Une lettre portant les signatures de plus de 50 membres d'ONG, d'églises, de mouvements et de syndicats brésiliens a été envoyée aux investisseurs du Fonds prototype du carbone (FPC) de la Banque mondiale le 26 mars 2003, leur demandant de ne pas acheter de crédits carbone du projet Plantar de Minas Gerais, Brésil, qui est l'objet de controverses. Dans cette lettre, disponible dans www.sinkswatch.org (cf. aussi le Bulletin Nº 65 du WRM), ils déclarent que les activités de Plantar ne sont ni propres ni durables, que la compagnie a violé à maintes reprises les lois du travail, et qu'elle n'a pas l'évaluation d'impact environnemental exigée par la loi.
Dans une lettre au FPC datée du 11 avril 2003, Plantar rejette toutes les critiques et toutes les inquiétudes exprimées dans la lettre des ONG, et accuse le WRM et l'organisation brésilienne FASE-ES d'un "manque surprenant de connaissances et d'information".
Plantar omet de reconnaître que la lettre en question est fondée sur une enquête en profondeur sur les activités de la compagnie, menée par des membres de FASE-ES et documentée dans un rapport à la demande du WRM. Cette enquête a compris des visites de la zone et des interviews prolongées des résidents, et le rapport -en anglais- est disponible dans http://www.wrm.org.uy/countries/Brazil/fsc.html.
Comme on pouvait s'y attendre, la compagnie a réagi en rejetant carrément les affirmations des enquêteurs et elle a lancé une campagne locale incluant des déclarations aussi absurdes que "les ONG d'Espirito Santo et d'Uruguay poussent à l'augmentation du chômage dans la commune de Curvelo" (Journal "Folha de Curvelo", 16 avril 2003). Le sous-titre de l'article ajoute que "soutenues par des intérêts internationaux, des Organisations non gouvernementales rédigent un rapport erroné contre Plantar S.A. et essaient de bloquer des ressources qui pourraient être investies dans la commune de Curvelo".
Face à cette réaction de Plantar, FASE-ES et le WRM ont décidé de refuser l'invitation de la compagnie à se rencontrer, de visiter en revanche la zone des plantations et d'entendre les résidents qui ont été affectés. Cette décision a été renforcée par le fait que le dernier message de Luis Carlos Goulart - le Directeur du développement durable de la compagnie - les informait que la visite des plantations n'allait pas être possible - censément par manque de temps - et que la réunion aurait lieu dans les bureaux de l'entreprise. La rencontre prévue n'avait donc plus aucun sens.
Les représentants de FASE/WRM se sont rendus dans la zone le 15 mai et ont rencontré les gens des lieux. L'impact général des activités de la compagnie a été résumé par une femme qui a dit tout simplement: "Plantar a liquidé tout ce que nous avions". Le sens de ces paroles est devenu clair lorsque les gens nous ont fait parcourir la zone. A l'intérieur des plantations, les seuls points verts étaient les eucalyptus et les plantules d'eucalyptus. Le reste était marron, à la suite de l'application de l'herbicide Round-up au glyphosate. L'eau avait séché ou était contaminée par des produits agrochimiques, privant ainsi les gens du poisson qu'ils avaient l'habitude de pêcher et de manger. La faune locale - qui était un élément important de la subsistance des habitants - avait elle aussi disparu, au point que les panneaux affichant l'interdiction de chasse et de pêche semblaient une blague. "La chasse et la pêche de quoi?" a demandé un homme furieux. "La compagnie a tout tué".
Les résidents ont également révélé que Plantar essayait de les obliger à signer une lettre d'appui à la compagnie, que seuls ceux qui n'y travaillaient pas ou n'en dépendaient pas avaient la possibilité de ne pas signer, à leurs risques et périls. De même, ils nous ont montré la route publique que l'entreprise a fermée, ce qui les force à parcourir une distance beaucoup plus grande pour rentrer chez eux. La raison invoquée pour cette fermeture, qui a été décidée sans demander l'avis des résidents, était d'éviter que la poussière de la route n'atteigne les plantes dans la pépinière de la compagnie!
La visite des lieux n'a fait que confirmer les conclusions des chercheurs de FASE et renforcer la conviction que la compagnie ne devrait jamais se voir accorder la certification du FSC, ni être considérée par le Fonds prototype du carbone comme une candidate possible aux crédits carbone dans le cadre du Mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto.