kenya : le complexe de la forêt Mau en danger

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La diminution du couvert forestier du Kenya a contribué à réduire les moyens de vie de nombreux Kényans, en provoquant la baisse de la productivité de la terre, la famine et la sécheresse. La sécheresse actuelle, que le pays subit depuis 2005, en est un exemple. D’après les rapports, le bétail y est mort par milliers, et les conflits à propos de l’utilisation des ressources se sont soldés par la perte de vies humaines.

Bien que la plupart des forêts du Kenya aient été décimées par la dégradation parmi d’autres facteurs, le couvert forestier du Complexe Mau, et surtout celui de la forêt Maasai Mau, ont été les plus affectés et se sont considérablement rétrécies au cours du temps.

Le Complexe Mau est la forêt la plus grande du Kenya et couvre près de 400 000 ha. Il est situé à 2 000 – 2 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur la pente occidentale de l’Escarpement Mau, à 250 km environ de Nairobi, et il limite avec Kericho à l’Ouest, Nakuru au Nord et Narok au Sud. Il comprend sept blocs de forêt : Mau du Sud-Ouest, Mau de l’Est, Transmara, Mau Narok, Maasai Mau, Mau de l’Ouest et Mau du Sud. De ces blocs, seul celui de Maasai Mau n’est pas officiellement classé.

S’agissant d’une forêt de montagne, le Complexe Mau est l’un des principaux « châteaux d’eau » du Kenya, avec le mont Kenya, l’Aberdare Range, le mont Elgon et les montagnes Cherengani qui constituent les bassins versants de tous les principaux fleuves (sauf un) de l’Ouest de la vallée du Rift. Il alimente de grands lacs, dont trois sont transfrontaliers.

Les forêts du Sud du Complexe Mau sont riches en diversité biologique animale et végétale. Elles sont le foyer d’ongulés tels que le bongo et le duiker à dos jaune, de carnivores tels que le léopard et le chat doré, et de l’éléphant africain. En particulier, la forêt de Maasai Mau comprend de grandes étendues de cèdres et de Podocarpus, parsemées de clairières naturelles.

La plupart de la population du Kenya habite le bassin du lac Victoria. Cette région est traversée par de grands fleuves qui descendent du Complexe Mau. L’eau des forêts Mau est utilisée par plus de quatre millions de personnes qui habitent 578 localités du Kenya et plusieurs autres du Nord de la Tanzanie. En outre, le Complexe Mau alimente les fleuves en permanence ; il crée un microclimat indispensable à la production agricole, et fournit de nombreux produits tels que les plantes médicinales, le bois de feu et les pâturages.

La forêt est le foyer des Ogiek, une communauté qui, depuis des temps immémoriaux, habite surtout la forêt Mau de la province de Rift Valley et qui, jusqu’aux années 1950, subsistait grâce à la chasse rationnelle de gibier sauvage et à la cueillette de fruits. Pourtant, la législation, les politiques et la propagation rapide de la religion et l’éducation occidentales ont fait perdre aux Ogiek leur culture, leurs traditions et leurs territoires. À présent, ils pratiquent l’agriculture et l’élevage artisanaux. La forêt Mau est vitale aussi pour les bergers maasai, qui y mènent leur bétail pendant la saison sèche.

Plus de 46 000 hectares de forêt en ont été retranchés pendant la dernière décennie, pour les affecter à d’autres usages, tels que l’établissement humain et l’agriculture privée. Le déboisement massif provoqué par l’occupation de grandes étendues, la production de charbon et l’abattage d’arbres indigènes a déjà une incidence très grave sur les ressources hydriques, qui se manifeste par des puits taris et des rivières asséchées.

La forêt Maasai Mau, large de 46 278 hectares, est une richesse naturelle considérable en ce qui concerne les réserves d’eau, la régulation du microclimat et la diversité biologique. Or, elle a perdu 20 330 hectares entre 1986 et 2003. Le levé aérien présenté dans le Rapport de situation 2005 montre que 11 095 hectares de la partie occidentale de la forêt Maasai Mau (région de Narok Sud) ont été détruits ou fortement affectés par la colonisation. À l’époque où l’étude a été effectuée, le défrichage se poursuivait activement et de nombreux panaches de fumée s’élevaient des voûtes d’arbres qui restaient.

L’élimination de la forêt pour l’établissement de colons est un problème complexe. Il arrive souvent que les forêts soient morcelées pour réinstaller des familles qui ont été forcées de quitter les forêts voisines. La réinstallation se fait en général sans la participation des communautés locales, de sorte qu’elles ne reçoivent que de petites parcelles, tandis que les puissants (spéculateurs, exploitants et fabricants de charbon ayant de bons contacts) s’emparent de la plupart des terres (voir le bulletin nº 55 du WRM).

Article fondé sur des informations tirées de : “Mau Complex Under Siege. Continuous destruction of Kenya’s largest forest”, PNUE, Kenya Wildlife Service, KFWG, juin 2005 ; “Maasai Mau Forest Status Report 2005”, PNUE, Kenya Wildlife Service, KFWG, et Ewaso Ngiro South Development Authority ; “Article 2 of the African Charter and the Ogiek: challenges and way forward”, Kanyinke Sena, envoyé par l’auteur, adresse électronique : kanyinke@yahoo.com ;
“Mau Forest Complex On The Spotlight”, Ogiek Welfare Council, forum des amis des peuples proches de la Nature, http://build.blodeuwedd.org/?q=node/288.