible à vérifier, faute d’une évaluation appropriée ; il s’agit en outre d’un exemple parfait de l’usage du MDP que font les entreprises polluantes pour obtenir de l’argent supplémentaire au moyen des crédits carbone.

Jutta Kill, FERN / SinksWatch Initiative, adresse électronique : jutta@fern.org, www.fern.org, www.sinkswatch.org, et Raquel Núñez, World Rainforest Movement, adresse électronique : raquelnu@wrm.org.uy, http://www.wrm.org.uy.