La région du Chocó (d'une superficie de 75 000 km2 sur la côte pacifique de la Colombie) est un écosystème stratégique en raison de sa diversité naturelle et culturelle. Elle renferme d'ailleurs la plus forte concentration de diversité biologique du monde quant au nombre d'espèces par hectare (cf. Bulletin Nº 44 du WRM). De l'étendue originelle en forêts hétérogènes il ne reste que 40%, par suite de la colonisation, de l'expansion de la frontière agricole, de l'élevage et de l'exploitation du bois.
Le Bajo Atrato, dans le bassin du fleuve Atrato, qui fait partie de cette région biogéographique, est en état d'alerte. Le Défenseur du peuple a manifesté, dans le document "L'exploitation forestière et les droits humains à Bajo Atrato-Chocó", la profonde inquiétude des membres des conseils communautaires de la région (dont Cacarica, Higuamiandó et Curvaradó, parmi d'autres) face à un projet de plantations de palmier à huile à effectuer dans la municipalité de Riosucio.
Il s'agit d'un projet de l'entreprise Urapalma S.A., une société qui n'intègre pas la convention de concertation pour une production plus propre, passée par la fédération Fedepalma, les Ministères de l'Environnement et de l'Agriculture, et plusieurs entreprises environnementalistes.
L'objectif du projet est de semer 20 000 hectares de palmier (des variétés Ekona et Ekona X lame) dans les départements de Chocó et d'Antioquía. Le premier bloc est de 9 000 hectares, dont 6 500 appartiennent à la compagnie mentionnée et 2 500 à Asopalma, une entreprise associée à la précédente dans laquelle participent des paysans de la région auxquels a été assignée une parcelle de 5 hectares.
Dans une étape ultérieure, il est prévu d'installer dans la région une usine extractive pour la production de 35 000 tonnes d'huile crue sur une période de cinq ans. A l'heure actuelle, des associations d'habitants de la zone sont en cours de formation à Paravandocito et Munguidó, pour la plantation de 380 hectares. Cette initiative a bénéficié de l'appui de divers organismes, dont les Ministères de l'Agriculture et du Développement, la Banque agricole (qui a octroyé un crédit allant jusqu'à 80% des coûts directs de fonctionnement durant l'étape improductive), FINAGRO, le Fonds d'investissements pour la paix (source de financement de l'ICR - Incentivación de Capitalización Rural - pour la culture du palmier à huile) et le gouvernement d'Antioquía.
Aucune consultation des communautés ethniques n'a été entreprise, aucune démarche n'a été faite au sujet de la viabilité environnementale, aucun permis n'a été demandé pour la concession des eaux et de l'exploitation forestière auprès des autorités environnementales des départements de Chocó et Corpourabá. Les normes environnementales et ethniques en vigueur dans la région n'ont donc pas été prises en compte.
Les groupes paramilitaires qui opèrent dans la région ont été utiles à ce projet, pour lequel est un obstacle la propriété collective des territoires de la région de la part des communautés. Dans ce sens, le combat contre la guérilla obéit à une stratégie militaire, mais aussi à l'intérêt économique du secteur privé. La Commission inter ecclésiastique pour la justice et la paix a dénoncé que, de toute évidence, l'Etat n'est pas en train d'intervenir pour combattre de manière structurée la lutte armée qui se cache derrière le paramilitarisme, que les droits des communautés d'origine africaine continuent à être ignorés, et que la plantation illégale et illicite de palmier à huile se répand, à la faveur de la protection armée.
Comme dans tant d'autres lieux de la région tropicale, la diversité naturelle et culturelle risque de disparaître et de se voir remplacée par de vastes monocultures qui n'avantagent que les entreprises consacrées à la production et la commercialisation de l'huile de palmier. Et comme dans presque tous les autres cas, la résistance à l'appropiation de territoires de la part des entreprises surgit avec de plus en plus de force.
Article basé sur des informations tirées de: "Alerta por Palmicultura en el Bajo Atrato", document envoyé par Gonzalo Díaz Cañadas, Fundación Beteguma, fondateur du périodique Citará, www.citara.ipfox.com, adresse électronique: periodicocitara@hotmail.com; "Graves violaciones de derechos humanos en Jiguamiandó y Curbaradó [Chocó]", Justicia y Paz, 23 décembre 2002, http://colombia.indymedia.org/news/2002/12/854.php.