Le 26 novembre 2004, la législature de la province de Santa Fe a approuvé une loi d'urgence environnementale qui établit la suspension absolue de toute activité de coupe, de défrichage, de déforestation, de brûlage ou de destruction de forêts indigènes pendant une période de 180 jours que le pouvoir exécutif peut proroger pour 180 jours supplémentaires.
D'autre part, le 17 décembre dernier, le Tribunal Civil et Commercial Nº 6 de la province du Chaco, sous la responsabilité de M e Iride Isabel María Grillo, a accepté la recevabilité d'un recours collectif présenté par des communautés indigènes en défense de leurs territoires. Elle a jugé inconstitutionnelle la réforme de la loi sur les forêts, du fait qu'elle autorisait un abattage illimité sans respecter l'obligation de consulter les communautés indigènes ni les obligations de l'État du Chaco à l'égard de l'environnement. Vu les conséquences de ces violations, elle a ordonné d'effectuer une évaluation des dommages subis par la forêt du Chaco et une évaluation des impacts que la persistance de ces actions aurait sur l'environnement et la société.
En justification de sa décision elle a cité une partie d'un document rédigé par le Foro del Buen Ayre, une coalition d'ONG qui était présente à la 10 e Conférence des Parties (COP 10) de la Convention sur le Changement climatique récemment tenue à Buenos Aires. Ce document exigeait de stopper toute activité de défrichage, affirmant que « nous devons protéger les dernières forêts qui restent en Argentine, aussi bien pour la protection de la biodiversité qu'en raison des nombreux services environnementaux qu'elles offrent, et pour l'atténuation du changement climatique ».
Dans le document mentionné, le Foro del Buen Ayre réclame à l'État national argentin d'agir pour protéger les communautés et les peuples autochtones, qui sont dépouillés de leurs terres et dont les réserves naturelles sont mises en adjudication au profit du secteur privé. Il affirme que « l'État national ne peut pas continuer absent pendant que nos forêts sont dévastées ».
Les organisations membres du Foro del Buen Ayre affirment : « Il faut des plans d'aménagement du territoire qui assurent la préservation des forêts indigènes et celle de leur biodiversité, et l'usage du sol fondé sur des critères de durabilité. L'État doit s'engager dans une politique active et responsable et ne pas laisser la préservation des forêts livrée au rapport de forces inégal qui est celui des hommes d'affaires, des communautés paysannes vulnérables et des gouvernements provinciaux. »
Les causes de l'une des plus grandes catastrophes climatiques du XXI e siècle, que l'Argentine a subie entre mars et avril 2003, y sont également identifiées. La province de Santa Fe a souffert alors l'une des pires inondations de son histoire : les 400 mm de pluie tombés en 10 jours ont endommagé 220 000 hectares, causant des préjudices graves à la population et aux principales activités économiques de la région. Au bilan : 130 000 sinistrés, 30 morts, 28 000 foyers détériorés et plus d'un milliard et demi de dollars de pertes.
L'un des facteurs qui ont contribué à transformer ces inondations en une véritable tragédie a été l'élimination systématique, pendant les dernières décennies, du couvert forestier dans les bassins des fleuves, dont le Salado est un exemple (voir bulletin nº 85 du WRM). La cause principale de ce déboisement est l'expansion de l'agriculture. Depuis 1999, le travail incessant des bulldozers dans les provinces de Santiago del Estero, Chaco, Salta, Tucumán, Córdoba, Santa Fe et Entre Ríos a frayé la voie aux cultures de soja qui couvrent plus de 2 000 000 d'hectares. Dans la région du Chaco, qui est l'une des plus touchées, on estime qu'à ce rythme on aura défriché, d'ici à 2010, environ 4 300 000 hectares.
Cette déforestation provoque à son tour une augmentation considérable des émissions de carbone et contribue de ce fait au réchauffement de la planète. Dans un document récemment publié par la Direction des Forêts du ministère de l'Environnement et du Développement durable de l'Argentine, figure une évaluation actualisée des émissions de gaz découlant de la déforestation dans les divers environnements forestiers. Les données présentées indiquent qu'à l'heure actuelle, il y a en Argentine de grandes sources d'émissions provoquées par le déboisement, dans la région Nord-Est du pays, au Parque Chaqueño et dans la forêt de Yungas.
Il est décourageant de voir que les forêts indigènes ne couvrent guère plus que 14 % du territoire national, alors qu'elles s'étendaient sur 39 % du territoire en 1914. Dans ces circonstances, les organisations locales estiment que les deux résolutions mentionnées plus haut sont positives, car elles offrent au moins un temps de répit au milieu des assauts des intérêts commerciaux qui dévastent même la vie.
Il faudra profiter de cette trêve pour travailler au plan social à visualiser des modèles productifs qui comblent le fossé entre la production et la nature, et qui permettent de déterrer les savoirs locaux et leurs modes d'interaction avec le monde, car ils ont probablement beaucoup à apporter à l'intégration réciproque des systèmes.
Article fondé sur des informations tirées de : “Urgente, Santa Fe declaró la emergencia ambiental y frenó los desmontes por ley”, http://www.greenpeace.org.ar/noticia.php?contenido=4432&item=&seccion=4 ; “Chaco: fallo a favor de comunidades indígenas”, http://www.argentina.indymedia.org/news/2004/12/248289.php ; “El Cambio Climático y la agenda local”, document du Foro del Buen Ayre, adresse électronique : marem@lq.com.ar , www.foroba.org.ar , envoyé par Anna Petra, adresse électronique : annapetra@cabledosse.com.ar .