À la déception de quelques-uns et au soulagement de certains autres, les projets de plantation d’arbres et, en particulier, ceux qui se caractérisent par la monoculture à grande échelle, s’efforcent maintenant d’obtenir une nouvelle subvention dans le cadre du mécanisme pour un développement propre du Protocole de Kyoto : dans les trois années écoulées depuis l’adoption des normes à appliquer aux projets de boisement et de reboisement et après douze séries de candidatures, une seule plantation, située en Chine, a été enregistrée en tant que projet MDP.
Cette situation va changer, maintenant que le groupe de travail du MDP chargé de ces projets de plantation a recommandé certaines modifications (1). En effet, ces modifications rendront éligibles de grandes étendues de plantations industrielles dont la gestion est controversée. Elles introduisent en outre un encouragement au déboisement de terres qui, après 1990, étaient boisées : un projet proposé en tant que MDP serait acceptable, suivant les nouveaux critères d’éligibilité, s’il avait lieu à un endroit qui n’était peut-être pas boisé le 31 décembre 1989 mais où une forêt secondaire a poussé depuis. D’après les nouvelles règles, rien n’empêcherait que cette forêt secondaire qui s’est développée après le 31 décembre 1989 ne soit éliminée, et qu’une entreprise de plantation y établisse ensuite une plantation d’arbres accréditée au titre du MDP. Or, une telle pratique, non seulement risque de porter atteinte à la société et à l’environnement et de subventionner l’industrie de plantation, mais elle n’aboutit à aucune réduction des émissions puisque, sans le projet, la forêt secondaire aurait continué d’exister.
En plus d’encourager le déboisement de zones qui sont devenues des forêts après le 31 décembre 1989, les changements proposés rendraient éligibles au titre du MDP les projets de replantation après la récolte rotative de bois. Si les nouvelles règles sont approuvées par le Conseil d’administration du MDP, les entreprises de plantation pourront faire leurs opérations de récolte habituelles, remplir les nouvelles conditions d’éligibilité et augmenter leur marge de bénéfices en vendant des crédits carbone MDP pour le rétablissement de la plantation après la récolte en question. Le texte exige à l’entreprise de démontrer que « la terre n’avait pas été intentionnellement transformée en terre non boisée dans le but de mettre en oeuvre une activité de boisement ou de reboisement MDP », mais il sera sans doute possible de remplir cette condition.
Comment cela va-t-il fonctionner ?
Une entreprise de plantation fait des récoltes rotatives régulières. Ensuite, elle présente une demande au MDP en alléguant que, sans financement additionnel, elle ne pourra pas replanter (c’est ce que V&M Florestal et Plantar ont fait en 2003-2005). L’argument de l’entreprise de plantation convainc les experts du MDP qu’il ne sera pas suffisamment rentable de replanter, à moins que le MDP lui apporte de l’argent supplémentaire. Le projet – l’établissement d’une plantation en régime de monoculture – sera probablement considéré comme additionnel, et le MDP fournira à l’entreprise du financement supplémentaire pour qu’elle fasse la même chose qu’elle fait déjà : rétablir les plantations après la récolte rotative habituelle.
Il ne manque pas de terres défrichées avant 1990 où la restauration de la forêt par les communautés aurait des avantages écologique et sociaux. Or, d’après la liste des projets de plantation proposés au MDP, ce n’est pas là que réside l’intérêt de la plupart des candidats. La grande majorité des projets concernent l’établissement de grandes plantations commerciales pour l’extraction de bois. Les nouvelles règles, si elles étaient adoptées dans leur forme actuelle par le Conseil d’administration, rendront éligibles au titre du MDP de vastes étendues qui, à l’heure actuelle, ne le sont pas. Cette subvention MDP qui découle de la vente de crédits de carbone risque d’accroître la rentabilité des plantations, à des endroits où il serait bien plus raisonnable, du point de vue économique, écologique et social, d’affecter la terre à d’autres usages, et où il existe des conflits fréquents entre les populations locales et les entreprises de plantation. Le rapport 2003 du CIFOR sur le « bois rapide » (fast wood) concluait que « plus vite on éliminera ou, du moins, on réduira drastiquement, les subsides aux plantations commerciales, mieux cela vaudra ». Ce serait ironique que le MDP, dont l’objectif est de promouvoir le développement durable, fournisse justement le type de subsides qui, d’après le rapport du CIFOR, de nombreuses publications du WRM et d’autres encore, ont déjà eu une foule de conséquences négatives pour la société et l’environnement.
(1) Disponible sur http://cdm.unfccc.int/public_inputs/EB31_ARWG_Land_egibility/index.html.
Jutta Kill, FERN, adresse électronique : jutta@fern.org