Le climat de notre planète est un système complexe qui résulte de l’interaction de cinq facteurs : l’atmosphère, les océans, les régions de glace et de neige (la cryosphère), les organismes vivants (la biosphère) et les sols, sédiments et rochers (la géosphère). Tous sont, à leur tour, liés au soleil.
C’est seulement dans ces termes qu’il est possible de comprendre les flux et les cycles de l’énergie et de la matière de l’atmosphère, ce qui est indispensable pour rechercher les causes et les effets des changements climatiques. Mais à ces facteurs il faut également en ajouter un autre : le facteur anthropogénique, qui résulte de l’activité humaine.
De la serre à la fournaise
Comme nous venons de dire, le climat est en rapport direct avec l’énergie solaire, qui arrive à la surface de la Terre et retourne à l’espace sous la forme de rayons infrarouges. Mais cette énergie qui sort passe par l’atmosphère. L’atmosphère contient, en plus d’azote, oxygène et argon, un mélange d’autres gaz différents (dioxyde de carbone, méthane, oxyde nitreux, ozone, vapeur d’eau) qui entoure la planète et constitue un système environnemental intégré à tous les composants de la Terre. Ce sont ces gaz qui permettent à l’énergie solaire de passer, mais qui également l’attrapent et absorbent une partie de la chaleur qui « rebondit » et repart (environ 30% du total ; 45% de ce qui reste est absorbé par la terre et les océans, et 25% par l’atmosphère). Ce système de contrôle naturel de la température de la Terre est ainsi assimilé à une serre, et les gaz qui interviennent dans ce processus sont appelés des « gaz à effet de serre ». L’effet de serre permet aussi, pour une bonne mesure, la présence d’eau à l’état liquide.
L’effet de serre n’est pas un problème en lui-même. Au contraire, c’est l’équilibre délicat de ce système qui a créé les conditions permettant la vie sur la planète. Ce qui est un problème c’est que l’atmosphère a reçu une charge artificielle de gaz à effet de serre. Elle reçoit un « renforcement » supplémentaire dont nous n’avons pas besoin, et qui augmente la chaleur. La serre est ainsi en train de devenir une fournaise.
Le réchauffement de la planète
Bien que le climat de la Terre soit instable et plutôt imprévisible – et très sensible à des facteurs intérieurs ou extérieurs – la température n’a probablement pas beaucoup changé dans les 200 000 dernières années : les températures de la dernière période glaciaire n’étaient que 5º C plus froides que celles d’aujourd’hui. La température moyenne de la Terre est actuellement d’environ 14º C. Sans l’effet de serre, elle serait de 18º C.
Pourtant, au cours des 200 dernières années la température a augmenté de façon brusque. La température moyenne de la surface terrestre a monté entre 0,3º C et 0,6º C par rapport à l’époque préindustrielle, et la plus grande augmentation s’est produite dans les 40 dernières années. Le réchauffement de la planète est devenu évident autant à la surface des mers qu’à celle des terres, cette donnée étant appuyée par des indicateurs indirects tels que la rétraction des glaciers. A l’échelon mondial, la décennie 1990 a été la plus chaude de l’histoire, et l’année 1998 la plus chaude de toutes. Cette tendance est directement liée aux activités humaines, qui sont en train de provoquer une augmentation des teneurs en gaz à effet de serre de l’atmosphère.
Le dioxyde de carbone (CO2), l’un des plus importants parmi ces gaz, parcourt un cycle vital complexe. Il est libéré par les éruptions volcaniques, par la respiration, par des processus au sol, par la combustion de composants du carbone et par l’évaporation des océans. A son tour, il se dissout dans les océans et il est absorbé par la photosynthèse des végétaux. Après la révolution industrielle, et en particulier après la deuxième guerre mondiale, l’activité industrielle a relâché dans l’atmosphère d’énormes quantités de CO2 à la suite de la combustion de combustibles fossiles en provenance de dépôts souterrains, dont les trois principaux sont la houille, le pétrole et le gaz.
La plupart des émissions de dioxyde de carbone sont produites par l’utilisation de combustibles fossiles pour la génération d’énergie, les activités industrielles et le transport, mais elles sont produites également par le défrichage et l’abattage des forêts. Les activités agricoles et les changements d’affectation de la terre produisent des émissions de méthane et d’oxyde nitreux, tandis que les activités industrielles émettent en outre des produits chimiques artificiels appelés hydrocarbures halogénés (CFC, HFC, PFC).
Les chlorofluorocarbures (formés par des molécules de carbone, de chlore et de fluor) sont des gaz tout à fait anthropogéniques, c’est-à-dire créés par les activités humaines, et ils sont émis par les aérosols, les réfrigérateurs et les climatiseurs. Il est estimé que ces gaz ont contribué pour une large mesure au réchauffement de la planète.
Plutôt qu’une évolution linéaire, le climat suit une voie non linéaire avec des conséquences inattendues et drastiques lorsque les niveaux de gaz à effet de serre atteignent un point critique qui déclenche d’autres processus inconnus jusqu’à présent. Tout semble indiquer que les émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines peuvent provoquer des changements climatiques radicaux au XXIe siècle et au-delà, avec des effets de vaste portée sur l’environnement et sur les sociétés et les économies humaines.
La raison de la déraison
L’augmentation des taux de dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre responsables du changement climatique est une conséquence des modèles actuels de développement – de production et de consommation – qui favorisent l’utilisation excessive des combustibles non renouvelables, et des modèles inadéquats d’utilisation de la terre.
En général, les émissions de gaz à effet de serre de combustibles fossiles vont de pair avec le modèle de consommation caractéristique de la société industrielle moderne : plus un pays est riche, plus ses émissions sont fortes. C’est ainsi que les États-Unis se retrouvent en tête de liste, avec 24% du total des émissions.
Les pays industrialisés ont exploité et consommé plus de combustibles fossiles, de forêts et d’autres ressources de la planète que le Sud, ce qui leur a permis d’atteindre leur niveau actuel de richesse et de pouvoir. Ce faisant, ils ont mis l’humanité dans un état de risque tel qu’elle est en danger de succomber. Il est juste qu’ils prennent la majeure part de la responsabilité d’éviter la crise sociale, environnementale et planétaire.
Lorsque l’avenir nous atteindra
Rares sont ceux qui mettent sérieusement en doute que le climat de la Terre soit en train de changer et que, à moins de prendre les mesures nécessaires, l’humanité entrera en une période de déséquilibre climatique intensifié. Les modèles climatiques prédisent que si les tendances d’émission actuelles restent inchangées, pour l’an 2100 la température augmentera entre 1,4º C et 5,8º C. Ce sont là des changements sans précédent dans l’histoire écrite. Dans un siècle – presque rien dans l’histoire de la Terre – nos descendants et ceux des autres créatures vivantes pourraient avoir à supporter des températures très supérieures à celles qu’ils ont subies durant la plus grande part de leur évolution. Les conséquences pour beaucoup d’espèces, y compris l’espèce humaine, pourraient être catastrophiques.
Une des prédictions centrales des experts du climat est que les phénomènes extrêmes, tels que les orages, les ouragans, les inondations, les sécheresses et les hivers très rudes, pourraient devenir de plus en plus fréquents, avec des conséquences graves pour les conditions de la vie humaine. Pourtant, les impacts ne seraient pas les mêmes partout. Certaines régions (en particulier les zones arides du tiers monde) se dessècheraient, ce qui provoquerait une grave dégradation du sol, tandis que d’autres subiraient un refroidissement considérable en raison de changements dans le courant du Golfe. D’une manière générale, le niveau de la mer monterait (de 9 à 88 cm pour l’an 2100 suivant les projections) à mesure que le réchauffement de l’eau atteindrait les profondeurs de l’océan.
Un impact possible sur l’écologie est la destruction de la plupart de la forêt amazonienne pour la fin du XXIe siècle, en raison de la sécheresse. La perte de forêts partout dans le monde libérerait encore plus de dioxyde de carbone, ce qui exacerberait le changement climatique.
Les plus vulnérables à l’incidence des changements climatiques sont ceux qui vivent dans des conditions sociales et économiques adverses : les secteurs de moindres revenus de la population dans les pays en voie de développement, les secteurs urbains pauvres en général, les résidents des régions côtières et des îles, et les habitants des terres semi-arides. L’exposition croissante à des catastrophes naturelles telles que les inondations, la sécheresse, les glissements de terre, les orages et les ouragans, sera encore plus grave pour les secteurs qui se retrouvent dans les situations de risque les plus fortes.
Pour illustrer de façon plus claire la gravité des impacts prévus, voyons ce que prédisent les experts dans chaque cas :
- hausse du niveau de la mer : bien qu’il soit difficile de mesurer les changements du niveau de la mer, on estime que dans les 100 dernières années il a monté entre 10 et 25 cm. Cela indique que, pour une grande mesure, ce changement est lié à l’augmentation de la température survenue dans les 100 dernières années. Sur une telle période, l’augmentation du volume de l’océan provoquée par la chaleur pourrait en être en partie la cause, le reste provenant de la contraction des glaciers et de la perte de couches de glace. L’épaisseur des glaces submergées s’est réduite dans certaines régions de plus d’un mètre dans les années 90, par rapport aux vingt ou trente années précédentes. La disparition généralisée des couches de glace discontinues de la planète provoquera l’érosion des régions arctiques, ce qui modifiera les processus hydrologiques et libérera du dioxyde de carbone et du méthane dans l’atmosphère.
- zones côtières : en corollaire de la hausse du niveau de la mer, les régions littorales subiront des inondations graves. Le Bangladesh, l’un des pays les plus pauvres du monde, est aussi le plus vulnérable à la montée du niveau de la mer. Sa population est gravement atteinte par les orages. Les catastrophes naturelles ont déjà causé des dégâts jusqu’à 100 Km à l’intérieur du pays, et on imagine avec épouvante ce qui se passerait si le niveau de la mer montait à une vitesse accélérée.
- précipitations : on a observé une augmentation des chutes dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord, en particulier pendant l’hiver, tandis qu’elles ont diminué après les années 60 dans les régions tropicales et subtropicales, de l’Afrique à l’Indonésie. Les prédictions indiquent une augmentation des précipitations à l’échelon mondial, mais les tendances au niveau local sont beaucoup moins sûres. Si la pluie et la neige augmentaient, les conditions du sol seraient plus humides en hiver dans les hautes latitudes, tandis que l’augmentation de la température pourrait impliquer que les sols seront plus secs en été.
- santé : la transmission de nombreuses maladies infectieuses est directement liée aux facteurs climatiques, puisque les agents d’infection et leurs organismes de transmission sont sensibles à la température, l’eau, le vent, l’humidité en général et celle du sol en particulier. Cela s’applique en particulier aux maladies transmises par des organismes vivants, comme c’est le cas de la malaria, dont le vecteur est un moustique. Sans être acceptées de manière unanime, certaines projections indiquent pourtant que les changements climatiques et ceux des modèles météorologiques modifieraient la portée (en altitude comme en latitude), l’intensité et la saison propice de nombreuses maladies infectieuses.
- agriculture : l’augmentation du taux d’évaporation contribuerait à la salinité des terres agricoles irriguées. La dégradation du sol induite par le climat, jointe à l’augmentation des ravageurs, de la sécheresse et des inondations, pourrait provoquer la perte de 10 à 15% de la production de céréales en Afrique, en Amérique latine et en Asie dans les 50 prochaines années. Si cette prévision se réalise et le modèle actuel de distribution inégale d’appropriation des ressources se maintient, le risque d’aggravation des situations de famine dans les pays appauvris sera très grand.
- forêts : le changement climatique porterait atteinte à la santé et la composition des forêts de la planète. Certaines projections indiquent qu’en une période de cent ans les zones climatiques appropriées pour certaines forêts pourraient subir un déplacement de 150 à 550 Km. Dans les régions de montagne, certaines espèces et communautés végétales, composées d’arbres en particulier, pourraient tout à fait disparaître en raison du déplacement vers des latitudes supérieures d’espèces qui vivent près des sommets des montagnes. La migration, qui se produit par l’adaptation des graines disséminées dans des régions plus aptes, serait limitée par le manque de places où les graines pourrraient s’établir. Les forêts décidues (dont les feuilles tombent chaque année) se déplaceraient vers des latitudes plus hautes, remplaçant ainsi, dans beaucoup de régions, les forêts de conifères. Des études menées en Suisse laissent supposer qu’une augmentation de la température de 3º C provoquerait une invasion d’arbres décidus dans la ceinture subalpine, et une invasion de conifères dans la région alpine.
D’autre part, certaines essences d’arbres ont développé un avantage comparatif qui leur permet de survivre dans des conditions de sol et de climat très spécifiques. Un quelconque changement, serait-il infime, de ces conditions les affecterait de manière très grave et pourrait même provoquer leur disparition.
De nombreux changements peuvent se produire dans les forêts à la suite d’altérations subtiles de l’équilibre compétitif entre les espèces. Par exemple, l’augmentation des températures changerait probablement l’intervalle entre l’époque de la floraison et la saison où elles perdent leurs feuilles, mais les effets pourraient être différents pour les diverses essences.
En définitive, tout ceci implique que la diversité biologique serait en péril, puisque le rythme possible du changement climatique auquel les forêts seraient soumises serait plus rapide que le rythme auquel elles pourraient s’adapter.
- ressources hydriques : les changements dans le débit des fleuves pourraient affecter les nappes souterraines. La montée du niveau de la mer pourrait provoquer l’accès d’eau salée dans les aquifères côtiers. Les sources d’eau pourraient en être dégradées ou même disparaître, ce qui augmenterait la concurrence.
- augmentation des sécheresses et des inondations : on estime que l’altération des cycles hydrologiques provoquera l’extension et l’intensification des processus de désertification dans plusieurs régions d’Afrique. Dans le Sud-Est asiatique la diminution des moussons est déjà un fait, Tandis que dans d’autres régions telles que le Népal, la Birmanie et l’Inde, ces changements ont provoqué des inondations de grande portée.
- pollution de la terre et de l’eau : les inondations contribueraient à répandre les produits chimiques toxiques utilisés dans les modèles agricoles industriels.
L’addition de tous ces facteurs impliquerait l’écroulement de nombreux écosystèmes fragiles (par exemple, les forêts et les récifs coralliens), qui ne peuvent pas réagir avec une rapidité suffisante aux changements brusques de température, ce qui conduirait à une augmentation en flèche du taux de disparition d’espèces. La perte de biodiversité pourrait même déclencher une série de catastrophes susceptibles de provoquer l’extinction de la vie sur la planète telle que nous la connaissons.