Tout le monde semble à présent d’accord que le climat de la Terre est en train de changer, que ce changement résulte directement des activités humaines et que les conséquences sociales, écologiques, politiques et économiques en seront catastrophiques si rien n’est fait – et vite – pour s’attaquer au problème.
La 12e Conférence des Parties à la Convention des Nations unies sur le changement climatique se réunira à Nairobi, au Kenya, du 6 au 17 novembre. Malheureusement, jusqu’à présent la convoitise humaine l’a emporté sur l’intelligence, de sorte que la Convention a été dominée par des intérêts très peu soucieux de l’environnement et des personnes et trop attirés par l’argent.
Il est donc nécessaire de se concentrer sur ce qu’il faut vraiment faire pour éviter la crise climatique dangereusement proche, plutôt que sur l’argent qu’il y a à gagner ou à perdre suivant le scénario qu’on choisisse.
C’est un fait bien connu que les causes principales du dérèglement du climat sont associées à la consommation de combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) et, à un degré moindre, au déboisement, les deux entraînant les émissions de carbone responsables du réchauffement planétaire.
Or, ces deux causes sont tout à fait différentes. Le carbone contenu dans les combustibles fossiles ne fait pas partie du cycle du carbone biosphérique. Une fois ces combustibles extraits et brûlés, leur carbone vient s’ajouter au carbone de la surface et ne reprendra sa forme souterraine originelle de pétrole, charbon ou gaz que dans un temps incommensurable. L’utilisation de combustibles fossiles est donc, en pratique, une cause irréversible du changement climatique.
Voilà pourquoi l’utilisation de combustibles fossiles devrait être considérée de nos jours comme une provocation écologique extrême que rien ne peut « compenser ». Si les gouvernements avaient adopté cette attitude en 1997, au moment d’approuver le Protocole de Kyoto, nous aurions peut-être en vue un monde sans combustibles fossiles et un avenir climatique bien plus reluisant.
Les émissions de carbone provoquées par le déboisement sont différentes, parce que le carbone piégé dans la biomasse des forêts fait partie, depuis toujours, du stock de carbone de la surface. Cela veut dire que si le processus est inversé au moyen du reboisement (qui n’est pas synonyme de la plantation d’arbres en régime de monoculture), les forêts vont « aspirer » en croissant une partie du carbone libéré au moment de leur destruction ou de leur dégradation.
Au vu de ce qui précède, si les gouvernements entendent s’attaquer sérieusement au changement climatique ils doivent s’engager à :
– supprimer l’utilisation de combustibles fossiles dans très peu de temps, et
– stopper le déboisement et restaurer les forêts dans très peu de temps.
Pourtant, tous les pays ne sont pas également responsables du changement climatique. La plupart de la responsabilité du problème revient au Nord industrialisé, qui est donc obligé de fournir des solutions. D’ailleurs, la plupart des experts sont d’accord qu’il possède les ressources financières et techniques nécessaires pour rendre possible l’élimination des combustibles fossiles.
Dans le cas des émissions de carbone découlant des combustibles fossiles, la responsabilité du Nord industrialisé est tout à fait claire, car c’est lui qui en a libéré la plupart dans l’atmosphère depuis le début de la révolution industrielle. Or, il est également clair que la plupart du déboisement qui a lieu dans le Sud a des rapports avec le Nord. La plupart du soja, de la viande, des crevettes, de l’huile de palme, du bois, de la pâte, du papier et des minéraux, dont la production se solde par la disparition des forêts, a pour destination les marchés du Nord, tandis que des institutions dirigées depuis le Nord, comme le FMI et la Banque mondiale, imposent au Sud des politiques qui mènent forcément à l’accroissement du déboisement.
Il est donc nécessaire que les gouvernements du Nord s’engagent à :
– fournir les ressources financières et techniques indispensables pour supprimer l’utilisation de combustibles fossiles dans très peu de temps, dans le Nord comme dans le Sud ;
– introduire dans leurs économies et leurs politiques les modifications nécessaires pour qu’il soit possible de stopper le déboisement et de restaurer les forêts dans très peu de temps ;
– faire en sorte que ces modifications avantagent les pays et les peuples du Sud sans avoir sur eux d’impacts négatifs. Cela veut dire, entre autres, qu’on n’établira pas sur leurs terres de grandes monocultures d’arbres ni de biocombustibles.
De la même manière, la Convention doit s’écarter des projets de commerce de carbone, compliqués et frauduleux, auxquels elle a été mêlée pendant les neuf dernières années. En signe de changement, elle devrait cesser de considérer que les plantations peuvent être des puits de carbone et exclure tout de suite la possibilité d’utiliser dans ces plantations des arbres génétiquement modifiés. Simultanément, elle devrait commencer à examiner sérieusement les moyens de supprimer les combustibles fossiles et d’arrêter le déboisement.
Tout cela n’est qu’une affaire de bon sens... mais, très probablement, le bon sens sera très éloigné des solutions fausses que les négociateurs du climat passeront le plus clair de leur temps à discuter quand ils se rencontreront à Nairobi.
Bien entendu, le bon sens va à l’encontre de nombreux intérêts. Or, le principal intérêt à prendre en compte devrait être celui de l’ensemble de l’humanité, dont l’avenir dépend de ce que feront – ou ne feront pas – les gouvernements impliqués dans ce processus.