Restaurer les forêts avec et pour leurs habitants

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La destruction des forêts a souvent provoqué des situations si graves que les hommes d’affaires et les fonctionnaires, cernés de toutes parts par les plaintes, les pressions sociales ou celles des secteurs industriels dont les intérêts se voient menacés quand leurs activités tombent dans le discrédit, sont en train de développer leur propre discours sur la solution aux problèmes de l’environnement.

Après avoir nié carrément l’existence des dommages, on a essayé d’en accuser les victimes, puis de modifier la réalité par des discours, en montrant des statistiques sur les succès des entreprises dans les domaines environnemental et social. Mais comme la gravité des atteintes était impossible à cacher, on parle maintenant de compensations et de programmes de réhabilitation de l’environnement.

Les entreprises ont un langage et des propositions qui visent à semer la confusion ; bien des personnes, par naïveté ou par intérêt, tombent dans ce piège.

Ainsi, les processus destructeurs sont appelés « risque environnemental » (comme si la destruction pouvait ne pas se produire). Pour surmonter ces processus, il faut y « remédier » (pour faire le parallèle avec la solution qu’apportent les médicaments). Les réparations réclamées pour atteintes à la propriété ou pour dommages irréversibles deviennent des « compensations ».

Avec ces trois termes on prétend laisser de côté les dégâts existants, la dignité des gens et le droit à la justice et à l’équité.

On prétend ignorer que lorsqu’on porte atteinte à la nature les conséquences peuvent être accumulatives, il peut y avoir des effets en cascade sur les écosystèmes ; même s’ils passent inaperçus au départ, ces effets sont catastrophiques à moyen terme et à long terme.

L’argument que les plaintes des gens sont dues à d’autres problèmes (la pauvreté, le manque d’éducation et de santé) ne marche plus ; il se retourne comme un boomerang contre ceux qui l’utilisent, car il est devenu évident que ces autres problèmes sont la conséquence des initiatives destructrices de l’environnement.

Du point de vue des communautés, la réparation fait partie de la plainte. S’il y a des dégâts à dénoncer et que l’on s’en plaint, c’est parce qu’on veut arrêter ces dégâts ; si les dégâts ont été provoqués, il faut les réparer. Mais si la réparation des dégâts n’est pas surveillée les communautés risquent de se retrouver deux fois perdantes.

Il y a un grand vide, aussi bien dans la science que dans la politique ou dans la propre gestion des communautés, en ce qui concerne la définition de réparation, quelle est sa portée, qui doit réparer, comment il faut restaurer les zones affectées. Il s’agit sans doute d’un problème non seulement technique mais essentiellement politique.

À ce sujet, le réseau Oilwatch a rédigé un protocole sur la responsabilité civile et la restauration, et l’a présenté pour adoption à la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui se réunira ce mois-ci au Brésil. Bien que ce texte ait été conçu pour les régions où l’on exploite le pétrole, il peut être appliqué à tous les processus destructeurs de la diversité biologique. Le protocole énumère les responsabilités des auteurs de la destruction (qui sont généralement des entreprises), mais aussi celles des responsables du contrôle (les États), les unes n’excluant pas les autres. Le document est disponible sur http://www.wrm.org.uy/actors/BDC/Oilwatch.html.

D’après ce texte, la restauration après les dégâts doit permettre de reconstruire le tissu social, au lieu de fragmenter, diviser et désorienter les communautés ou, pire encore, de les soumettre à de nouvelles pressions. D’autre part, la réparation des dégâts doit être conçue avec des critères écologiques.

Dans cette restauration, les communautés doivent être les protagonistes, non seulement pour des raisons de connaissances et de droit, mais parce que cette tâche doit permettre de fortifier les communautés et leurs organisations.

Tout comme il a été clair à un moment donné qu’il revenait aux personnes affectées de porter plainte, car elles sont les mieux placées pour parler de leurs problèmes et des conséquences négatives pour la société, la culture et l’économie, il est clair que ce sont ces mêmes communautés qui doivent être au centre de la restauration. Autrement, même en supposant que les intentions et les techniques utilisées sont bonnes, un aspect essentiel des dommages ne serait pas réparé : celui qui concerne les droits des gens à décider de leur vie et de leur avenir.

Esperanza Martínez, Oilwatch, adresse électronique : tegantai@oilwatch.org.ec, http://www.oilwatch.org.ec