Pour le Liberia, comme pour plusieurs autres pays du Sud qui ont subi des siècles de colonialisme, sa richesse a été aussi sa malédiction. Les forêts tropicales couvrent 47 pour cent du territoire du pays. Entre 1989 et 2003, les recettes de l’exploitation forestière permirent de financer un conflit brutal grâce au pillage des forêts, qui étaient une ressource vitale pour les factions armées du Liberia : le bois sortait, l’argent et les armes affluaient. Il y avait tant de concessions illégales que leur superficie dépassait celle du pays.
En juillet 2003, le Conseil de sécurité de l’ONU imposa des sanctions aux exportations de bois libérien. Ce blocage mit fin à l’exploitation forestière et à la présidence de Charles Taylor, qui s’enfuit du pays et attend maintenant d’être jugé à La Haye pour crimes de guerre. Guus van Kouwenhoven, un homme d’affaires néerlandais qui appartenait au cercle des intimes de Taylor et qui dirigeait l’Oriental Timber Company (OTC), une entreprise à la rapacité bien connue, est déjà en prison pour avoir violé l’embargo de l’ONU sur les armes.
Après ces années de guerre civile dévastatrice, de trafic illégal de bois et de fraude généralisée pour alimenter le conflit, le Liberia vient d’adopter, le 9 octobre 2006, un code forestier orienté par de nouvelles politiques formulées avec les Nations unies. La nouvelle législation permettra de mettre en oeuvre la première politique forestière de l’histoire du pays, que la FAO et de nombreux partenaires internationaux ont contribué à mettre en place (les États-Unis, l’Union européenne, la Banque mondiale, l’UICN et des ONG de conservation dont Conservation International, Flora and Fauna International, plusieurs ONG et industries libériennes), par le biais de l’Initiative pour les Forêts du Liberia.
D’après Silas Siakor, le Prix Goldman de l’Environnement 2006 pour l’Afrique, ce nouveau code qui a permis de lever les sanctions de l’ONU est prometteur... à condition qu’il puisse être appliqué.
Le code prévoit de consacrer trente pour cent des forêts à des réserves ; il garantit en outre que les communautés locales devront approuver toutes les concessions et qu’elles recevront 30 % des recettes. Avec un détail astucieux : cet argent proviendra de l’impôt foncier et non des recettes d’extraction. Ainsi, les communautés auront intérêt à surveiller qu’il n’y ait pas de surexploitation pour que la terre ne se dévalue pas et que les paiements continuent indéfiniment. Ce système est considérablement meilleur que celui que les États-Unis appliquent à leurs propres forêts nationales !
Dans le cas des forêts disponibles pour des concessions commerciales, la loi stipule que ceux qui auront été impliqués dans la guerre, la corruption ou la faute professionnelle seront exclus de cette option. Pourtant, bien des hommes d’affaires qui ont allègrement saccagé les forêts du Liberia en échange de faveurs sont toujours là, veillant à leurs propres intérêts et prêts à profiter de toutes les opportunités d’extraire du bois
D’ailleurs, les Libériens ne sont pas les seuls : lors d’un forum international sur l’investissement dans les forêts tropicales tenu à Cancun, Mexique, le 26 avril 2006, Daniel A. Reifsnyder, sous-secrétaire et délégué à l’environnement nord-américain, a annoncé plein d’enthousiasme : « Nous sommes en train de donner tout notre appui au Liberia ». Il a remarqué que « Cette conférence sur l’investissement dans les forêts va se pencher sur les diverses manières d’attirer des investissements dans la forêt tropicale naturelle ». L’intérêt commercial pointe derrière des phrases aussi séduisantes que « la gestion forestière progressiste » et « des politiques de conservation visant à rendre vraiment plus durable l’utilisation des ressources forestières ». Le fonctionnaire nord-américain a dit que « les investisseurs peuvent en tirer des bénéfices tout en préservant les ressources forestières pour les générations futures ». Connaissez-vous un exemple de grande entreprise qui fasse cela ?
Article fondé sur des informations tirées de : “Liberia enacts new forest policy with UN help to ensure benefits for all”, service d’information de l’ONU, http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=20146&Cr=liberia&Cr1= ; New dawn for Liberia's 'blood forests', Richard Black, correspondant environnemental, BBC News, adresse électronique : Richard.Black-INTERNET@bbc.co.uk, http://news.bbc.co.uk/2/low/science/nature/6035617.stm ; “Issues and Opportunities for Investment in Natural Tropical Forests”, Daniel A. Reifsnyder, Remarks to International Tropical Forest Investment Forum, Mexique, 26 avril 2006, http://www.state.gov/g/oes/rls/rm/2006/65800.htm.